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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

Amiante : la controverse bat son plein Greenpeace maintient, en dépit des assurances officielles, que les conduites d'eau sont dangereuses

La polémique autour de l’utilisation de l’amiante-ciment dans les canalisations d’eau potable s’est poursuivie hier. Après les affirmations du CDR, de la direction de l’usine Eternit (qui fabrique les canalisations) et du ministère de l’Environnement, qui ont publié un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) selon lequel l’amiante-ciment dans les canalisations n’est pas nocive, Greenpeace est revenue hier à la charge, rejetant les arguments qui ont été présentés par les organismes officiels. Le porte-parole de Greenpeace au Liban, M. Fouad Hamdane, s’est même demandé dans un communiqué publié hier si «les canalisations d’eau potable que le CDR prévoit d’installer à Saïda, Tyr et Nabatieh ne seront pas également en amiante». «L’opinion publique a le droit d’être renseignée à ce sujet», a-t-il précisé. Dans son communiqué, M. Hamdane répond au ministère de l’Environnement, qui l’avait accusé de ne se baser sur aucune donnée scientifique, et avait soutenu que sa campagne contre l’amiante visait à faire la promotion d’autres produits disponibles sur le marché. «Greenpeace est déçue par la réaction du ministère de l’Environnement et trouve ses arguments très peu scientifiques», répond Hamdane. «Il est choquant de constater que le ministère répète les mêmes arguments que les industriels qui produisent l’amiante, et tient au «mythe» de l’amiante blanche inoffensive (utilisée au Liban) et de l’amiante bleue nocive, alors qu’il est scientifiquement prouvé que les deux causent des cancers». A ce propos, M. Hamdane a remis à «L’Orient-Le Jour» une étude effectuée par quatre médecins de l’Hôtel-Dieu de France qui traite de plusieurs cas de cancers causés par un contact plus ou moins direct avec l’amiante. Au sujet des accusations du ministère sur d’éventuels intérêts commerciaux de Greenpeace, M. Hamdane rétorque: «Nous avons cité la fibre de verre comme une alternative possible à l’amiante parce que nous sommes obligés de proposer un choix quand nous critiquons une matière donnée. Mais notre proposition n’était en aucun cas dirigée contre la compagnie Eternit puisque nous avons précisé dès le début que cette usine peut elle-même produire la fibre de verre ou d’autres matières qui peuvent remplacer l’amiante. Le commentaire du ministère frise par conséquent le ridicule et s’accroche avec une ténacité incompréhensible à la politique pro-amiante». Commentant le rapport de l’OMS, M. Hamdane affirme: «Nous avons beaucoup de respect pour cette organisation mondiale. Mais ses affirmations sont basées sur le fait qu’elle ne possède pas de preuves suffisantes sur la nocivité de l’amiante dans l’eau, et elle s’oppose en cela à d’autres scientifiques qui considèrent que cette matière peut provoquer des cancers si elle est communiquée à l’homme à travers l’eau. Plusieurs pays comme l’Arabie Séoudite et la Syrie ont préféré éviter ce danger et ne risquent pas la vie de leurs citoyens». «Il n’est pas logique que le CDR et le ministère s’accrochent à l’amiante quand il est évident que même Eternit peut produire une alternative», conclut M. Hamdane. «Nous appelons le ministre de l’Environnement, M. Akram Chehayeb, et le directeur du CDR, M. Nabil el-Jisr, à reconsidérer leur décision». Pour essayer de voir clair dans cette polémique qui se prolonge, nous avons interrogé au téléphone M. Youssef Saïkali, professeur de chimie minérale à l’Université libanaise, qui a bien voulu exposer d’une manière informelle un point de vue scientifique et objectif. «L’amiante est un philicate double, formé de calcium et de magnésium», a expliqué M. Saïkali. «C’est un isolant à contexture fibreuse qui a souvent été utilisé dans la construction des bâtiments parce qu’il supporte très bien les températures élevées». Et de poursuivre: «Le malheur avec une contexture fibreuse, c’est que son effritement provoque un danger d’inhalation. Il est cependant certain que la matière intégrée à l’organisme par voie digestive est moins dangereuse que si elle est respirée, parce que, dans le premier cas, elle est éliminée plus facilement». M. Saïkali a cependant insisté sur un point: «Il faut que les gens ne perdent pas de vue que les maladies causées par l’amiante respirées sont chroniques, et qu’elles sont par conséquent le résultat d’un cumul à long terme. Ce n’est donc pas du jour au lendemain qu’elles sont contractées». En ce qui concerne très spécifiquement les canalisations d’eau potable en amiante, M. Saïkali pense que «tant que les tuyauteries sont en bon état, la quantité d’amiante qui passe dans l’eau est minime, mais quand ces installations deviennent vétustes, cette quantité augmente en principe». «Or il est connu que l’eau ne peut pas dissoudre ce genre de matériaux facilement», a-t-il ajouté. M. Saïkali a conclu: «Je ne suis pas spécialiste dans les maladies causées par l’amiante, mais si on est dans le doute, ne vaut-il pas mieux éviter le risque? Pourquoi y a-t-il aujourd’hui des chantiers spécialisés en Europe pour se débarrasser de l’amiante? Cependant, je considère que le danger n’est pas imminent, et que les nouveaux matériaux qui n’ont pas encore été utilisés, et qui sont proposés en alternative, ne sont pas testés non plus à long terme. Il ne faut pas oublier que l’eau n’est pas pure et qu’elle contient des éléments plus ou moins agressifs». Par ailleurs, notre correspondant au Akkar Michel Hallak nous a indiqué que la population du Liban-Nord avait été particulièrement inquiété par les questions soulevées par Greenpeace autour de l’utilisation de l’amiante dans les canalisations d’eau potable. Même s’ils ont longtemps attendu le renouvellement des installations d’eau dans leurs régions, les habitants souhaitent cependant être fixés sur la salubrité du matériel employé, et espèrent que des spécialistes donneront une opinion définitive sur le problème avant que les travaux ne commencent. Pour sa part, le directeur de l’Office des Eaux de Kobeyat, M. Joseph Boutros, interrogé par notre correspondant, a affirmé que «ces tuyaux (en amiante) sont utilisés dans notre service depuis les années soixante sans que des cas de maladies aient été signalés parmi nos abonnés». Donnant des détails sur le projet, M. Boutros a signalé que «200 kilomètres de tuyaux, dont 100 kilomètres en éternit, seront installés dans plus de 86 villages du Akkar desservis par notre office». Il a notamment assuré que «la polémique actuelle autour de l’amiante n’aura aucune influence sur le cours des travaux, sauf au cas où le ministère des Ressources hydrauliques et électriques renonce lui-même au projet, ce qui est très peu probable». De leur côté, les associations écologiques du Akkar ont souhaité que les officiels interrompent les travaux en attendant un rapport d’experts qui fasse le point au sujet des arguments présentés par Greenpeace. Elles ont considéré que les canalisations d’eau potable ne devaient présenter aucun danger parce qu’elles touchaient de près la santé du citoyen.
La polémique autour de l’utilisation de l’amiante-ciment dans les canalisations d’eau potable s’est poursuivie hier. Après les affirmations du CDR, de la direction de l’usine Eternit (qui fabrique les canalisations) et du ministère de l’Environnement, qui ont publié un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) selon lequel l’amiante-ciment dans les...