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Actualités - ANALYSE

Irak-USA : une inconnue qui risque de peser lourd dans la balance régionale

Un diplomate arabe en poste à Beyrouth souligne que «sauf le Koweit, dont le ressentiment est durable, aucun pays arabe n’approuve le projet U.S. de frapper militairement l’Irak. En effet, les Etats-Unis n’avancent pas d’arguments suffisamment convaincants pour une action qui cette fois ne viserait pas, comme en 1991, à redonner son territoire à un pays envahi ni à sanctionner une claire agression irakienne. On distingue assez mal aujourd’hui les vrais mobiles de Washington, qui se retrouve isolé sur la scène mondiale sur ce point précis, si l’on excepte l’indéfectible soutien de Londres. Dès lors les régimes arabes, aussi américanophiles qu’ils soient, ne peuvent s’appuyer sur aucun thème solide pour expliquer à leurs peuples pourquoi il faut admettre qu’une puissance étrangère frappe un autre pays arabe. Il y a sept ans, le cas était tout à fait différent car ce même pays arabe, l’Irak, en avait attaqué un autre, sans aucun droit, au mépris des lois internationales mais aussi de la Charte de la Ligue arabe. S’il s’agit de forcer Saddam Hussein à autoriser l’UNSCOM à poursuivre sa mission d’inspection des sites d’armements, «présidentiels» ou pas, il est presque certain qu’on peut y parvenir par les pressions diplomatiques, du moment que tous les grands, tous les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies et également tous les pays arabes de la région sont de cet avis. Au stade actuel, on est encore loin d’avoir épuisé toutes les ressources du canal diplomatique et c’est ce que Moscou, Pékin et Paris s’égosillent à répéter aux Américains. Si le dictateur irakien devait, contre toute logique, défier jusqu’au bout la volonté du monde entier, alors on aviserait…». Problème «Le hic, poursuit ce diplomate, c’est qu’il n’est pas sûr du tout qu’une opération militaire déloge Saddam Hussein du pouvoir. Il est même probable qu’elle l’y conforterait. Et si elle devait faire beaucoup de victimes civiles, ce qui est également probable, le résultat serait que la communauté internationale — déjà révulsée par les effets de l’embargo surtout sur les enfants — finirait par lever toutes les sanctions et toute la surveillance qui entoure les agissements du régime irakien. Effet possible d’une frappe U.S.: le dictateur de Bagdad se retrouverait les mains encore plus libres pour reconstituer son arsenal de destruction totale, de missiles porteurs d’armes chimiques ou biologiques voire de têtes nucléaires…». «En outre si on devait renverser Saddam Hussein — ce qui devrait être laissé aux bons soins du peuple irakien qui en a seul le droit —, par qui le remplacerait-on? Garderait-on le même régime, en en changeant simplement la tête? Par quel système différent peut-on tenir une contrée aussi difficile, bourrée de contradictions ethniques, confessionnelles et tribales qui sont autant de barils de poudre dangereux pour toute la région? Clinton ne comprend-il pas que Bush avait raison quand il a permis à Saddam, après la défaite de ce dernier au Koweit, de mater la rébellion qui commençait chez lui, en l’autorisant à utiliser ses hélicoptères de combat pour la réprimer? L’actuel hôte de la Maison-Blanche ne voit-il pas, comme son prédécesseur, que le régime irakien laïc est malgré tout un facteur de stabilité relative dans une région à haut risque d’explosion? Oublie-t-il, entre autres, le facteur kurde ou la montée d’un islamisme agressif qui menace tout particulièrement les vassaux arabes des Etats-Unis?» «En tout cas, répète en conclusion ce diplomate arabe, les choses semblent mal s’engager pour le plan américain de recours précipité à la force. Non seulement presque personne n’est pour mais aussi Eltsine, qui est quand même à la tête de la deuxième puissance militaire mondiale, a lancé à Washington un avertissement trop sévère, en parlant de risque de conflagration planétaire, pour être ignoré. Et ce qu’il n’a pas dit, c’est qu’une frappe militaire peut tourner à l’avantage politique de Saddam Hussein tout comme l’opération désastreuse de la Baie des Cochons au début des années soixante a maintenu pour toujours Castro au pouvoir à Cuba…». Il reste cependant à savoir, et c’est ce que les futurs développements diront éventuellement, si en réalité les Etats-Unis n’ont pas établi un plan de modification de toute la configuration régionale qui commencerait en Irak… Mais c’est là une autre histoire et qui reste aléatoire car sauf les apprentis sorciers personne ne se risque à jouer avec le feu à la légère. E.K.
Un diplomate arabe en poste à Beyrouth souligne que «sauf le Koweit, dont le ressentiment est durable, aucun pays arabe n’approuve le projet U.S. de frapper militairement l’Irak. En effet, les Etats-Unis n’avancent pas d’arguments suffisamment convaincants pour une action qui cette fois ne viserait pas, comme en 1991, à redonner son territoire à un pays envahi ni à...