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Actualités - REPORTAGE

Talih entendra aujourd'hui les gardiens de la prison de Bhannes L'évasion de Tleiss, un complot ou un accident de parcours ?

La spectaculaire évasion de l’ancien caporal de l’armée, Hussein Tleiss, de la prison de l’hôpital de Bhannès, continuera longtemps encore à faire couler de l’encre. Ce n’est certes pas la première fois qu’un détenu parvient à s’enfuir. Mais depuis la «libération» suspecte (en 1990) de l’inculpé Habib Chartouni (accusé d’avoir exécuté l’assassinat du président Bachir Gemayel), aucun prisonnier d’une telle importance n’avait réussi un coup pareil. Et Tleiss n’est pas un prisonnier comme les autres: condamné à la peine capitale commuée en détention à perpétuité pour l’assassinat de l’attaché militaire de l’ambassade de France, le colonel Christian Gouttières, l’homme avait, au cours de ses interrogatoires, révélé son implication dans l’explosion de trois voitures piégées dans les régions dites de l’Est, pendant les années de guerre — dont une tentative d’assassinat du président Camille Chamoun, par l’explosion d’une voiture piégée au passage de son convoi, à proximité de la FIAT, le 7/1/87. Tleiss fait d’ailleurs l’objet de poursuites dans cette affaire et il devait être entendu mercredi par le juge instructeur, M. Georges Ghantous. Membre du Hezbollah, à l’époque où cheikh Sobhi Toufayli en était le secrétaire général (de 1983 à 1987), l’homme pourrait avoir aussi des révélations importantes sur des sujets cruciaux, notamment les attentats de 1983 contre les quartiers généraux des Marines et des troupes françaises de la Force multinationale. D’ailleurs, depuis la mise hors la loi de cheikh Toufayli, certains milieux diplomatiques réclament discrètement la réouverture de tous ces dossiers. C’est donc dans ce contexte particulier que disparaît Hussein Tleiss, le détenu qui aurait dû être le mieux gardé de la République libanaise. S’il n’était visiblement pas aussi bien gardé qu’il le fallait, il était en tout cas, selon les sources de Bhannès, le prisonnier le mieux traité parmi les autres détenus. Visites en dehors des horaires légaux et sans autorisation préalable du Parquet, prières et télévision à volonté, il se la coulait douce. Mais comme rien ne vaut la liberté, surtout lorsqu’on détient tant d’informations intéressantes (et peut-être compromettantes), il a préféré s’enfuir. Hier, le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, M. Nasri Lahoud, a engagé des poursuites contre Tleiss lui-même, mais aussi contre les quatre éléments des FSI chargés de garder la prison de Bhannès: l’adjudant - chef Michel Abou Akar, les caporaux Raïf Tannous et Joseph Saadé et le sergent - chef Khaled Makhour. Le dossier est désormais entre les mains du premier juge d’instruction militaire, M. Riad Talih, qui essaie de déterminer si Tleiss a bénéficié de la complicité de ses gardiens (ou de certains d’entre eux) ou d’autres personnes à la prison de Roumieh. C’est là, en effet, que Tleiss purgeait sa peine, lorsqu’il n’était pas envoyé à l’aile réservée à la prison à l’hôpital de Bhannès, pour raison de santé. Selon des sources proches de l’enquête, le médecin de la prison de Roumieh, le Dr Nabil Baydoun, aurait été appelé à plusieurs reprises au chevet de Tleiss, qui souffrait de tuberculose. Le malade aurait commencé à être envoyé à Bhannès pour traitement en mars 1997. Et depuis, il s’y rend régulièrement. Les mêmes sources laissent entendre qu’au moment de son évasion, il se trouvait à Bhannès depuis une dizaine de jours. Des sources proches de l’enquête confient que l’évasion a eu lieu mardi vers 17h10. Le responsable de la prison (qui est située dans une aile indépendante de l’hôpital de Bhannès), l’adjudant - chef Michel Abou Akar, quitte son poste et rentre chez lui vers 17h. Le caporal Joseph Saadé se rend alors au chevet d’un détenu somalien dont l’état de santé serait très grave. Seuls le caporal Raïf Tannous et le sergent — chef Khaled Makhour continuent à monter la garde. Selon des sources