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Actualités - REPORTAGE

Entre hier et aujourd'hui un, pont a été jeté Avec Feyrouz, Baalbeck a retrouvé son talisman (photos)

Après vingt-cinq ans d’absence, Feyrouz était au rendez-vous à Baalbeck. Pour ce come-back, le programme offrait des pans entiers de nostalgie, et quelques nouveautés… L’espace d’une soirée, le temps avait suspendu son vol. Et la voix de la diva, comme si elle n’avait jamais cessé de résonner dans ces temples et sur ces marches, a porté son message de paix et de convivialité jusqu’au plus profond de la pierre. Des «Nuits libanaises» chargées de symboles… Avant même que la diva n’apparaisse, sa voix monte, empreinte d’une vive émotion, «je suis venue à Baalbeck après vingt ans d’absence», chante-t-elle. «J’ai demandé partout si on t’avait vu; Ton ombre est encore sur les marches de ce temple; Tu voles toujours sur les ailes du monde…». La scène est plongée dans le noir. La musique se fait tantôt douce, tantôt menaçante; puis vive, prend des intonations militaires… Il suffit que Feyrouz apparaisse tout en haut des marches du temple de Jupiter, silhouette droite, tunique et voile blanc battus par le vent, pour que se rétablissent les ponts entre hier et aujourd’hui. Sa voix soyeuse, un peu plus rauque qu’à l’habitude, emplit l’espace, comble le temps. «Baalbeck, je suis un cierge sur tes escaliers…». Et les estrades explosent en applaudissements. Pendant deux heures trente, Feyrouz , entourée de trois ténors de l’opérette libanaise, Elie Choueiry, Antoine Kerbage et Joseph Nassif, ainsi que d’une très bonne troupe de comédiens-danseurs dirigée par Elie Yahchouchi, aura comblé l’attente d’un public hétéroclite… «Le pont de la lune» met en scène deux villages qui se disputent la source d’eau qui coule à leur frontière commune. La haine qui les sépare tient prisonnière une jeune fille. Elle ne pourra être délivrée de ce maléfice que si le trésor enfoui sous le pont est découvert. Tout le monde se met activement à sa recherche. «La paix est le trésor des trésors», leur avoue-t-elle. «Tant qu’un cœur se souciera d’un autre cœur, le pont de la lune ne se brisera jamais. Tant qu’il y aura des ponts un peu partout sur cette terre, il n’y aura pas de soucis à se faire…». Cette opérette, jouée pour la première fois à Baalbeck en 1962, bénéficie pour cette version fin de siècle d’une mise en scène signée Daniele Abbado. Deux toiles immaculées tombent telle une cascade, recouvrant de leur blancheur les marches du temple de Jupiter. Elles servent d’écran aux projections abstraites (voiles aux vent, gouttes d’eau en gros plan…) qui illustrent les propos échangés sur scène… Cependant, l’effet d’ensemble aura été gâché par le vent qui gonflant les voiles, tendait de dangereux pièges aux danseurs… «Les montagnes du Souân», créée pour le Festival de 1969, aborde le thème de la résistance. «Ghorbé» (Exil), fille de Medlej, résistant lâchement assassiné par les Romains, revient après de longues années d’exil, pour venger son père, et poursuivre le combat. Elle exhorte ses concitoyens à sortir de leur peur, à reconquérir leur terre occupée, leur honneur bafoué… «Il n’y a pas assez de prisons pour enfermer tout le monde», leur dit-elle. «Ils attraperont de nombreuses personnes, il en restera beaucoup… On continue avec ceux qui restent…». A la voix légendaire d’Antoine Kerbage qui tonne ordres et menaces, répond le timbre profond et ferme de Feyrouz, qui se dresse frêle silhouette, face à l’ouragan romain. Aux différentes propositions d’aller vivre ailleurs, elle répond: «Si on peut vivre sans nom, alors on peut exister sans pays d’origine…». Aux suggestions de ceux qui préconisent de se battre à partir de l’étranger, elle lance, «ceux qui combattent de l’extérieur restent dehors; la révolte doit émaner de l’intérieur…». Sa voix, animée d’une force que rien ne semble pouvoir entraver, jaillit comme une prière… «Oh liberté». La deuxième partie commence avec «La gardienne des clefs» (1972), satire d’un pouvoir qui, telle une sangsue, n’en finit plus d’imposer dîmes et impôts. Les sujets du roi, excédés, quittent tous le royaume, délaissant biens et avoirs. Ils confient les clefs de leurs maisons à «Zad el-Kheir» la seule qui refuse de partir. Désormais, le roi se retrouve à la merci de «Zad el-Kheir» qui menace à tout moment de le laisser seul, sans sujets et donc sans royaume…Des toiles blanches, tendues sur des châssis en bois, forment un décor mouvant. Chaque carré qui bouge révèle un coin de scène, ainsi qu’un extrait de la pièce… Les carrés, qui se réunissent, forment un écran sur lequel est projeté un montage vidéo: Assi Rahbani, Nasri Chamseddine et Philimon Wehbé ne sont pas absents de cette fête du souvenir. Un superbe hommage leur est ainsi rendu. Ensuite, Feyrouz prête sa voix, aux intonations encore merveilleuses, à trois nouvelles compositions: «Je reste avec toi» de son fils Ziad Rahbani; «La dernière fois que j’ai chanté pour toi…» de Mansour Rahbani et «Avec toi» d’Elias Rahbani (qui a également dirigé l’orchestre). En clôture, elle a repris «je suis venue à Baalbeck, après 20 ans». La boucle est bouclée… Ces «Nuits libanaises» auront été comme une mise au point, avant de repartir sur de nouvelles bases… ou peut-être un nouvel opéra…
Après vingt-cinq ans d’absence, Feyrouz était au rendez-vous à Baalbeck. Pour ce come-back, le programme offrait des pans entiers de nostalgie, et quelques nouveautés… L’espace d’une soirée, le temps avait suspendu son vol. Et la voix de la diva, comme si elle n’avait jamais cessé de résonner dans ces temples et sur ces marches, a porté son message de paix et de...