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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Ouverture du séminaire sur les libertés audiovisuelles au Palais de Justice Cinq mille avocats appelés à signer la déclaration de Beyrouth sur les droits de l'homme (photos)

Ils étaient tous là, les vaillants défenseurs des libertés et les piliers de l’Etat de droit, hier, dans l’immense salle des pas perdus du Palais de justice de Beyrouth. Les trois présidents côte à côte,pour la première fois depuis plusieurs mois, mais pas réconciliés, des ministres «frondeurs» et d’autres pacifiques, des députés opposants et d’autres loyalistes, d’anciens présidents, des ambassadeurs, des avocats, et bien sûr, les membres du conseil supérieur de la magistrature… Tous sont venus assister à la séance inaugurale du séminaire sur les libertés audiovisuelles, organisé par l’Institut des droits de l’homme du barreau de Beyrouth. Créé en 1996, à l’initiative de l’ancien bâtonnier Chakib Cortbawi, cet institut a voulu, par ce séminaire, célébrer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, signée le 10 décembre 1948 à Genève. Mais pourquoi avoir choisi ce thème, alors que les sujets concernant les libertés et touchant de plus près les avocats ne manquent pas, notamment les problèmes de la détention préventive, le respect de la présomption d’innocence, etc.? Le directeur de l’Institut, Me Georges Assaf, explique que les libertés de l’audiovisuel font partie de la liberté d’expression, expressément reconnue par la Déclaration universelle et par la Constitution libanaise.«Comme nous estimons qu’il y a des lacunes dans la loi libanaise, nous avons pensé qu’il serait utile d’en débattre», ajoute-t-il. Résultat, au cours de la séance inaugurale, marquée par le discours du président de la République, M. Elias Hraoui, et les allocutions du bâtonnier de Paris, Mme Dominique de La Garanderie, du bâtonnier espagnol, M. Eugénio Gay Montalvo, de l’ancien bâtonnier belge, M. François Glansdorff et du vice-bâtonnier italien, M. Remo Danovi, les libertés audiovisuelles ont été rapidement évoquées. Alors que le bâtonnier Antoine Klimos a défini le métier de journaliste, «qui consiste à rechercher et à exprimer la vérité». D’ailleurs, devant cet impressionnant échantillon de la classe politique, on pouvait se demander à qui auraient pu s’adresser les critiques, puisque tout le monde semblait d’accord sur les principes énoncés. Hommage de Hraoui à Charles Malek Le chef de l’Etat a commencé par rendre hommage à Charles Malek qui avait participé à l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme, avant d’insister sur les mobiles qui ont dicté cette déclaration : la volonté de préserver l’humanité d’une réédition des deux guerres mondiales. Rappelant que les principes de cette déclaration sont en «harmonie avec les traditions libanaises» et affirmant qu’il refuse toute atteinte à l’esprit de cette déclaration, il a dénoncé la violation par Israël de cette déclaration, en occupant le Sud et la Békaa ouest. Selon l’article premier de la Déclaration, a ajouté le chef de l’Etat, «tous les hommes naissent libres et le second condamne toute forme de discrimination raciale et ethnique. Comment, dans ce cas, tolérer une discrimination fondée sur la force des armes destructrices…». Il a conclu en réaffirmant la détermination du Liban à résister contre l’occupation israélienne et contre toute atteinte à sa liberté, à sa dignité et à sa souveraineté. Le bâtonnier Klimos a insisté, de son côté, sur la nécessité de «trouver un juste équilibre entre, d’une part, la liberté absolue et d’autre part, la dignité et l’intégrité de la personne humaine, les droits d’autrui, la sauvegarde de l’ordre public, les impératifs de la sécurité nationale et de la moralité publique, ainsi que le respect de l’autorité du pouvoir judiciaire». Selon lui, l’ambition de ce séminaire est de «définir les moyens de concilier la liberté de l’audiovisuel avec une réglementation pondérée qui ne serait pas conditionnée par des conditions politiques ou partisanes». Mme Dominique de La Garanderie, du barreau de Paris a déclaré qu’il y a encore «beaucoup de chemin à parcourir, partout et pour longtemps». Elle a longuement évoqué la condition des femmes, provoquant quelques vagues sourires chez les hommes et des applaudissements nourris chez les femmes. M. Eugénio Gay Montalvo du barreau espagnol a précisé que la Déclaration universelle a créé «une conscience légale internationale à laquelle aucun Etat ne veut se soustraire», même si des violations de cette déclaration sont enregistrées un peu partout. Il a aussi préconisé la «mise en marche immédiate et effective du tribunal pénal international. M. René Danovi, vice-président du conseil national des barreaux d’Italie a surtout parlé du rôle des avocats dans la protection des droits de l’homme. Selon lui, on ne peut évoquer les droits de l’homme sans revenir à l’image de la justice et à l’idée du droit, qui est le moyen pacifique de régler les conflits. «Le droit, a-t-il