Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

L'administration entend négocier un nouvel accord avec Cellis et Libancell Epreuve de force entre les opérateurs de téléphonie mobile et le ministère des P. et T. (photo)

Les téléphones mobiles ou «cellulaires» n’ont pas fini de susciter des polémiques. Elles sont d’autant plus virulentes qu’elles sont régulièrement alimentées par des rumeurs, le problème des cellulaires étant une affaire qui touche des centaines de milliers de personnes, plus précisément 500.000 abonnés (en lignes normales et cartes prépayées). C’est autour de ce chiffre-là précisément qu’il y a controverse, à savoir, la question du plafonnement des lignes qui suscite un différend entre le ministère des Postes et Télécommunications, d’une part, et les deux opérateurs qui se partagent le marché libanais, d’autre part. Le nombre maximal de lignes auxquelles les deux sociétés ont droit est de 250.000. Cela comporte des conséquences multiples, aussi bien sur le plan juridique que politique. Il y a eu, tout d’abord, une ambiguïté autour de l’interprétation des textes juridiques sur la notion de plafond. Mais les deux opérateurs (Cellis et LibanCell) ont finalement reconnu, non sans hésitation, l’existence de ce plafond. La situation devient encore plus complexe lorsque l’on prend en considération les acteurs en présence et les intérêts qui en découlent, les chiffres atteignant des sommes exorbitantes en termes de bénéfices pour chacun des opérateurs, l’Etat bénéficiant de son côté d’une quote-part tout aussi substantielle. Entre les intérêts des uns et des autres, c’est, une fois de plus, le consommateur qui continue de régler la facture. En ce moment, les spéculations vont bon train. Le directeur général de l’Exploitation et de l’Entretien au ministère des P. et T., M. Abdel Meneem Youssef, avait annoncé, il y a quelque temps, que les deux sociétés avaient effectivement atteint le plafond. Cellis avait confirmé ce point de vue, en relevant toutefois que «c’est le ministère des Postes et Télécommunications qui a récemment limité le nombre de lignes». Cependant, LibanCell n’est pas d’accord et affirme qu’il lui reste des lignes à vendre (en cartes prépayées), pour ensuite nuancer sa réponse, et avancer le chiffre de 245.000 lignes vendues. Cette incertitude qui continue d’entourer la question des lignes restantes s’est, bien entendu, répercutée sur le terrain, où des acheteurs potentiels ont rapporté que les lignes se vendent aujourd’hui entre $800 et $1000 sur le marché noir, une affirmation qui a cependant été démentie par les dealers. Il en est de même pour ce qui a trait aux cartes Première, qui ont également disparu du marché, ces dernières étant actuellement vendues, par des «spéculateurs», deux fois et même trois fois le prix initial fixé par les sociétés. Des contradictions inhérentes au contrat L’origine du litige est à rechercher dans le contrat même qui avait été conclu entre le gouvernement libanais d’une part, représenté par le ministère des Postes et Télécommunications, et les deux opérateurs d’autre part, puisque le texte du contrat ne mentionne à aucun moment le plafond des 250.000 lignes, cette condition ayant été exigée par la décision du Conseil des ministres du 2 mai 1994 précédent la signature dudit contrat. Au contraire, le contrat de type BOT, signé entre les trois parties, comprend plusieurs clauses qui peuvent être interprétées dans le sens opposé au principe du plafonnement des lignes. C’est ce qu’a expliqué le directeur général de l’Exploitation et de l’Entretien au ministère des P. et T., M. Abdel Meneem Youssef, à «L’Orient-Le Jour» au cours d’une interview. Diverses clauses du contrat signifient que les opérateurs doivent agir selon des «critères commerciaux», en prenant en compte les demandes du marché. En d’autres termes, a indiqué M. Youssef, «les deux opérateurs doivent être prêts à tout moment à subvenir aux demandes formulées, en termes d’investissements nécessaires». Dans certaines clauses du contrat, a-t-il précisé, il est explicitement dit que «l’opérateur doit œuvrer à développer et à assurer