judiciaires, ayant oublié une des menottes, Saadé demande à l’un des deux autres gardes de la lui amener. C’est pendant ce laps de temps qu’arrivent les «libérateurs». Selon l’enquête, ils seraient huit, venus dans deux voitures, une Range Rover et une BMW. Quatre d’entre eux seraient restés à l’extérieur, pendant que les quatre autres opéraient à l’intérieur. Interrogés par les autorités, notamment par le commissaire - adjoint du gouvernement, M. Myassar Chakar, qui s’est rendu à Bhannès vers 23h, le soir de l’évasion, et qui y est resté jusqu’au matin, les gardiens auraient déclaré avoir été menacés par des armes puis endormis à l’aide d’un spray innervant. Les assaillants les auraient alors ligotés avec des fils très fins en nylon, avant de se mettre à la recherche de Hussein Tleiss. Selon des sources proches de l’enquête, certains détenus leur auraient lancé: «Prenez le Somalien. Nous craignons qu’il ne soit contagieux». Le détenu condamné à mort pour l’assassinat d’Ibrahim Sawan et de son fils, Yehya Mohamed Ayoubi, s’est fait alors tout petit dans sa cellule, pour ne pas être libéré... Selon certains témoignages, les assaillants n’ont pas eu à chercher pour trouver Tleiss. Ils connaissaient sa cellule. Et, ayant pris les clés au gardien, ils l’ont ouverte et ont emmené Tleiss, après avoir arraché les fils des lignes téléphoniques, même celles que les gardes dissimulent dans un bureau discret. Ce n’est que vers 22h que les gardiens ont pu donner l’alerte et aussitôt, le commissaire du gouvernement, M. Myassar Chakar, s’est rendu sur place et a entamé son enquête. Il a ainsi recueilli les premières dépositions des gardiens et des détenus. Désormais, l’enquête essaie de déterminer si, effectivement, Tleiss souffrait d’asthme, voire de tuberculose et si réellement les gardiens ont été menacés, frappés et ligotés. Selon certaines informations non encore vérifiées, aucune trace de coups ou de liens serrés n’aurait été découverte sur eux. L’un d’eux, qui aurait vu les assaillants et qui aurait déclaré qu’ils portaient les uniformes de la Sûreté de l’Etat, aurait aussi commencé par dire qu’ils étaient 15, mais finalement, les sources de l’enquête pensent qu’ils étaient au nombre de 8. En tout cas,l’enquête se poursuit et le premier juge d’instruction militaire décidera bientôt s’il faut émettre des mandats d’arrêt contre les 4 gardiens ou non. Il doit d’ailleurs les entendre ce matin. Quelle que soit l’issue de l’enquête, elle pose une nouvelle fois le problème des Forces de sécurité intérieure, dans l’accomplissement de leur mission. Et si le président du Conseil, M. Rafic Hariri, s’est entretenu hier de l’affaire avec le procureur général près la Cour de Cassation, M. Adnane Addoum, la sécurité et l’administration des prisons relèvent des FSI et du ministère de l’Intérieur. C’est d’ailleurs ce qu’ont répété hier aux journalistes le président du Conseil Supérieur de la Magistrature, M. Mounir Honein, et le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Antoine Klimos. Selon eux, l’évasion de Tleiss relève de la responsabilité des forces de sécurité. Celles-ci sont donc les premières concernées et c’est à elles qu’il faut commencer par réclamer des comptes. Mais comme le sujet des FSI demeure délicat (il avait provoqué une brouille entre les présidents il y a quelques mois) il a peu de chances d’être évoqué, en cette période trouble. Quant à Tleiss, des commissions rogatoires ont été délivrées pour le rechercher. Sera-t-il capturé? La question demeure posée, tout comme il reste à savoir si son évasion est un accident de parcours, dont il faut éviter la répétition, ou s’il s’agit d’un vaste complot, bénéficiant d’appuis occultes... Scarlett HADDAD
La spectaculaire évasion de l’ancien caporal de l’armée, Hussein Tleiss, de la prison de l’hôpital de Bhannès, continuera longtemps encore à faire couler de l’encre. Ce n’est certes pas la première fois qu’un détenu parvient à s’enfuir. Mais depuis la «libération» suspecte (en 1990) de l’inculpé Habib Chartouni (accusé d’avoir exécuté l’assassinat du...