dit, a besoin de défenseurs et nous voici réunis, partageant la même foi dans les valeurs consacrées dans la déclaration…» M. Danovi a insisté sur la nécessité pour l’avocat d’être indépendant. «Cette indépendance est aussi nécessaire pour avoir confiance en la justice que l’impartialité du juge». Selon lui, l’avocat a aussi une mission d’équilibre et de sagesse et il doit être soutenu par le respect des valeurs éthiques et par l’observation des règles déontologiques. En conclusion, il a déclaré qu’il faudrait pouvoir dire que c’est la force de la raison et non la raison de la force qui guide les actions humaines.M. François Glansdorff, ancien bâtonnier en Belgique a enfin prononcé une allocution émouvante, dans laquelle il a exposé les grandes secousses que vit actuellement la justice en Belgique, tout en montrant que dans le domaine des libertés, il y a encore beaucoup à faire pour rectifier les dysfonctionnements. Les problèmes du 21e siècle Il a fallu attendre la remarquable intervention de M. Roland Kessous, avocat général à la cour de cassation en France, pour entrer dans le vif du sujet. Evoquant «les vertigineuses perspectives» sur lesquelles s’ouvre le 21e siècle, dans les domaines de la génétique et de l’informatique notamment, il a précisé que nul ne peut encore dire si elles serviront ou asserviront l’homme. M. Kessous a parlé de la nécessité de sauvegarder la planète-terre et de défendre le patrimoine génétique de l’humanité. Abordant le problème du clonage, il a insisté sur l’interdiction de modifier le génome humain et le respect du corps humain. «Jamais autant qu’aujourd’hui, a-t-il dit, les progrès n’ont été aussi susceptibles d’être détournés». M. Kessous a ensuite évoqué la liberté d’expression, devenue, selon lui, indissociable du droit d’être informé.A cet égard, il a soulevé le problème des exclusivités accordées à une chaîne de télévision pour la diffusion de certains événements. La cour de cassation française a estimé à ce sujet que la concession à un diffuseur du droit de retransmettre en direct une compétition sportive ne peut faire obstacle à la communication de l’événement sous la forme de brefs extraits. M. Kessous a souligné aussi la nécessité pour l’information de respecter le pluralisme et d’être loyale envers ses destinataires bien sûr. Un sujet de méditation pour les médias libanais… Pour M. Kessous, le développement des moyens techniques dont disposent aujourd’hui les médias permet une manipulation des images, voire un trucage. D’où la nécessité de donner une information loyale et complète. Il a ensuite parlé des limites au droit d’informer, dès que des intérêts supérieurs sont mis en cause. Les limites de la liberté audiovisuelle Le thème des limites de la liberté audiovisuelle a été longuement développé dans le rapport belge lu par M. François Glansdorff, dans le rapport espagnol de M. Josep Solsona et dans l’état des lieux sur la situation européenne présenté par M. Ad Van Loon. Une sorte de charte a été ainsi établie entre les membres de l’Union européenne, visant à organiser la transmission télévisuelle et à protéger les pays membres de l’union, de la diffusion d’émissions qui pourraient leur être néfastes. C’est toutefois avec Me Adel Boutros que le cas du Liban a été évoqué. Spécialiste en matière d’information, Me Boutros a précisé que le Liban a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui reconnaît la liberté d’expression. Il a ajouté que le Liban a aussi expressément reconnu la liberté d’information dans la loi sur la Diffusion radiophonique et télévisée du 4 novembre 1994. Il a toutefois relevé le fait que des limites ont été imposées à cette liberté en accordant des «prérogatives dérogatoires» au gouvernement, qui distribue les licences à l’entreprise d’information et définit son orientation préalable par le biais du cahier de charges. De même, c’est l’autorité politique (le gouvernement et le Parlement) qui désigne les membres du Conseil national de l’audiovisuel. Il a enfin précisé que l’article 2 du code de procédure civile confirme le principe de la primauté du traité international sur la loi nationale. Il faudra toutefois attendre les séances d’aujourd’hui pour en savoir plus sur la situation au Liban et en France. Me Georges Assaf et Me Abdelsalam Cheaïb parleront du rapport libanais, alors que Me Chritophe Pech de Laclause évoquera la situation en France. Une séance de débat général présidée par l’ancien bâtonnier Chakib Cortbawi clôturera ce séminaire. Et, à la fin des travaux, les 5000 avocats du Liban seront invités à signer «la Déclaration de Beyrouth pour la défense des droits de l’homme» en attendant de pouvoir l’appliquer.
Ils étaient tous là, les vaillants défenseurs des libertés et les piliers de l’Etat de droit, hier, dans l’immense salle des pas perdus du Palais de justice de Beyrouth. Les trois présidents côte à côte,pour la première fois depuis plusieurs mois, mais pas réconciliés, des ministres «frondeurs» et d’autres pacifiques, des députés opposants et d’autres loyalistes,...