Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Rencontre Aoun-Wakim à Paris, le Hezbollah dans le prochain gouvernement ... Repositionnement en perspective sur l'échiquier politique

Nombreux sont ceux qui pensent -ou espèrent- que le panorama politique au lendemain de l’échéance présidentielle sera différent de celui en place dans le pays depuis des années. Nul ne connaît, certes, les intentions réelles des décideurs locaux et surtout régionaux. Mais dans la mesure où les développements politiques des derniers mois et les déclarations des responsables libanais et syriens peuvent servir d’indices, on pourrait croire qu’il existe une volonté d’assainir le climat politique interne, en élargissant autant que possible la base du pouvoir au Liban. Ce nouveau paysage politique devrait se traduire par un repositionnement sur l’échiquier interne de forces et de personnalités politiques. Les prémices de ce changement sont apparues avec la libération de détenus libanais en Syrie en mars, et ont été confirmées lors des élections municipales de mai et de juin derniers. Diverses sources politiques affirment que la situation devrait évoluer davantage lors du prochain mandat, avec l’entrée au gouvernement du Hezbollah et de figures chrétiennes jouissant d’une crédibilité au sein de leur communauté. L’opposition sera elle aussi touchée par cette nouvelle donne. Le député Najah Wakim et le général Michel Aoun vont renforcer leur coopération. Les bases de cette alliance ont été jetées lors d’une rencontre entre les deux hommes en juillet à Paris. C’était la première réunion entre l’ancien chef du gouvernement militaire et le député opposant de Beyrouth. L’élargissement de la base du pouvoir serait donc l’aboutissement d’un processus mis sur rails il y a plusieurs mois. Selon des sources bien informées, le changement de l’approche syrienne à l’égard du Liban est dû à plusieurs facteurs liés entre eux. D’abord, le «partenariat stratégique» avec la France semble être une option sérieuse de la direction syrienne qui a levé, en l’espace de quelques semaines, les barrières politiques empêchant une présence commerciale et culturelle française en Syrie. Ainsi, la visite de délégations commerciales et culturelles et de missions archéologiques, et les déplacements des diplomates français dans les différents mohafazats du pays, ont été considérablement facilités, notamment après la visite à Paris, en juillet dernier, du président Hafez el-Assad. Le centre de gravité du dossier libanais En signe de bonne volonté, les autorités syriennes ont consenti certaines concessions aussi bien à l’intérieur du pays qu’au Liban. Elles ont libéré plus de 200 prisonniers politiques syriens et 123 libanais. Elles ont ensuite encouragé l’organisation d’élections municipales relativement libres et intègres et la participation des différentes forces politiques présentes au Liban, dont le parti dissous des «Forces libanaises». Le déplacement du centre de gravité du dossier libanais au sein du régime syrien explique aussi le changement de l’approche syrienne. Il n’est plus un secret pour personne aujourd’hui que le fils du président el-Assad, M. Bachar el-Assad, s’implique davantage dans le traitement des affaires libanaises. Chargé de la lutte contre la corruption en Syrie, Bachar el-Assad favorise au Liban la participation aux affaires publiques de personnalités crédibles, jouissant d’une bonne réputation. Selon des sources bien informées, le fils du chef de l’Etat syrien est convaincu que la stabilité dans son pays dépend dans une large mesure de la stabilité au Liban. L’assainissement du climat politique au pays des cèdres profiterait donc à Damas. Pour toutes ces raisons, et pour d’autres encore, on peut espérer que le panorama politique du prochain mandat sera caractérisé par un élargissement de la base du pouvoir, de manière à faire le moins de mécontents possible. Le Hezbollah, qui est entré dans les institutions du régime en 1992 lors des élections législatives, a réussi le printemps dernier le test des municipales. Il pourrait être sollicité pour faire partie du prochain gouvernement. Son secrétaire général, sayyed Hassan Nasrallah, l’a clairement dit lors d’une déclaration de presse la semaine dernière. Certains observateurs estiment toutefois que le veto américain empêche la participation de cette formation au pouvoir exécutif. Mais ce veto existe-t-il réellement? Cette question est d’autant plus pertinente que le centre de recherche du Congrès américain a indiqué, dans son rapport sur le terrorisme publié le 1er septembre, que «Washington ne considère pas les attaques du Hezbollah contre l’armée israélienne et ses alliés au Liban-Sud comme des actes terroristes, mais comme des opérations militaires». L’entrée du Hezbollah au prochain gouvernement n’est pas impossible. Elle est plutôt probable. Les mêmes sources précisent que cette participation se fera aux dépens du quota du président de la Chambre, M. Nabih Berry, vu que le nombre de portefeuilles réservés aux chiites n’est pas illimité. La rencontre de Paris L’entrée de personnalités chrétiennes crédibles au gouvernement et dans les autres institutions du régime (Administration, Justice…), se ferait quant à elle au détriment du Parti syrien national social (PSNS) et des autres alliés chrétiens de la Syrie, parmi lesquels étaient choisis les candidats aux postes officiels. Parmi les personnalités les plus respectées dans les milieux chrétiens figure M. Boutros Harb, à qui l’on pourrait confier un portefeuille dans le prochain cabinet, selon les sources précitées. De nombreuses personnalités que l’on pensait inamovibles mais dont les noms ont été mêlés à des scandales pourraient faire une traversée du désert qui durerait assez longtemps. Si tout le monde va entrer au gouvernement qui restera-t-il dans l’opposition? Najah Wakim évidemment. Privé du Hezbollah, son allié électoral de toujours, le député de Beyrouth est à la recherche de nouvelles alliances susceptibles de combler le vide laissé par le parti islamiste. M. Wakim s’est logiquement tourné vers le courant aouniste, avec lequel il flirtait depuis deux ans. Lors des législatives de 1996, la base aouniste a voté pour lui, même si officiellement le courant avait boycotté le scrutin. Pendant les dernières municipales, la liste appuyée par le député de Beyrouth a officiellement intégré dans ses rangs deux candidats aounistes. Le rapprochement a été couronné par une rencontre de trois heures entre M. Wakim et le général Aoun à Paris au lendemain des élections municipales en juillet. Ce n’est pas l’idéologie panarabe de M. Wakim, ou «libaniste» de M. Aoun, qui a rapproché les deux hommes, mais plutôt leur hostilité à l’égard du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri. «Nous avons la même lecture des résultats des élections municipales et des orientations de M. Hariri», nous a déclaré M. Wakim pour expliquer cette étrange alliance. La réunion de Paris a débouché sur un accord pour la tenue d’autres rencontres à Beyrouth entre des représentants du courant aouniste et d’autres du «Mouvement du peuple» de M. Wakim. Des comités conjoints devraient être formés pour renforcer la coopération entre les deux parties. Changement dans la forme mais pas dans le fond, ainsi se présente donc le panorama politique du prochain mandat.
Nombreux sont ceux qui pensent -ou espèrent- que le panorama politique au lendemain de l’échéance présidentielle sera différent de celui en place dans le pays depuis des années. Nul ne connaît, certes, les intentions réelles des décideurs locaux et surtout régionaux. Mais dans la mesure où les développements politiques des derniers mois et les déclarations des...