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Actualités - REPORTAGE

Le procès des 79 accusés s'est ouvert hier devant le tribunal militaire Une histoire d'amour à l'origine du démantèlement du réseau pro-israélien

Près d’un mois après la publication d’un acte d’accusation assez concis — pour des raisons de sécurité évidentes — le procès des membres du réseau pro-israélien s’est ouvert hier devant le tribunal militaire présidé par le brigadier Hussein Chahine. L’audience a d’ailleurs été rapidement reportée au 7 octobre, afin de laisser une dernière chance aux 34 inculpés en fuite de se présenter devant le tribunal. Autrement, ils seront jugés par contumace. Dix huit, dont 4 jeunes femmes, des dix neuf inculpés arrêtés ont donc comparu hier (le dernier ayant eu un problème avec sa notification), accompagnés de leurs avocats, mais ils ont été vite ramenés dans leurs cellules, l’audience n’ayant pas duré plus d’un quart d’heure. Sûrs d’eux, jetant des regards curieux sur l’assistance nombreuse, les 18 inculpés serrés les uns contre les autres dans le box des accusés ne semblaient nullement impressionnés. Ils se doutaient probablement que l’audience ne serait pas longue et ils ont maintenant un peu plus d’un mois pour préparer une défense convaincante. Car s’il faut en croire l’acte d’accusation établi par le colonel Jean Salloum, les charges portées contre eux sont lourdes et justifient des peines allant de trois ans de prison à la détention à perpétuité, voire la pendaison. Ce qui est déjà certain, c’est qu’il s’agit du plus important réseau de collaborateurs jamais démantelé par les services de renseignements de l’armée. Il regrouperait 79 personnes dont seulement 53 ont été entièrement identifiées. Premiers indices en juin Selon des sources judiciaires, les premiers indices auraient été découverts par les renseignements de l’armée en juin. Et, à l’origine du démantèlement, il y aurait tout simplement... une histoire d’amour. L’adjoint du responsable de la sécurité de l’ALS pour la région de Hasbaya, R.W., serait tombé amoureux d’une jeune fille dont les parents sont membres du PSNS. En apprenant l’affiliation de leur gendre potentiel, les parents de la jeune fille lui auraient interdit leur porte. Désespéré, le jeune homme aurait alors décidé de quitter ses fonctions à l’ALS et de s’installer dans la zone libérée... avant de remettre «son carnet d’adresses» à qui de droit. C’est ainsi qu’aurait commencé l’enquête des services de renseignements qui a abouti finalement à un important coup de filet. Reste à savoir si le procès confirmera les conclusions de la double enquête menée par les services de renseignements et par le juge d’instruction militaire. Les dix neuf inculpés arrêtés sont: Leïla Jaber, Imane Youssef, Ghada Raslan et Rita Aoun pour les femmes, Farès Abou Assi, Roger Badawi (fonctionnaire de la Sûreté Générale), Ghaleb Massoud, Khaled Moghamès, Sélim Hammoud, Nader Abdel Samad, Walid Ghacham, Ahmed Farès, Hanna Keyrouz, Hani Khattar, Raouf Soueid, Naji Abou Tourabi, Houssam Amine, Chibli Farhat et Karim Abou Ala (fonctionnaire des douanes), pour les hommes. A des degrés différents, tous sont accusés d’avoir travaillé pour le compte de la section 504 du Shabbak (une branche des services de renseignements israéliens dont l’action est exclusivement limitée au Liban et à la Syrie). Selon l’acte d’accusation, ce réseau aurait entamé son action en 1995 et il aurait eu pour mission de fournir des informations sur les positions des armées libanaise et syrienne ainsi que sur celles du Hezbollah. Il aurait dû aussi enrôler des agents au sein de l’armée syrienne et dans les rangs du Hezbollah, mais, toujours selon l’acte d’accusation, il aurait échoué dans ce domaine. Le fait le plus