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Actualités - REPORTAGE

La réunion oeucuménique de Chypre interpelle l'Islam sur la participation des chrétiens à la vie publique

Nicosie — de Fady NOUN. La conférence œcuménique de Chypre organisée par le Conseil des églises du Moyen-Orient (CEMO), aura été utile de plusieures manières. Dominée par le thème de l’érosion humaine qui affecte les églises en Orient, la conférence aura servi, d’abord, à sortir ce thème des chuchotements des bureaux, sur la place publique, de manière à le dépassionner, à l’arracher à la surenchère alarmiste, à l’inquiétude irrationnelle. «Nous serons chrétiens ensemble, où nous ne serons pas», avaient affirmé les patriarches catholiques d’Orient, voici quelques années, dans un document conjoint. Affirmation émanant d’Eglises sur la défensive, presque aux abois, qui ne semblaient voir, dans l’unité, qu’un moyen de survie, et non une valeur en soi. Mais affirmation utile dans la mesure où elle avait lié directement deux composantes essentielles de la vie de l’Eglise et de toutes les églises: l’unité et l’ouverture aux autres religions. C’est sur ces mêmes fondements que la conférence de Nicosie a bâti, avec certains progrès. Selon Tarek Mitri, membre du comité préparatoire de la conférence représentant le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche, «la charge symbolique de la rencontre ne doit pas être minimisée, puisqu’elle a réuni tous les chefs d’Eglises présentes en Orient, autour d’un thème mobilisateur, et qu’un appel pastoral conjoint a pu en émaner». Pour M. Mitri, «la chose est plus rare qu’on ne le pense. Il y a eu un véritable esprit œcuménique, une capacité de parler d’une seule voix, et de mettre de côté les sensibilités confessionnelles». Une autre utilité de la conférence de Nicosie, souligne M. Mitri, est qu’elle contribue à amener un débat qui a honte de s’avouer, sur la place publique. En privé, dit-il en substance, les patriarches tiennent un langage souvent fanatique, alarmiste, et se complaisent dans une victimisation impuissante. En public, c’est un langage national, concordiste. L’utilité d’une conférence comme celle qui vient de se tenir, c’est de contribuer à combler ce fossé entre les deux discours, «entre ce qu’on dit entre soi et en public quant aux peurs, angoisses, tant légitimes qu’exagérées, et pas toujours imputables à autrui». Selon les organisateurs de la conférence, «cet écart demeure, mais la réunion a contribué à trouver un nouveau langage, une nouvelle réalité qui interpelle le musulman et se laisse interpeller par lui». Sur ce plan, beaucoup conviennent que la rencontre de Chypre a réussi à  trouver un langage «équilibré» pour parler sans plus de détours, d’un problème grave. La présence, samedi, de M. Mohammed Sammak, représentant du mufti de la République, aux débats, le passage très clair du «message pastoral» affirmant que beaucoup de musulmans se sentent concernés par l’éloignement des chrétiens de la vie publique et engagés à réparer cet état de fait, sont clairs. Pour les organisateurs, cet aspect des choses est essentiel. «Il ne faut pas se faire d’illusions, note Tarek Mitri, ce ne sont pas les minorités, mais les majorités qui tiennent entre leurs mains les véritables possibilités de changement. C’est pourquoi il est indispensable d’intéresser les musulmans à ce qui se fait. Autrement, on parle dans le vide». Les organisateurs conviennent aussi que, tout en étant instrumental, le dialogue islamo-chrétien est une valeur en soi, et que comme le soulignent les documents pontificaux sur la liberté religieuse, «la recherche de la vérité appartient à la dignité humaine». Il serait donc faux de dire, comme certains n’ont pas manqué de le faire, que «la montagne a accouché d’une souris», et que la rencontre n’a servi à rien. A rien de spectaculaire, oui, c’est vrai. Il est vrai aussi que par moments, les chefs d’Eglises donnent l’impression de