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Actualités - ANALYSE

La corruption, une lèpre apparemment incurable...

Dans une émission T.V. consacrée à la corruption, le député Mohammed Youssef Beydoun a clamé son écœurement affirmant que s’il était plus jeune il aurait quitté le pays et précisant qu’il a fortement déconseillé à son gendre, établi aux Etats-Unis, de regagner le «Liban qu’on a transformé en ferme de pourriture, de dessous de table, de rapines et de scandales». Au cours de cette même séquence, d’innombrables exemples de corruption administrative ont été donnés au téléphone par des téléspectateurs qui ont raconté comment cela se passe dans les services publics où les fonctionnaires en viennent à imposer une tarification ouverte du pot-de-vin, tant pour cette formalité et tant pour telle autre! Tout cela sans fausse honte, au vu et au su des responsables qui ne lèvent même pas le petit doigt pour faire cesser ces pratiques et qui n’ont même pas réagi à ces révélations, même pas pris la peine de demander des éclaircissements aux téléspectateurs qui appelaient et même pas promis de sévir! Pourtant, quand on les relance à ce sujet, ces mêmes dirigeants invitent le public à dénoncer les pourris, en affirmant qu’ils seront sévèrement sanctionnés. Même les opposants, si prompts à critiquer la dégradation économique du pays, dont la corruption est indéniablement l’une des causes, n’ont pas réagi à la confirmation télévisée du fait, tout à fait scandaleux, que la corruption a désormais pignon sur rue et ne se passe plus dans l’ombre mais au grand jour. C’est donc comme si la caste politique dans son ensemble, sans être forcément complice, sait qu’il n’y a absolument rien à faire, que le mal est irrémédiable et baisse les bras, découragée. Il ne fait aucun doute cependant, répétons-le, que la corruption, au niveau intense, massif et général où elle s’exerce, devient non plus un élément de dynamisation de la petite économie (elle permet en effet, à petite échelle, de faire fonctionner les fonctionnaires!) mais une lèpre qui infeste la grande économie et met le pays au bord de la ruine. Des sommes considérables se sont volatilisées dans les grands projets et les travaux de réhabilitation de l’infrastructure. Il y a eu — il y aurait toujours —, de l’aveu même des dirigeants, non seulement du gaspillage dû à l’incompétence ou à la mauvaise volonté, mais aussi des commissions non justifiées, des rackets en règle et des détournements de fonds. L’affaire dramatique des timbres fiscaux n’est qu’un exemple entre mille. Les soi-disant adjudications, notamment, donnent lieu à des arrangements juteux pour tout le monde, pour peu que l’adjudicataire potentiel sache arroser comme on dit familièrement. Il faut donc se pencher sérieusement sur les causes du mal, si l’on veut redresser la barre, assainir les finances publiques et donner un coup de fouet à l’économie nationale qui dépérit. Le vrai problème Certes, il ne serait pas inutile de dynamiser les organismes de contrôle administratif (Conseil de la fonction publique, Inspection centrale, Conseil de discipline générale) comme beaucoup l’exigent, pour nettoyer l’Administration. Mais cela serait tout à fait insuffisant sans une épuration commençant d’abord par les mœurs politiques, car ce sont les politiciens qui protègent les fonctionnaires pourris, quand ils n’en sont pas les complices actifs et les associés. On a vu ainsi d’innombrables cas de sanctions levées ou non appliquées, à cause d’interventions politiciennes usant parfois de subterfuges légaux qui permettent aux détenteurs du pouvoir politique de bloquer des décisions administratives. Dans ces conditions, parler d’appliquer la loi sur l’enrichissement illicite dite «d’où tiens-tu cela?» relève de la fumisterie car ce n’est pas au loup qu’on peut demander de garder la bergerie. Autrement dit, si on prie un voleur de dresser lui-même une liste de voleurs il va difficilement y inscrire son nom et celui de ses bons amis, ce qui fait que dans une république de si bons camarades il n’y aurait pratiquement pas de poursuites! Du reste, on l’a également vu, des fonctionnaires, que l’on a chassés par la porte pour corruption, sont revenus allègrement par la fenêtre, grâce à des recours fortement soutenus par des pôles d’influence. La corruption plus efficace que le piston En pratique, phénomène à relever, la corruption se montre beaucoup plus efficace désormais dans ce pays que le piston, pratique elle-même peu recommandable mais au moins dénuée de vénalité directe. Des expériences multiples ont en effet démontré qu’une même formalité «achetée» s’accomplit en une petite semaine et prend deux bons mois quand elle est simplement «pistonnée». De quoi piquer au vif l’amour-propre des gens influents, ou de quoi prouver que l’argent compte encore plus que la vanité, ce qui n’est pas peu dans un pays où la frime a tant d’importance! En tout cas, comme cette tendance commence à se savoir, la corruption n’en fleurit que mieux dans les administrations, les administrés préférant y aller tout de suite de leur poche plutôt que de déranger les amis en place et de devoir quand même beaucoup attendre. Toujours est-il que la corruption, alliée à la force d’inertie de la bureaucratie et à la pesante routine administrative, est une des barrières qui empêchent le capital étranger de venir s’investir dans un pays qui offre pourtant et le secret bancaire et des facilités fiscales. Ainsi, un consortium de Dubaï vient d’annoncer que, finalement, il renonce à un plan d’investissement de 200 millions de dollars au Liban (dans le secteur hôtelier et de divertissement) en raison, précise-t-il «d’un climat d’investissement rendu peu encourageant par la bureaucratie». Sous-entendu presque clair: ce groupe n’aime pas surcharger cette rubrique comptable «faux frais» qui couvre généralement les commissions…
Dans une émission T.V. consacrée à la corruption, le député Mohammed Youssef Beydoun a clamé son écœurement affirmant que s’il était plus jeune il aurait quitté le pays et précisant qu’il a fortement déconseillé à son gendre, établi aux Etats-Unis, de regagner le «Liban qu’on a transformé en ferme de pourriture, de dessous de table, de rapines et de scandales»....