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Actualités - CHRONOLOGIE

Le bras de fer entre le Kremlin et la Douma reprend aujourd'hui Une lueur d'espoir : le camp de l'opposition commence à s'effriter , mais l'investiture de Tchernomyrdine n'en est pas acquise pour autant (photo)

Le Kremlin et le Parlement s’apprêtent à reprendre aujourd’hui leur bras de fer alors que les Russes assistent, atterrés et impuissants, à l’effondrement de leur monnaie. Il est cependant possible que l’on commence, dans les jours à venir, à entrevoir le bout du tunnel. Encore qu’hier soir, la situation paraissait particulièrement complexe et confuse. Ainsi, tout est possible: une investiture en troisième lecture la semaine prochaine de Viktor Tchernomyrdine à la tête du gouvernement, mais auparavant son rejet — probable — aujourd’hui; un processus de destitution de Boris Eltsine comme la présentation par celui-ci d’un nouveau candidat; à moins qu’il ne s’agisse de l’irruption sur la scène du général Alexandre Lebed, qui se déclarait prêt, hier, à jouer les hommes providentiels. Aujourd’hui vendredi, la Douma s’apprêterait théoriquement à rejeter, pour la deuxième fois, la candidature de Tchernomyrdine au poste de premier ministre, alors que le pays, sans gouvernement depuis douze jours, s’enfonce dans la crise. Jeudi soir, le chef de l’Etat a soumis à la Douma (la chambre basse), avec «des corrections insignifiantes», un accord politique visant à réduire les pouvoirs du président — très larges, selon la Constitution élaborée en 1993 — au profit du gouvernement et du Parlement. Il s’agit d’un texte rédigé et paraphé dimanche dernier par des représentants des pouvoirs législatif et exécutif. Un geste apparent de bonne volonté mais tout relatif, M. Eltsine renvoyant à la Douma un texte qui avait déjà été rejeté par la majorité communiste, qui juge insuffisantes les concessions du Kremlin. Les chiffres sont là pour confirmer le pronostic pessimiste pour aujourd’hui. En effet, les communistes et leurs alliés des partis Agraire et Pouvoir au peuple (au total 211 sièges) ainsi que le groupe du parti réformateur d’opposition Iabloko (44 sièges) ont déjà annoncé leur ferme intention de voter contre un homme accusé, selon eux, d’avoir mené le pays à la faillite au cours de son mandat de cinq ans, de 1992 à mars dernier. Or, 226 voix sont nécessaires pour que la candidature du poulain du Kremlin soit entérinée. M. Tchernomyrdine n’est assuré pour l’instant que du soutien d’un maximum de 160 parlementaires: ceux des partis progouvernementaux Notre Maison la Russie (sa propre formation) et Régions de la Russie. Ce petit groupe a été rejoint jeudi par les 50 membres du parti ultra-nationaliste de Vladimir Jirinovski. Ce ralliement est nettement insuffisant, arithmétiquement. Néanmoins, il revêt une signification profonde pour les observateurs: «C’est un indice que le camp de l’opposition s’effrite déjà au deuxième jour», relève ainsi le rédacteur en chef de l’hebdomadaire «Itogui», M. Sergueï Parkomenko. Manque d’argent Le président peut soumettre trois fois à la Douma un même candidat au poste de premier ministre. Au troisième rejet, le président dissout la Chambre. «L’hypothèse d’une dissolution sans nouvelles élections immédiates, sous le prétexte du manque d’argent pour organiser le scrutin, est à prendre très au sérieux. Les députés attachés à tous les privilèges que leur procure leur mandat peuvent céder comme ils l’ont fait pour Sergueï Kirienko», le jeune premier ministre imposé par M. Eltsine en mars dernier, poursuit M. Parkomenko. Pour éviter la dissolution, les députés ont aussi la possibilité de «lancer juste après le deuxième tour, dès lundi, une procédure de destitution de Eltsine», relève de son côté Andreï Piontkovski de l’Institut d’études stratégiques. Selon la Constitution en effet, le président ne peut dissoudre la Douma quand il fait l’objet d’une telle procédure. Une commission parlementaire a déjà commencé à rassembler les documents et les voix à cet effet. Reste la solution de compromis exigée par la majorité des députés: la proposition d’un nouveau candidat qui serait acceptable pour le président et la Douma. Les trois noms les plus souvent cités sont ceux de l’actuel président du Conseil de la Fédération (chambre haute) Egor Stroïev, du maire de Moscou Iouri Loujkov, et du ministre sortant de l’Industrie, l’ex-communiste Iouri Maslioukov. Mais le général Alexandre Lebed n’a pas exclu jeudi d’accepter le poste de premier ministre si celui-ci lui était proposé. «S’il n’y a personne d’autre de plus qualifié dans le domaine économique pour résoudre les problèmes, je réfléchirais sans doute à ce propos», a déclaré le gouverneur de Krasnoïarsk (Sibérie) à la chaîne de télévision NTV. M. Lebed a en même temps ajouté que son peu d’expérience de gestion économique n’était pas un obstacle à son éventuelle nomination. Pour assumer les fonctions de premier ministre, «des connaissances économiques profondes ne sont pas indispensables. Ce qui est indispensable, c’est de mener des actions très dures, dans le cadre de la légalité», a ajouté le général. Le spectre de 93 Sur un autre plan, le ministre de la Défense Igor Sergueïev a mis en garde contre une répétition des événements de 1993, quand le bras de fer entre M. Eltsine et le Parlement avait tourné aux combats de rue. C’est le général Lebed qui avait fait allusion à une telle éventualité, dans une déclaration faite mercredi. «Dieu fasse qu’il n’y ait pas de répétition de 1993», a affirmé le maréchal Sergueïev alors qu’il assistait à des exercices militaires aériens, ajoutant: «L’ambiance dans les forces armées n’est pas à la fête. Les militaires, comme le reste de la population sont préoccupés par la crise politique et économique». Autre développement dans la journée de jeudi: le ministre sortant de l’Industrie Iouri Maslioukov, issu du Parti communiste, a annoncé sa démission du poste qu’il conservait par intérim jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement. Il a déclaré démissionner car le poste de ministre de l’Industrie «n’existe pas dans les faits». M. Maslioukov était l’unique ministre communiste dans le gouvernement Kirienko. Pour en revenir à la journée d’aujourd’hui vendredi, M. Tchernomyrdine devrait présenter devant le Conseil de la Fédération (chambre haute) des «propositions cardinales» pour enrayer la crise. Le discours qu’il prononcera à cette occasion «aura un caractère sensationnel», à en croire son entourage.
Le Kremlin et le Parlement s’apprêtent à reprendre aujourd’hui leur bras de fer alors que les Russes assistent, atterrés et impuissants, à l’effondrement de leur monnaie. Il est cependant possible que l’on commence, dans les jours à venir, à entrevoir le bout du tunnel. Encore qu’hier soir, la situation paraissait particulièrement complexe et confuse. Ainsi, tout est...