vivre dans un autre monde, et qu’on a l’impression qu’ils sont toujours pris dans les filets de querelles remontant au Ve siècle, ou au XIXe et XXe siècles, pour ce qui concerne l’héritage des premiers missionnaires protestants dans la région. Toutefois, il n’en est pas toujours ainsi, et la réunion de Chypre est parvenue, selon les organisateurs «à exprimer un souci pastoral authentique concernant les peurs vécues par le commun des chrétiens». Elle s’est conclue sur un engagement à essayer de dépasser la peur et l’alarmisme. Un alarmisme dangereux dans la mesure où il accélère l’avènement de ce qu’on redoute. La réunion a débouché, à cet égard, sur des mesures pratiques, notamment une décision d’établir un véritable état de la question de l’émigration des chrétiens sur laquelle il se dit beaucoup de choses inexactes, ou exagérées, sous l’effet de la peur, ou pour des motifs politiques. Au-delà de ces discours, un effort sera fourni, dans les prochaines années, pour soumettre ce dossier à une réflexion sobre, objective, documentée, en prélude à une mobilisation adéquate des ressources et à une stratégie d’intervention. La date de Pâques A chaque réunion œcuménique, la question de l’unification des dates de la Pâques orthodoxe et de la Pâques catholique revient sur le tapis. La rencontre de Chypre n’a pas échappé à cette interpellation. Selon les organisateurs, cependant, pour simple qu’elle paraisse aux yeux des simples fidèles, la question est plus complexe, pour la simple raison que les Eglises du Moyen-Orient vivent, chacune, en communion avec des Eglises ou des constellations d’Eglises plus larges, et qu’en réunifiant les dates de la Pâques dans les pays arabes, par exemple, onrisque de rompre l’unité de célébration de ces Eglises, avec les Eglises plus larges avec lesquelles elles sont en communion. Le souci plus politique n’a pas été, non plus, étranger aux débats. Pourquoi la rencontre n’a-t-elle pas lancé d’appels aux chefs d’Etats et régimes arabes, en faveur d’une plus gande participation des chrétiens à la vie publique? La réponse à cette question est, selon les organisateurs, que «la nature de la lettre est pastorale», et que ce n’est pas aux autorités religieuses, mais à des organismes laïcs qui en prendront le relais, d’en parler, et au dialogue islamo-chrétien de porter du fruit dans ce domaine. Cependant, il y a eu du concret. Ainsi, il a été décidé qu’une rencontre au niveau des chefs d’Eglises aura lieu, désormais, tous les deux ans, ou quand le besoin se fera sentir. La prochaine rencontre se tiendra «quelque part dans un pays arabe» (le Liban ou l’Egypte), à l’occasion de la célébration du Jubilé de l’An 2000 qui doit donner lieu à des célébrations gigantesques, notamment à Rome et à Jérusalem. Par ailleurs, le comité exécutif du CEMO va se pencher sur les moyens de renforcer la coopération entre les universités et instituts supérieurs supervisés par les Eglises, dans le monde arabe, en plus des projets actuels visant à unifier les textes du Pater et du Crédo. Enfin, le comité va former une commission qui sera chargée d’avancer des idées de projets à vocation sociale susceptibles de mettre un frein à l’émigration. Enfin, à première vue, le CEMO sort renforcé de la rencontre de Nicosie, et un changement de ses statuts dans le sens d’une plus grande implication des Eglises est envisagé. L’espoir est permis, si l’esprit de coopération entre les Eglises évolue dans le bonne direction, si le dialogue s’établit sur des bases solides, qui sont à la fois la reconnaissance de la vérité et la conversion du cœur.
Nicosie — de Fady NOUN. La conférence œcuménique de Chypre organisée par le Conseil des églises du Moyen-Orient (CEMO), aura été utile de plusieures manières. Dominée par le thème de l’érosion humaine qui affecte les églises en Orient, la conférence aura servi, d’abord, à sortir ce thème des chuchotements des bureaux, sur la place publique, de manière à le...