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Actualités - ANALYSE

Présidentielle : l'opinion tenue à l'écart

Dans son sermon dominical, le patriarche Sfeir a réfuté l’argument redditionniste qui veut que jamais les Libanais n’ont eu leur mot à dire dans la désignation d’un président pour leur République… Un vétéran appuyant les dires du prélat répète après lui que, «depuis l’indépendance jusqu’à la guerre, il y a toujours eu des camps politiques déterminés, des blocs parlementaires opposés au Liban. Ils avaient à leur tête deux chefs ou plus, vers qui les regards se tournaient et qui se livraient compétition pour la présidentielle sur des thèmes essentiellement intérieurs. Les rares interventions extérieures se limitaient alors à des soutiens très marginaux, sans effet pratique sur le déroulement de la course et encore moins sur ses résultats. La population connaissait son lexique politique sur le bout des doigts, savait parfaitement les tenants et les aboutissants de chaque courant, de chaque pôle d’influence, de chaque candidat dont elle soupesait les tendances comme les capacités. La pression de l’opinion était en réalité très puissante à cette époque et se montrait souvent plus forte que le pouvoir en place. Aujourd’hui, cette même opinion est tenue dans l’ignorance totale des données de base ce qui prouve, si besoin était, que nous sommes loin d’être dans un système démocratique, même s’il en a l’apparence». «Ainsi, enchaîne ce témoin d’un heureux temps hélas révolu, il y avait, déjà avant l’indépendance, la fameuse rivalité Emile Eddé-Béchara el-Khoury, l’un étant à la tête du Bloc national et l’autre du Destour. Certes, la France, étant mandataire, jouait un rôle extrêmement important sur la scène intérieure. Mais, à bien y regarder, ce n’est pas elle qui faisait le poids politique, populaire, de tel ou tel leader, mais leurs attaches intérieures propres, les services qu’ils avaient pu rendre ou encore leurs idées. Et ce poids, proprement libanais, de chaque candidat, même la France ne pouvait l’ignorer dans ses calculs. Avant même l’indépendance donc, les Libanais étaient indépendants d’esprit. Et, à partir de 1943 jusqu’en 1976, l’élément national prenait nettement le pas sur l’influence étrangère quand elle avait à s’exercer, ce qui n’était pas toujours le cas. On observe en effet que, malgré la situation de plaque tournante du Liban dans une région aussi sensible, cinq élections sur six avant guerre ont été libanaises à cent pour cent. Celles de Béchara el-Khoury en 43 puis en 49, de Chamoun en 52, de Hélou en 64 et de Frangié en 70. Pour Chéhab en 58, la situation exceptionnelle, à savoir la sortie d’une première guerre domestique, justifiait aussi bien le parachutage présidentiel que le débarquement des GI’s. Du reste, les formes démocratiques ont été respectées, Raymond Eddé se présentant à cette fin contre Chéhab en sachant n’avoir aucune chance. De plus, le général, pour «désigné» qu’il fût, avait sur le plan intérieur une dimension déterminante, comme il l’a prouvé en construisant autour de sa personne un pouvoir fort très spécial. Et il a tenu, par un accord-clé avec Abdel Nasser, à ôter avant tout du pays le virus de l’immixtionnisme étranger. Avant guerre donc, l’élection de Chéhab a été la seule, l’unique, dans laquelle la volonté libanaise n’a pas prévalu sur toute autre considération. C’est avec éclat, au double sens du terme, que l’élection de Frangié aux dépens de Sarkis, intervenue à une seule voix de différence dans un climat explosif avec gifles et envoi de chaises volantes au Parlement, a illustré la libanité si l’on peut dire de la présidentielle avant guerre…». Bien entendu, les hostilités ont changé les données en profondeur. Grosso modo, puisqu’il n’était pas question que les Libanais en guerre se missent d’accord entre eux, il fallait bien choisir à leur place. C’est ainsi que l’élection est devenue extra-libanaise. On se serait cependant attendu qu’avec le retour de la paix civile les choses se normalisent. Mais le pli était pris et les mauvaises habitudes sont très difficiles comme on sait à larguer. En fait, une autre guerre, celle du Golfe, a provoqué comme on sait une sorte de détournement du pacte national dit de Taëf marqué par la mise en place du système de la troïka. On peut estimer en outre que le président de la République, n’ayant plus du tout les prérogatives d’antan, l’opinion locale s’intéresse d’autant moins à son élection. Pardon, à son parachutage…
Dans son sermon dominical, le patriarche Sfeir a réfuté l’argument redditionniste qui veut que jamais les Libanais n’ont eu leur mot à dire dans la désignation d’un président pour leur République… Un vétéran appuyant les dires du prélat répète après lui que, «depuis l’indépendance jusqu’à la guerre, il y a toujours eu des camps politiques déterminés, des...