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Actualités - CHRONOLOGIE

Rejet d'une proposition irakienne d'inspection de huit sites présidentiels Washington déclenche un compte à rebours dans la crise avec Bagdad L'armada US sera prête dans une semaine, mais la frappe militaire interviendra après le 24 février (photos)

Washington a déclenché un compte à rebours dans la crise irakienne, tout en réaffirmant, pour la forme semble-t-il, qu’il fallait laisser du temps à la diplomatie. Hier, les Etats-Unis ont fait savoir que leur armada dans le Golfe sera prête dans une semaine, menacé de frappe Bagdad plusieurs fois par la suite, s’il le fallait, en cas de récidive et rejeté une nouvelle proposition de l’Irak sur les inspections. Cette suggestion n’en a pas moins fait l’objet de consultations, dans l’après-midi à New York, entre les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, alors que se poursuivait le ballet politico-diplomatique Le général Anthony Zinni, chef du commandement central américain, a déclaré que les forces US dans le Golfe seraient fin prêtes face à l’Irak d’ici une semaine. «Nous avons encore besoin de mettre quelques éléments en place», a-t-il fait savoir devant les journalistes, à bord du porte-avions «George Washington». A des reporters qui lui demandaient comment il se sentirait à la place du président Saddam Hussein, il a répondu laconiquement: «Nerveux». Les Etats-Unis ne frapperont pas avant le 24 février, a cru pouvoir indiquer mercredi le leader de la majorité républicaine au Sénat Trent Lott. Interrogé sur les chances d’un vote au Sénat sur une résolution de soutien au président Clinton, M. Lott a estimé qu’elle ne serait peut-être pas votée avant le retour du Congrès, après dix jours de vacances, le 24 février. «Je ne pense pas que les bombes vont commencer à tomber avant que nous n’agissions», a affirmé M. Lott à la presse. Le sénateur du Mississippi a affirmé qu’il était «peu enclin» à soumettre cette résolution jeudi aujourd’hui au Sénat, affirmant ne pas vouloir limiter le débat à un jour. Le Congrès devrait prendre des vacances du vendredi 13 au lundi 23 février inclus. Au cours des dernières heures, la conjoncture se présentait comme suit: AU PLAN POLITIQUE Le chef de la diplomatie irakienne Mohammed Saïd Sahhaf a affirmé au Caire que son pays acceptait qu’une commission spéciale nommée par l’ONU fixe la durée nécessaire pour inspecter huit sites présidentiels. «Nous estimons qu’un ou deux mois sont plus que suffisants (pour ces inspections) mais c’est l’équipe spéciale qui déterminera sur le terrain la durée qui lui sera nécessaire», a déclaré M. Sahhaf lors d’une conférence de presse tenue à l’issue d’un entretien de plus de deux heures avec son homologue égyptien Amr Moussa. M. Sahhaf a précisé que Bagdad «autorisera» les inspecteurs d’une équipe spéciale de l’ONU à accéder à un site «une, deux ou même dix fois, mais l’essentiel c’est qu’en une durée limitée, ils achèvent leur travail». M. Sahhaf a affirmé qu’il reprenait à son compte «l’initiative russe». Si cette initiative visant à résoudre pacifiquement la crise était adoptée, «une équipe spéciale sera désignée par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan et les cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité», a-t-il ajouté. Cette équipe «sera composée d’un nombre égal d’experts pour chacun de ces cinq pays et d’un nombre égal pour chacun des 21 pays membres» de l’UNSCOM, a-t-il expliqué. Le vice-premier ministre Tarek Aziz de son côté a souligné de son côté la volonté de son pays de se montrer flexible sur la question des sites présidentiels et démenti toute intention d’attaquer le Koweit ou Israël en cas de frappe américaine. «Nous n’avons aucun plan, nous n’avons nullement l’intention d’attaquer quiconque, à l’exception de l’agresseur, et l’agresseur seulement, et à l’intérieur de notre territoire», a dit M. Aziz dans une interview diffusée par la chaîne de télévision américaine CNN. M. Aziz a en outre souligné la volonté des dirigeants irakiens de se montrer flexibles dans la question de l’accès aux sites présidentiels. «Nous sommes prêts à discuter de toutes les questions avec un esprit ouvert», a-t-il déclaré. En demandant au secrétaire général de l’ONU Kofi Annan de former une équipe spéciale pour inspecter les sites présidentiels, «nous ne posons pas de condition, mais suggérons des arrangements pratiques», a-t-il expliqué. «Les Américains et les Britanniques rejettent les idées (irakiennes), ces idées raisonnables et équilibrées, parce qu’ils ne veulent pas une solution diplomatique», a-t-il poursuivi. «Ils sont là à attendre que les Russes, les Français et les autres présentent des idées, et puis ils disent: «Nous n’aimons pas ces idées». Ce n’est pas une façon honnête d’aboutir à une solution diplomatique», a-t-il dit. De fait, la Maison-Blanche a rejeté la proposition irakienne et averti qu’aucun progrès n’avait été réalisé vers une solution diplomatique. «Il ne revient pas à l’Irak de fixer les conditions des inspections», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Michael McCurry. Des inspections «libres et sans entraves» sont la clé d’une solution diplomatique, à nouveau déclaré M. McCurry, ajoutant: «Nous n’avons pas beaucoup progressé vers cette solution». Peu après, le président Clinton lui-même rejetait sur Saddam Hussein la responsabilité d’éviter une attaque américaine contre l’Irak et réaffirmant qu’il devait pour cela assurer aux inspecteurs de l’ONU un «accès total et libre aux sites suspects». «Nous espérons tous pouvoir éviter l’usage de la force mais en fin de compte c’est à Saddam Hussein» de le faire, a-t-il déclaré. «S’il n’agit pas, nous devons être prêts à agir», a-t-il ajouté, en une référence implicite à une frappe américaine contre l’Irak. Le gouvernement français pour sa part a pressé Bagdad de manifester une plus grande ouverture, en l’avertissant que le temps lui était compté, tout en considérant que les dernières déclarations irakiennes constituaient «un progrès». «Les Irakiens parlent bien de huit sites présidentiels, c’est une avancée, c’est un progrès», a affirmé le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Anne Gazeau-Secret, en réponse à une question lors du point de presse. «Pour nous, l’acceptation (de l’inspection) des huit sites présidentiels veut dire libre accès à tout le reste» et «sans limitation» de temps comme le souhaite Bagdad, a indiqué une source diplomatique française. Paris estime aussi que les concessions irakiennes sont insuffisantes, et que «le temps presse». A l’ONU, le secrétaire général s’est entretenu dans la journée avec les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, M. Annan a fait savoir qu’il serait prêt à se rendre à Bagdad si les cinq membres permanents (Grande-Bretagne, Chine, Etats-Unis, France et Russie) se mettent d’accord sur des propositions qui seraient acceptées par le gouvernement irakien. Au plan militaire Le fer de lance du dispositif américain dans le Golfe est constitué par les porte-avions «George Washington» et «Indépendence», avec à leur bord 160 chasseurs F-14 et F/A-18. Même s’ils n’ont pas réussi à convaincre l’Arabie Séoudite de laisser utiliser ses bases, les Etats-Unis peuvent compter sur une soixantaine d’avions de combat stationnés au Koweit et à Bahrein. Quarante-deux appareils supplémentaires sont attendus dans les prochains jours dans la région. Les experts militaires s’accordent à penser que les Américains s’en tiendront à des raids aériens, sans déployer de soldats au sol par crainte des pertes et de la réaction du Congrès. Les 1.500 hommes basés au Koweit — qui seront bientôt rejoints par 3.000 hommes — et les quelque 2.000 Marines sur des bâtiments en route vers le Golfe sont surtout là pour prouver la détermination américaine. Les Etats-Unis pourraient frapper à de multiples reprises si le président irakien tentait de reconstituer son arsenal d’armes de destruction massive, ont averti des représentants du gouvernement américain. Le secrétaire d’Etat Madeleine Albright, qui intervenait devant le Congrès, a affirmé que Saddam Hussein s’exposait à court terme à «une frappe très importante» s’il n’autorisait pas l’inspection de sites sensibles suspectés d’abriter des armes de destruction massive. Il s’exposerait en outre à «de nouvelles frappes» après coup s’il y avait «même un soupçon qu’il reconstituait» son arsenal, a ajouté Mme Albright. «Ce ne seront pas seulement des petits coups d’aiguille», mais «une frappe très importante» en termes d’ampleur et d’objectifs, a-t-elle dit. