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Actualités - OPINION

Carnet de route Monsieur Dory et Abou Youssef

Il est vain, dans nos murs, de débattre pour savoir si l’exactitude est la politesse des rois ou celle des trains, car l’exactitude est devenue désormais un problème national, un exercice qui, même si la coutume locale s’adapte tant bien que mal à la règle du retard, laisse des traces profondes sur l’économie comme sur les rendez-vous amoureux, sur les ébats aquatiques de l’été comme sur les cours de l’enseignement public, privé, et même particulier, en bref, sur le fonctionnement général de la société. Après avoir navigué longtemps et beaucoup dans la capitale, hors de la capitale, et jusqu’aux frontières, tout en établissant mes propres statistiques, je peux enfin vous dire quel type psychologique de Libanais arrive toujours et en toutes circonstances à l’heure. Il s’agit des «surdoués anxieux», et seulement d’eux. Car on peut avoir un QI supérieur à 17O (taux que fixent certains dictionnaires pour le surdon), avoir combiné tous les paramètres de tous les trajets et contre-trajets possibles, et ne pas avoir une envie particulière d’arriver à sa banque à huit heures frappantes, estimant inutile de faire un excès de zèle. Le surdoué anxieux en revanche, à savoir celui qui connaît les combinaisons imbattables mais qui tremble à l’idée de subir une remarque de son supérieur, qui, en bon anxieux, tremble, en vérité, à l’idée de n’importe quelle conséquence de la «tardiveté», parce qu’il ne peut faire autrement — sans souffrir mille morts — que d’être exact dans l’absolu, celui-là ne risque de faire attendre personne. Question de sur-moi tyrannique dû à une gouvernante finlandaise elle-même autrefois tyrannisée, à un grand-père croquemitaine surveillant les aiguilles d’une impressionnante montre à gousset, ou à une enfance bergmanienne, peu importe. Les autres, c’est-à-dire pratiquement tout le monde, quels que soient leur flair, leurs certitudes («je pars avant dix heures et je prends la fuite avant quinze heures», une certaine doctrine prétendument infaillible) et la puissance de leurs cylindrées sont, comme on le voit tous les jours, victimes à la fois des bouchons, des pluies, des agents de la circulation et surtout de leur propre rage. Tous les jours malheureux, hypertendus, rouspéteurs, injurieux derrière leurs vitres, enfin, on connaît: la quadrature du cercle. Encore une. * * * On a le droit de préférer Bachar el-Assad à Rifaat du même nom. Sans pour autant s’ingérer dans les affaires d’un pays frère. On a le droit d’avoir des préférences, si dépendant que l’on soit. On a aussi beaucoup d’amis à Damas qui partagent nos préférences. Cela renforce des liens. * * * Maguy Farah relève-t-elle du bilinguisme ou du subconscient politique quand elle s’adresse à «Monsieur Dory» (sic) (1) mais à «Abou Youssef» (son contradicteur) lors de sa dernière émission? Je crois que si nous ne sommes pas vigilants, nous tomberons tous dans ce genre de confusion. Retour du refoulé pour la journaliste? Bâtardisme et schizoïdie des 78 dernières années? En tout cas c’était — au moins — drôle. Amal NACCACHE (1) Chamoun.
Il est vain, dans nos murs, de débattre pour savoir si l’exactitude est la politesse des rois ou celle des trains, car l’exactitude est devenue désormais un problème national, un exercice qui, même si la coutume locale s’adapte tant bien que mal à la règle du retard, laisse des traces profondes sur l’économie comme sur les rendez-vous amoureux, sur les ébats aquatiques...