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Actualités - INTERVIEWS

Reprise au Monot du Jardin Public de Sanayeh primé à Carthage Avec Roger Assaf, le théâtre se fait collectif, comme un coeur innombrable .. (photos)

Evénement du festival de Carthage novembre 1997, la pièce «Jardin public de Sanayeh» remporte le prix d’excellence du théâtre, et Bernadette Houdeib le prix d’interprétation féminine. Cette coproduction Roger Assaf-Théâtre de Beyrouth était en concurrence avec des œuvres provenant de 40 pays du Moyen-Orient, d’Europe et d’Asie. Joué en juin 97, sur les planches de Ayn el-Mreyssé, «Le jardin public de Sanayeh» s’installe à partir du 5 février au théâtre Monot. Bâtie sur une mosaïque de thèmes d’actualité du Beyrouth d’après-guerre, la pièce trace les silhouettes d’une dizaine de caractères qui en quelques tableaux imposent des personnages et des petites histoires, miroir d’une société calfeutrée dans le malaise, la dispersion et la décomposition morales. «Lieu de rencontre avant 1975, le jardin de Sanayeh symbolisait l’espoir d’une paix retrouvée. Surtout pour nous, habitants de Ras-Beyrouth, la réouverture de ce jardin signifiait la reprise de la vie normale. Mais en fait, les grilles du jardin furent ouvertes pour le supplice d’Ibrahim Tarraf, pendu en 1983...» Dès lors, la tension s’épaissit autour de ce lieu où les gens se rencontrent sans se retrouver. Roger Assaf va développer la mise en scène kaléidoscopique d’une brochette d’individus choisissant comme combat le face-à-face avec soi-même. Téléscopage De cette situation de collapsus généralisé, Roger Assaf va jouer la carte de l’ironie pour peindre le pessimisme, la morosité et la mélancolie ambiants. Il aime toutefois préciser que «Le jardin public de Sanayeh» est une histoire à écriture collective. «Comme d’habitude, l’équipe, comédiens et techniciens confondus — il n’y a pas chez nous une dissociation entre l’art et la technique — se réunit pour un échange de points de vue et une confrontation des idées. Nous savions déjà que nous allions situer la pièce dans le Beyrouth d’après-guerre, dans cette décomposition morale qui est devenue notre climat. Au bout de longues discussions, nous avons consigné les questions qui nous ont paru les plus frappantes et les plus représentatives de la situation libanaise. L’affaire des condamnations à mort, par exemple. Le problème des Sri-Lankaises traitées d’une façon peu humaine et non conforme à la valeur morale que nous voulons avoir. Nous avons également puisé dans des ouvrages dont nous avons ressenti profondément les textes: «Meurtre à domicile» de Youssef Salameh et «Une affaire d’identité» de Mahassen Ajam...», raconte le metteur en scène. Des histoires séparées, où sont cultivés des monologues d’individus portant leur fracture secrète. L’homme solitaire, prisonnier dans son conflit affectif et ne pouvant dialoguer avec les autres, voilà l’idée première du spectacle. Sur cette tristesse tragique et menaçante vient se greffer un autre sujet: le stress de l’acteur qui doit jouer des rôles funestes et sinistres, alors que déjà comme particulier, il subit la grisaille du quotidien. «Les comédiens ont envie de jouer un théâtre beau, noble qui raconte le courage, la foi et l’espérance. Un théâtre qui exprime des valeurs qui tirent l’homme vers le haut». Tel le citoyen qui aspire à une autre vie, à une autre société, l’acteur rêve à des éclats de lumière. Conditions La distribution des rôles dans le théâtre de Roger Assaf peut se résumer par «Je ne suis pas là pour faire bien», mais «Je suis un comédien et donc je m’adapte à ce qui me convient». Aussi, au départ, dit Roger Assaf «tout le monde, moi compris, joue tous les personnages et toutes les scènes. Et au cours de ce travail, il devient évident que tel acteur jouera tel rôle. Bien sûr il y a toujours des propositions, des modifications... Il reste toutefois que le personnage principal c’est l’ensemble de la troupe». Par ailleurs, «La création se fait sur scène c’est-à-dire je règle les scènes sur scène, au milieu des comédiens. Une fois le spectacle construit, je travaille alors à partir de la salle». Accueillie avec enthousiasme par le public libanais en juin dernier à Beyrouth, la pièce a eu un impact très fort sur les Tunisiens. «En fait ce sont les jeunes qui se sentent le plus concernés; ce sont eux qui ressentent profondément la tension et le malaise social. Il y a aussi un autre élément qui entre en jeu: les jeunes d’aujourd’hui n’aiment plus beaucoup le théâtre et la culture classique tout simplement parce qu’ils ne s’y retrouvent plus. Ce n’est pas leur langage. Ce dernier ils le retrouvent dans le genre de spectacle que nous présentons; là, ils sentent qu’ils ont la parole; qu’ils ont en face d’eux des gens qui s’adressent à eux; qui parlent vrai; qui ne mentent pas. Les jeunes ont besoin de sincérité. Les Tunisiens n’ont peut-être pas les mêmes problèmes que nous mais ils ont la même façon de sentir et la même façon de souffrir». Négation Abordant en règle générale le théâtre libanais, Roger Assaf affirme qu’«il n’y a pas de théâtre au Liban mais des pièces de théâtre. Ce n’est pas pareil. Le théâtre en tant qu’institution, en tant que fonction est lié à l’existence d’une cité-ville. Mais on peut avoir une activité qui utilise le théâtre comme instrument de recherche, de réflexion et de pratique ponctuelle. Historiquement cela a existé. Par exemple cet Italien du 16e siècle, Ruzzante, qui faisait du théâtre-paysan en dehors de la cité, et à une époque où cette pratique n’existait pas encore». Sous le label d’un «théâtre à la fois expérimental, ludique et festif», Assaf dira que la scène est pour lui «une récréation, un jeu, une fête». Il devait aussi souligner un important début de mouvement d’expression chez des nouveaux talents dont les spectacles, ces deux dernières années, étaient de qualité. «Cela faisait longtemps que le Liban n’avait pas connu un renouvellement aussi intéressant». Et le metteur en scène de citer «Rabih Mroué, un talent sûr», mais aussi Issam Bou Khaled, Ayman Bitar, Fadi Abou-Khalil et Zaki Mahfoud. Roger Assaf s’est toujours inquiété du devenir de l’homme de théâtre au Liban. Avec ces noms égrenés, la relève serait-elle assurée?
Evénement du festival de Carthage novembre 1997, la pièce «Jardin public de Sanayeh» remporte le prix d’excellence du théâtre, et Bernadette Houdeib le prix d’interprétation féminine. Cette coproduction Roger Assaf-Théâtre de Beyrouth était en concurrence avec des œuvres provenant de 40 pays du Moyen-Orient, d’Europe et d’Asie. Joué en juin 97, sur les planches de...