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Michael McCurry, a pour sa part affirmé que si Saddam Hussein «faisait le moindre effort pour reconstituer (son arsenal), il aurait droit à une autre dose du même médicament au goût amer». En cas de frappe, les USA auront recours aux bombes dites «intelligentes» à haute précision et aux missiles de croisière, affirme le Pentagone. Ces armes de haute technologie ont fait leurs débuts lors de la guerre du Golfe en 1991. Mais seulement 9% des bombes larguées sur l’Irak il y a sept ans entraient dans la catégorie de ces armes téléguidées, selon des responsables de l’Armée de l’air américaine. «Notre objectif est de faire beaucoup, beaucoup mieux que cela la prochaine fois», indique un haut responsable militaire qui a requis l’anonymat. «La précision est notre but» dit-il. Selon un autre haut responsable, «près de 80%» des bombes prêtes à être larguées sur l’Irak en cas d’attaque font partie de cette génération d’armes dites «intelligentes». Et contrairement à 1991 où seuls les chasseurs furtifs F-117, chasseurs-bombardiers F-111 et avions d’attaque F-15E étaient équipés de telles bombes, tous les appareils américains actuellement dans le Golfe peuvent larguer ces engins. Le principal atout de ces bombes, outre leur puissance, est leur très grande précision grâce à des systèmes de navigation propres; laser, système de guidage par satellite GPS, guidage infrarouge, caméras de télévision, radars et systèmes préprogrammés de navigation. Mais de telles armes ont un coût: 700.000 dollars pour un missile de croisière; 26.000 dollars pour la modernisation d’une bombe classique, avec l’installation d’un système de guidage GPS. Les responsables américains estiment toutefois que ces investissements permettent de compenser un déploiement plus restreint d’avions, un plus grand nombre de cibles pouvant être détruit à chaque sortie. Au plan diplomatique La journée de mercredi a été marquée par une recrudescence de l’activité des émissaires et de la diplomatie dans les capitales concernées. Au Caire, le président Hosni Moubarak a estimé que personne ne pourrait empêcher une frappe militaire US si l’Irak n’appliquait pas les résolutions des Nations Unies. «Les Etats-Unis disent qu’il y aura une frappe si l’Irak n’applique pas les résolutions du Conseil de Sécurité, et je constate qu’il y a beaucoup de concentrations de troupes», a déclaré M. Moubarak aux journalistes. M. Moubarak a indiqué qu’aucun sommet ou mini-sommet arabe n’était prévu pour examiner la crise. «Pas pour le moment. Il n’y a aucune proposition à ce sujet», a-t-il dit. A un journaliste qui lui demandait s’il avait «eu le sentiment que l’Irak faisait preuve de souplesse», M. Moubarak a répondu laconiquement: «Je leur ai dit tout ce que j’avais sur leur cœur et la décision revient à Bagdad». Il a également démenti l’existence d’une «initiative arabe pour résoudre la crise irakienne». La Russie, elle, a appelé la Turquie à ne pas autoriser les Etats-Unis à utiliser les bases alliées sur son territoire pour d’éventuelles frappes aériennes. «La Russie accueille avec satisfaction la position turque en faveur de l’exploitation des voies politiques et diplomatiques pour trouver une solution à la crise irakienne», a déclaré l’ambassadeur de Russie à Ankara, Vadim Kuznetsov. «Nous espérons que la Turquie maintiendra sa position et continuera de s’abstenir d’autoriser l’utilisation de son sol pour tout usage de la force unilatéralement décidé contre l’Irak sans une résolution en ce sens du Conseil de Sécurité de l’ONU», a ajouté M. Kuznetsov. La base d’Incirlik (sud) avait été largement utilisée par l’aviation américaine pour des raids aériens sur l’Irak lors de la guerre du Golfe en 1991. A Téhéran, le président Mohammad Khatami a qualifié d’«inadmissible» une éventuelle frappe américaine et demandé implicitement aux Etats-Unis de revenir sur leur décision, rapporte mercredi l’agence officielle IRNA. Lors d’une rencontre avec les membres du corps diplomatique en poste en Iran, M. Khatami a émis l’espoir que «ceux qui ont l’intention d’attaquer l’Irak reprennent conscience et évitent une catastrophe». «Pourquoi le peuple irakien doit-il encore être la victime?», s’est-il demandé, ajoutant que l’Iran «souhaite le respect de la souveraineté et l’intégrité de l’Irak», selon IRNA. Le président Khatami a jugé «offensant» la présence des forces navales étrangères dans le Golfe et affirmé que «les peuples de la région sont assez grands pour assurer seuls leur sécurité».
Washington a déclenché un compte à rebours dans la crise irakienne, tout en réaffirmant, pour la forme semble-t-il, qu’il fallait laisser du temps à la diplomatie. Hier, les Etats-Unis ont fait savoir que leur armada dans le Golfe sera prête dans une semaine, menacé de frappe Bagdad plusieurs fois par la suite, s’il le fallait, en cas de récidive et rejeté une nouvelle...