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Actualités - REPORTAGE

Barrages pacifiques à Beyrouth pour la défense des droits des personnes handicapées (photos)

Quand des groupes de personnes handicapées et de volontaires décident de «dresser des barrages» dans les artères principales de la capitale pour distribuer des circulaires aux gens, dans le cadre d’une campagne de promotion de leurs droits, la réaction des automobilistes varie. «Certains ferment leur fenêtre, d’autres sont plus gentils et demandent des détails sur notre campagne, d’autres encore nous tendent spontanément de l’argent», nous dit l’une des personnes en faction à la place Sassine. Et pourtant, les handicapés n’ont pas décidé de descendre hier dans la rue pour collecter des fonds: ce qu’ils veulent, c’est faire prévaloir leurs droits largement ignorés au Liban. Ce qu’ils veulent aussi, c’est l’adoption d’une loi concernant leur insertion sociale, et qui dort depuis plus de deux ans dans les tiroirs du Conseil des ministres... C’est l’Union des handicapés du Liban qui a pris l’initiative de lancer cette campagne qui s’étend sur une semaine et sert d’une part à sensibiliser le public aux problèmes d’une partie de la population, et d’autre part à pousser le gouvernement à étudier un projet de loi qu’il a récemment mis en veilleuse au profit d’autres projets. C’est ainsi que quelque 150 jeunes en casquette et T-shirts prennent position dans des régions très fréquentées de la capitale sous un soleil de plomb et tendent aux passants des circulaires sur lesquelles sont écrits des slogans revendiquant le soutien pour leur cause. Les «barrages» sont dressés dans les régions suivantes: Corniche du Fleuve, rond-point Salomé, place Sassine, Ras el-Nabeh, église Saint-Michel (ancienne route de Saïda), et Mazraa. Ils se déplaceront les jours suivants dans d’autres régions libanaises. Plusieurs associations les assistent dans cette campagne, dont certaines étrangères. La présidente de l’Union, Sylvana Laquis, nous précise que «cette campagne vise à combattre la négligence dont les handicapés sont victimes au Liban, et à faire bouger le projet de loi et la société civile». Elle dit que «la campagne se poursuivra dans toutes les régions pendant une semaine et ne sera pas une initiative isolée, puisque nous commençons à former des groupes qui pourront mener leur propre campagne et former à leur tour d’autres personnes». Espoirs et attentes L’espoir des participants à cette campagne, Ali Mahmoud, qui vient de la Békaa, le résume ainsi: «J’espère évidemment que les responsables se pencheront sur notre cas. Mais j’espère aussi qu’il y aura une amélioration, surtout côté emploi. Il n’y a pas de chance de travail pour nous parce que les gens pensent que les handicapés sont des hommes finis. Mais ce n’est pas vrai: nous pouvons travailler et nous voudrions nous autosuffire, comme les autres». Plus concrètement, Hassan al-Danaf, un autre participant à la campagne, nous énumère les revendications importantes des handicapés: — L’aménagement des espaces publics de sorte à ce qu’ils soient facilement accessibles à tous. A titre d’exemple, les sièges des divers départements administratifs sont très difficiles d’accès aux personnes handicapées qui veulent effectuer des formalités. — La suppression du rapport médical pour l’entrée aux centres d’enseignement technique. — Des avantages sociaux comme l’exemption de certains impôts. — La réactivation de la carte de santé distribuée par le ministère. — L’adoption d’une loi sur l’aménagement des logements pour handicapés à travers les municipalités. La loi concernant toutes ces revendications, M. Mohammed Harb, vice-président de l’Union, nous en retrace l’historique: «C’est en 1993 que nous avons eu notre première réunion avec le ministre des Affaires sociales et que nous lui avons présenté toutes nos recommandations. Elles ont presque toutes été prises en considération dans le projet de loi établi plus tard et présenté au gouvernement en 1996. Mais depuis, ce projet n’a plus été relancé. Nous avons eu une réunion avec le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, qui nous a renvoyés à son conseiller». Et de poursuivre: «Nous avons même essayé de contacter des députés, mais ils ont été eux aussi pris dans l’engrenage d’autres affaires. Le prétexte de l’Etat pour ne pas répondre à nos demandes est toujours le même: le manque de moyens. Mais promulguer une loi pour faciliter la vie des handicapés n’exige pas d’argent, mais une décision. D’ailleurs, nous ne demandons pas la charité, mais nous désirons être testés pour notre compétence et employés en conséquence, surtout dans le secteur public». M. Harb insiste sur les changements de mentalité qui devraient avoir lieu, afin que les handicapés ne soient plus considérés comme des gens malades. «Il y a beaucoup de générosité dans notre pays, mais il faudrait savoir la canaliser. Je crois qu’il y a un éveil social au problème», ajoute-t-il. Scandalisés Signalons pour conclure que des membres d’associations étrangères participent à cette campagne, notamment des Yougoslaves, des Palestiniens, des Syriens et des Yéménites. Interrogés sur leurs impressions concernant la situation des handicapés au Liban, certains se sont déclarés franchement scandalisés. Gordana Rajkov, de l’association britannique OXFAM (qui a un bureau au Liban et se trouve également dans les pays d’Europe de l’Est), fait remarquer que «le gouvernement devrait assurer les législations et confirmer les droits des handicapés, mais ensuite c’est toute la société qui a un rôle à jouer afin de les intégrer dans les domaines des études, du travail..». Elle ajoute qu’«équiper les bâtiments qu’on construit pour qu’ils puissent être facilement accessibles aux handicapés ne coûte pas plus cher». «La façon dont les handicapés sont traités au Liban est inacceptable, que ce soit au niveau des lois, des services sociaux ou de l’environnement inapproprié», déclare Halit Ferizi, de l’Association des enfants paraplégiques et paralysés du Kosovo. M. Ferizi précise que la situation en Yougoslavie, malgré les problèmes, est quand même meilleure qu’au Liban. «Je pense cependant qu’il y a un souffle nouveau dans le mouvement des handicapés dans le monde», dit-il. «De nouvelles législations internationales nous garantissent nos droits, mais il faut que nous profitions de l’expérience des pays plus développés que nous et soyons solidaires afin d’atteindre notre but». Quoi qu’il en soit, cette campagne lancée hier montre clairement que les personnes handicapées, qui forment quelque 7% de la population, comptent désormais se faire entendre. Une escalade, dans un mouvement par ailleurs pacifique, serait même prévue dans un proche avenir si la situation ne s’améliore pas. Mais, hier soir, les participans à la campagne étaient loin de tout cela. Ils se sont réunis pour écouter le chanteur populaire Sami Hawat sur la belle corniche de Aïn Mreïssé...
Quand des groupes de personnes handicapées et de volontaires décident de «dresser des barrages» dans les artères principales de la capitale pour distribuer des circulaires aux gens, dans le cadre d’une campagne de promotion de leurs droits, la réaction des automobilistes varie. «Certains ferment leur fenêtre, d’autres sont plus gentils et demandent des détails sur notre...