l’expansion de son système de façon à être en accord avec la demande existant sur le marché» (Première partie- Clause 6). Dans la deuxième partie du contrat, a poursuivi M. Youssef, il est dit aussi que «le ministère devra prendre en considération, dans son allocation du champ de numérotation, pour chacun des opérateurs, les besoins du marché». L’annexe 4 relative à la capacité des réseaux va dans le même sens. Pour M. Youssef, ces clauses étaient au point de départ, des «contraintes pour l’opérateur», et non pas l’inverse, puisqu’elles l’obligeaient à opérer les investissements nécessaires pour subvenir aux besoins du marché. C’était, en quelque sorte, des clauses qui devaient jouer en faveur de l’usager. Ces mêmes clauses, qui étaient jadis utilisées comme «bouées de sauvetage» entre les mains du ministère, a expliqué M. Youssef, sont devenues aujourd’hui «une arme entre les mains des opérateurs» qui réclament désormais leur «droit» à dépasser les 250.000 lignes, à opérer une expansion de leur réseau, sur la base même de ce fameux contrat. Retour donc à la case départ. D’un côté, une décision ministérielle qui interdit aux sociétés concernées de vendre plus de 250.000 lignes, d’un autre, des clauses d’un contrat qui sont en faveur d’une plus grande flexibilité par rapport à la demande. La question qui reste aujourd’hui posée est celle de savoir ce qui va advenir, maintenant que les deux opérateurs ont tous deux reconnus officiellement avoir atteint les 250.000 lignes, ce qui n’était pas le cas il y a trois semaines, LibanCell ayant, dans un premier temps, démenti la déclaration de M. Youssef, (disant que les deux opérateurs avaient atteint le plafond), et Cellis reconnaissant avoir atteint la limite, mais accusant le ministère d’avoir récemment fixé ce plafond. Emergence d’un marché noir Sur le terrain, la réponse ne s’est pas fait attendre. Tout d’abord, l’usager s’est rué pour renouveler sa carte prépayée (ce type de lignes est comptabilisé avec les 250.000); car, une fois la carte «expirée», la ligne est immédiatement récupérée par la société (cela s’explique en temps de pénurie) à moins d’être renouvelée à temps. Il a été rapporté que, dans certains cas, les cartes «étaient automatiquement rejetées par le système» avant la date limite, ce à quoi LibanCell répond que cela a été le cas seulement «lors d’utilisation illégale de la carte». Quant aux lignes régulières, elles sont aujourd’hui vendues entre $700 et $800 sur le marché noir. Bien entendu, les sociétés affirment qu’elles n’ont rien à voir avec ce marché parallèle. Il reste que, selon les dires de certains, les sociétés auraient fait propager, par tierces parties, la nouvelle selon laquelle il n’y aurait plus de lignes, afin de créer une panique sur le marché, qui aboutirait à liquider ce qui leur restait encore comme lignes effectives. Après des semaines d’incertitude, les déclarations de part et d’autre ont fini par converger autour d’une version, à savoir que toutes les lignes ou presque (245.000 lignes pour LibanCell, 250.000 pour Cellis) ont été vendues. LibanCell a cependant ajouté que, techniquement parlant, la société «est aujourd’hui apte à desservir plus de 300.000 abonnés», ce qui sous-entend clairement qu’il existe toujours un marché potentiel certain, et que la société à le desservir. Les solutions en vue Les parties en présence se trouvent donc actuellement confrontées à deux hypothèses: ou bien introduire une troisième société pour répondre à de nouvelles demandes; ou bien se remettre à la table des négociations pour revoir les conditions du contrat et, éventuellement, réétudier la question du «plafond». La première hypothèse, explique M. Abdel Meneem Youssef, ne peut en aucun cas être envisagée, du moins pas pour l’instant, car, «contractuellement, les opérateurs sont protégés par une clause qui interdit à l’Administration de faire entrer un troisième joueur avant 6 ans et demi, à compter du début de la mise en application du contrat», soit, à partir de mai 1995. C’est le «principe de l’exclusivité» qui a été donné à ces deux opérateurs, a-t-il indiqué. Ce qui apparaît