marquant demeure la diversité religieuse des membres de ce réseau, qui regroupe des Libanais de toutes les confessions ainsi que la participation de jeunes femmes et surtout celle de trois bergers, en principe inoffensifs, mais en réalité ayant une grande mobilité et empruntant généralement les chemins cachés utilisés par les résistants pour leurs déplacements. On se souvient d’ailleurs du fait que les deux membres du PCL participant à l’opération du dimanche 16 août avaient été dénoncés par un berger. Mais c’est une autre histoire et ce berger-là n’a pas été identifié. Des visites en Israël Toujours selon l’acte d’accusation, qui avait été publié par le quotidien «As Safir», Leïla Jaber se serait rendue en Israël où elle aurait été contactée par un officier du Shabbak qui lui aurait confié des missions d’espionnage en Syrie, sous couvert de commerce. Aux enquêteurs, elle aurait toutefois affirmé ne pas avoir rempli ces missions. Ghada Raslan se serait aussi rendue à trois reprises en Israël où des officiers lui auraient demandé de localiser, sur des cartes, les emplacements des positions du Hezbollah dans la banlieue-sud de Beyrouth. Elle a aussi déclaré aux enquêteurs ne pas avoir rempli cette mission. Imane Youssef intéressait les Israéliens à cause de son cousin, membre de la Jamaa islamiya, qu’ils auraient aimé enrôler. Au cours de l’instruction, Imane Youssef aurait affirmé ne pas avoir osé faire une telle proposition à son cousin. Rima Aoun, elle, aurait enrôlé Hanna Keyrouz et l’aurait aidé à prendre des photos des positions du Hezbollah dans la banlieue-sud et celles de l’armée syrienne à Dekouané. Des missions d’importance variée auraient été confiées aux 15 inculpés arrêtés. Ahmed Farès, ingénieur civil au Conseil du Sud, aurait remis aux Israéliens les plans du conseil pour le développement de la région de Jezzine. Hani Khattar devait convaincre l’officier syrien, Haytham Zeineddine, de travailler pour le Shabbak, mais il aurait échoué. Naji Abou Tourabi, Houssam Amine et Ghaleb Massoud devaient fournir des informations sur les positions de l’armée syrienne au Liban et en Syrie, Massoud aurait même bénéficié d’une formation sur la transmission des messages codés, en Israël. Selmane Hammoud, Sélim Hammoud et Khaled Moghamès, tous trois des bergers, auraient mis leur connaissance du terrain, ainsi que leurs déplacements hors des sentiers battus, au service des Israéliens. Farès Abou Assi, Nader Abdel Samad, Karim Abou Ala et Roger Badawi auraient aussi fourni des informations militaires aux Israéliens alors que Walid Ghacham aurait été entraîné pour utiliser un matériel explosif. Voilà un résumé succinct des principales charges retenues par l’acte d’accusation contre les inculpés arrêtés. Les avocats de ces derniers ont toutefois protesté hier devant le tribunal sur la divulgation par la presse des détails de l’enquête, alors que, selon eux, la culpabilité de leurs clients respectifs n’a pas encore été confirmée. En réalité, la défense compte rejeter la plupart des inculpations. Mais le représentant du Parquet militaire, le juge Khaled Hammoud, a rétorqué qu’il s’agit d’un procès public. La présence de la presse et de l’assistance sont, a-t-il dit, une garantie de son bon déroulement. «Les innocents, a-t-il encore ajouté, seront acquittés et les coupables châtiés». L’audience a été ensuite levée. Prochain rendez-vous, le 7 octobre.
Près d’un mois après la publication d’un acte d’accusation assez concis — pour des raisons de sécurité évidentes — le procès des membres du réseau pro-israélien s’est ouvert hier devant le tribunal militaire présidé par le brigadier Hussein Chahine. L’audience a d’ailleurs été rapidement reportée au 7 octobre, afin de laisser une dernière chance aux 34...