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Actualités - ANALYSE

La réforme toujours à l'ordre du jour

Comme il est interdit de parler des candidats, bien qu’ils soient tous connus comme le loup blanc, on devise programmes. Chose tout à fait insolite dans un paysage politique aussi disloqué, aussi conflictuel, de programmes il n’y en a qu’un seul: la réforme politique et administrative. Tout le monde se prononce en effet pour le changement. Et ceux qui naguère, amalistes et haririens confondus, avaient poussé les hauts cris quand M. Elias Hraoui avait proposé de retoucher la Constitution, disent aujourd’hui en se pinçant le menton: «Hé hé, ce ne serait pas bête ça…» Mais bien entendu, ce zèle soudain de réécriture n’a rien de désintéressé. La perspective d’une révision ouvre en fait la voie à de nouvelles querelles car chacun veut sauter sur l’occasion pour faire modifier à sa guise tel ou tel article de la loi fondamentale. On veut bien, privilège du pionnier, accorder à M. Hraoui la modeste retouche qu’il réclame, et qui se limite comme on sait à l’astreinte pour les ministres aussi des délais de signature de décrets imposés à la présidence de la République. Mais il existe aussi des prétentions, des appétences, plus considérables. Toutes contradictoires, ce qui fait peser pour le prochain régime la menace de se retrouver dès le départ au centre d’un maelström politique, voire d’une crise de pouvoir provoquée par une lutte d’influence articulée cette fois sur la révision… En effet, alors qu’il n’y a pas si longtemps le sujet était encore tabou, maintenant tout le monde veut goûter à ce plat. Outre le précurseur installé à Baabda, on voit aussi bien le chef du Législatif que le président du Conseil, les ministres de toute coloration, les députés de tous bords, se précipiter à la table du banquet. Le jeu de partage, qui fonde le système en place, repart ainsi sur de nouvelles bases, avec de nouveaux objectifs, mais c’est toujours la même pièce montée qui est mise aux enchères et aux surenchères. Il s’agit en effet pour les pôles d’influence d’élargir ou à tout le moins de conforter leur emprise par le biais des modifications constitutionnelles qu’ils pourraient obtenir. Le problème pour eux tous, c’est que souvent ils se retrouvent avec des points de vue tout à fait opposés sur le même point. Un exemple entre mille: les projets de lois revêtus du caractère d’urgence. Si le gouvernement obtient que le délai des quarante jours commence à courir dès transmission à la Chambre, après quoi il peut promulguer ces projets par décret, il aura pratiquement obtenu les pleins pouvoirs. Car la Chambre, on le sait, sans être paresseuse, a souvent besoin de plus de temps pour trancher… Et si au contraire on garde le flou de retardement actuel, la Chambre étouffe le pouvoir du Cabinet en enterrant joyeusement ses projets dans ses tiroirs, comme c’est le cas présentement pour 126 textes… Toujours est-il que selon un politicien loyaliste, «comme M. Abdel-Halim Khaddam le relève lui-même, et comme nous sommes tous obligés d’en convenir, l’application de Taëf s’est effectuée d’une manière tronquée. Il faut donc corriger la trajectoire et rééquilibrer les pouvoirs, non seulement au sujet des prérogatives de la présidence de la République, mais aussi au niveau des relations entre l’Exécutif et le Législatif. Là il ne doit plus y avoir dichotomie, terme qui signifie littéralement «partage des honoraires» faute déontologique grave en médecine, mais osmose. En effet le principe de la séparation des pouvoirs ne doit pas faire oublier que les institutions appartiennent à un même corps, qu’elles doivent servir ensemble l’Etat. Les pouvoirs ne doivent pas se gêner les uns les autres, il faut donc clarifier les textes pour gommer les empiétements. Mais surtout il ne faut pas qu’ils se considèrent les uns les autres comme des rivaux…» Difficile avec la mentalité ambiante. Ainsi à des politiciens qui proposent que l’on redonne au président de la République le droit de dissoudre la Chambre, des députés proches de Ayn el-Tiné répondent qu’«il ne serait pas logique que le chef de l’Etat puisse renvoyer une Assemblée qui l’aura lui-même élu». Il est donc clair qu’aux yeux de ces spécialistes si évolués, la reconnaissance à titre personnel doit présider à tout acte d’intérêt public. Et les mêmes affirment sans sourciller que leur seul objectif sur le plan national est de promouvoir l’Etat des institutions… On aurait aimé les entendre riposter, ce qui serait assez pertinent, que le pouvoir de dissolution ne devrait être détenu que par un président élu au suffrage universel. Mais évidemment les députés, électeurs nominaux du chef de l’Etat, s’empêchent d’avoir une telle pensée…
Comme il est interdit de parler des candidats, bien qu’ils soient tous connus comme le loup blanc, on devise programmes. Chose tout à fait insolite dans un paysage politique aussi disloqué, aussi conflictuel, de programmes il n’y en a qu’un seul: la réforme politique et administrative. Tout le monde se prononce en effet pour le changement. Et ceux qui naguère, amalistes et...