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Actualités - ANALYSE

Mariage civil : le divorce Baabda-Dar El Fatwa est consommé...

Comme on sait, les pôles religieux mahométans s’élèvent avec une extrême vigueur contre le projet de mariage civil facultatif et de refonte des statuts personnels proposé par le chef de l’Etat. «Qu’on se le dise une fois pour toutes, c’est non», répète Dar el-Fatwa qui a pris la tête de cette croisade à laquelle Bkerké dit s’associer par solidarité socio-spirituelle. Mais le président Elias Hraoui n’en reste pas moins déterminé à aller de l’avant et, au cours du dernier Conseil des ministres, il a fait distribuer aux membres du Cabinet une plaquette comprenant, outre le texte détaillé du projet de loi sur le mariage civil, une étude portant sur la réforme du système des statuts personnels au Liban qui est géré jusque-là par les communautés. M. Hraoui a alors précisé qu’il souhaite que les ministres discutent en Conseil de son projet, après l’avoir étudié à tête reposée chez eux, dans une quinzaine de jours... Ou plus exactement lorsque le chef du gouvernement, qui enchaîne voyage sur voyage, se résoudra à faire ici une escale assez longue pour qu’on puisse réunir le Conseil. Du côté de l’opposition, c’est-à-dire en l’occurrence des instances religieuses islamiques, on relève qu’à l’issue d’une réunion de coordination, le mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani, a fait cosigner au président du Conseil supérieur chiite, cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine, un communiqué conjoint exigeant péremptoirement qu’on cesse tout bonnement de parler de mariage civil, procédure qui est une atteinte au message divin du Coran comme à l’enseignement du Prophète. Ils ajoutent que, sous peine d’excommunication, aucun musulman n’est autorisé à contracter un mariage laïc. Les deux dignitaires ont par ailleurs demandé aux prédicateurs des mosquées de s’élever fermement dans leurs prêches du vendredi contre le projet du chef de l’Etat. Ils ont parallèlement adressé au président du Conseil une missive, également commune, l’informant officiellement de leur position et le priant de veiller à clore le débat dans les meilleurs délais. A cette nuance près, que cheikh Kabbani devait préciser dans une déclaration que si les non-musulmans de ce pays veulent instituer un mariage civil pour leur seule pratique, libre à eux et il n’y a pas d’objection à ce qu’ils s’entendent à ce propos avec l’Etat. Il a ajouté, qu’en tout cas, sur le plan national, il pense qu’il est erroné d’affirmer que le mariage civil peut favoriser le brassage, promouvoir la coexistence et constituer un premier pas vers l’abolition du confessionnalisme politique. Modération haririenne Pour sa part, le chef du gouvernement confie à ses proches que, sur un sujet aussi délicat, il préférerait que le traitement se fasse dans le calme, loin des feux de la rampe et des médias qui alimentent une controverse source de tension malsaine, loin de tout défi. M. Hariri se propose donc d’en parler au chef de l’Etat pour émettre le vœu qu’on laisse de côté cette question pour le moment, la conjoncture nécessitant un climat d’entente, de stabilité socio-politique et d’harmonie. M. Hariri ajouterait, selon ses proches, qu’en tout état de cause, une question aussi importante requiert indubitablement un très large consensus national, ce qui veut dire que les communautés doivent être d’accord. Du fait même que deux composantes spirituelles principales du pays y sont opposées, le mariage civil est d’emblée frappé de veto prohibitif, dirait le chef du gouvernement au président de la République avant de conclure qu’il faut attendre des conditions plus propices pour rouvrir le dossier, loin des surenchères et sans que les susceptibilités connues risquent d’être de nouveau heurtées. A dire vrai, si M. Hraoui choisissait de ne pas tenir compte de ces conseils, il s’exposerait à un vote négatif en Conseil des ministres, soulignent nombre de loyalistes. A l’Est, nonobstant l’attitude circonspecte de Bkerké, mais aussi ou surtout dans les partis de gauche plutôt influents à l’Ouest, on soutient à fond le chef de l’Etat. «Il est étonnant, relève un député membre d’une formation progressiste, que les piliers de Taëf, supposés être favorables à la déconfessionnalisation politique, ne comprennent pas que le mariage civil en est une manifestation naturelle. Si on veut changer les mentalités, si on veut faire entrer le Liban dans l’ère moderne, il faut en passer par là et c’est cette évolution que Kemal Atatürk avait imprimée à la Turquie il y a plus de soixante ans, ce qui représente le retard que nous accusons en la matière». Mais qu’un Erbakan, pour rester dans l’exemple turc, juge pour sa part comme une régression. Comme quoi le débat reste ouvert, là-bas comme ici... Ph. A-A.
Comme on sait, les pôles religieux mahométans s’élèvent avec une extrême vigueur contre le projet de mariage civil facultatif et de refonte des statuts personnels proposé par le chef de l’Etat. «Qu’on se le dise une fois pour toutes, c’est non», répète Dar el-Fatwa qui a pris la tête de cette croisade à laquelle Bkerké dit s’associer par solidarité...