clairement, cependant, c’est que l’exclusivité donnée aux deux sociétés en présence a engendré un monopole qui a certainement joué en défaveur du consommateur. En effet, ce dernier n’a pas cessé de se plaindre, jusqu’à ce jour, de la qualité des prestations offertes par les deux sociétés, et plus particulièrement du système de tarification devenu de plus en plus arbitraire. Les témoignages des personnes qui se sont «fait arnaquer» abondent et «les erreurs de comptabilité» se sont multipliées. L’Etat à l’affût de toute recette potentielle Une troisième société ne serait-elle pas bénéfique à la lumière du contexte actuel, en ce sens qu’elle déclencherait une compétition un peu plus saine? M. Youssef a répondu que cela n’était pas certain. Selon lui, «dès lors qu’il existe plus d’une société sur le marché, la compétition est déjà en place». Bien entendu, «la possibilité juridique pour faire rentrer un troisième acteur existe», a-t-il affirmé, mais ceci n’est pas actuellement envisagé. Quoi qu’il en soit, il est encore prématuré de répondre à ces questions-là, a ajouté M. Youssef. Reste la seconde hypothèse, qui est celle de s’asseoir à la table de négociations pour revoir certaines clauses du contrat et, bien entendu, envisager les moyens de réévaluer le fameux plafond des 250.000 lignes. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. Les négociations entre le ministère et les opérateurs, si elles vont remettre sur le tapis la possibilité d’exploiter de nouvelles lignes, vont probablement relancer le débat autour de la quote-part perçue par l’Etat, ce dernier étant en ce moment à l’affût de toute recette potentielle qui pourrait financer l’échelle des salaires. Le «spectre» d’une troisième société serait peut-être une arme persuasive que le gouvernement serait en train de manipuler afin de renforcer sa position dans les négociations avec les opérateurs. Il a même été question à un moment donné d’une prorogation du contrat de 20 ans (sa durée effective étant de dix ans renouvelables pour deux ans) en contrepartie d’un milliard de dollars que les deux opérateurs consentiraient à payer à l’Etat à l’avance. Toujours est-il que le bras de fer est maintenant engagé entre le ministère d’une part, et les deux sociétés de téléphonie mobile d’autre part, qui, tous les trois, doivent poursuivre, bon gré mal gré, le chemin qu’ils ont entamé ensemble, et s’entendre sur une équation avantageuse pour tous. En attendant que les négociations aboutissent, le public continue de subir le contrecoup du litige entre le ministère et les opérateurs ainsi que celui du manque de véritable concurrence, encore plus maintenant puisque, le plafond une fois atteint, les opérateurs se soucient encore moins d’améliorer les services rendus. Protection du consommateur Répondant à la question de savoir quels sont les moyens de prévenir les fraudes et abus de confiance que le consommateur subit quotidiennement, le directeur de l’Exploitation et de l’Entretien au ministère des P. et T. a précisé que «le rôle du ministère des PTT est précisément celui d’un régulateur». Il est en quelque sorte le «gendarme, chargé de veiller à la bonne exécution du contrat, et de préserver l’intérêt du consommateur». Il doit s’assurer de la qualité des services rendus, tout en contrôlant la tarification. «Nous avons notre part de responsabilité, qui est par ailleurs clairement définie dans le contrat, et nous sommes prêts à l’assumer», a poursuivi M. Youssef qui a par ailleurs précisé que le ministère est habilité à prendre des actions en justice pour poursuivre les opérateurs, en cas de manquements à leurs obligations. Il revient donc aux abonnées de s’adresser au ministère et de déposer une plainte toutes les fois qu’il s’estime lésé.
Les téléphones mobiles ou «cellulaires» n’ont pas fini de susciter des polémiques. Elles sont d’autant plus virulentes qu’elles sont régulièrement alimentées par des rumeurs, le problème des cellulaires étant une affaire qui touche des centaines de milliers de personnes, plus précisément 500.000 abonnés (en lignes normales et cartes prépayées). C’est autour de ce...