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Actualités - REPORTAGE

Le bloc Joumblatt, le Hezbollah et Lahoud ne voteront pas le budget Le gouvernement pris en tenaille entre les étudiants et l'opposition (photo)

Au troisième jour du débat budgétaire, l’image s’est éclaircie hier Place de l’Etoile. Le bloc parlementaire de M. Walid Joumblatt, les députés du Hezbollah et M. Nassib Lahoud ont clairement annoncé qu’ils ne voteraient pas en faveur du projet de loi de Finances que le gouvernement s’efforce de défendre, souvent maladroitement, face aux attaques des opposants. La séance-marathon d’hier s’est déroulée dans des circonstances particulièrement difficiles pour l’Exécutif. En plus des critiques ciblées de MM. Wadih Akl, Nassib Lahoud et du Hezbollah, le gouvernement était soumis à la pression d’une rue en colère représentée par les milliers d’étudiants qui ont scandé pendant trois heures des slogans hostiles à la politique de M. Hariri avant de se disperser dans le calme. Pris en tenaille entre une jeunesse enthousiaste et militante et des politiciens chevronnés, le gouvernement a tenté d’organiser une contre-offensive désordonnée conduite par MM. Adnane Arakji, Jamil Chammas et Mahmoud Awwad. Piètre résultat. Mais ce n’est que partie remise car le débat budgétaire doit se poursuivre aujourd’hui à 19h avec dix députés inscrits sur la liste des interventions, en plus de la réponse du gouvernement. La première charge contre le gouvernement est menée par M. Wadih Akl qui démolit méthodiquement les arguments développés dans le projet de budget. Dans l’exposé des motifs de la loi de Finances, l’Exécutif souligne que la crise actuelle prend ses sources dans l’attaque israélienne de juillet 1993, dans le malaise politique qui a accompagné la question de la prorogation du mandat présidentiel en 1995 et dans l’agression d’avril 1996. Pour le député du Chouf, ces prétextes sont inacceptables. Le fait que le gouvernement ait ignoré dans sa planification économique le facteur déstabilisateur israélien est en soi une erreur impardonnable, dit-il. «En cinq ans, les prix ont augmenté de 75% contre 25% seulement pour les salaires, ajoute-t-il. La croissance est aussi importante que le développement. Il faut éviter les erreurs qui ont en partie provoqué la guerre au Liban, notamment le développement déséquilibré». Selon M. Akl, la situation est aujourd’hui plus grave qu’en 1975. «Avant la guerre, on disait que le régime libanais représentait 4% des gens. Aujourd’hui, il représente uniquement 2% et 28% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté», indique-t-il. Un des problèmes majeurs du pays est que l’économie évolue dans un cercle fermé, précise le député. Une infime minorité profite du projet de reconstruction et l’activité économique est concentrée à 70% à Beyrouth et dans ses banlieues. Evoquant les 2 milliards de dollars que le gouvernement projette d’emprunter sur le marché international, M. Akl déplore le fait que les députés n’ont pas «ne serait-ce qu’un petit bout de papier» pour expliquer comment le Liban compte emprunter cette somme et où il prévoit de la dépenser. Le profil du déplacé M. Akl, qui est originaire de Damour, s’étend longuement sur la question des déplacés, dont plus de 60% n’ont toujours pas regagné leurs foyers sept ans après la fin de la guerre. «J’ai lu l’exposé des motifs du budget dans tous les sens et je n’ai pas trouvé une seule fois le mot déplacé, dit-il. On ne mentionne ce dossier que lorsque l’on parle des «réalisations» accomplies sur ce plan. On nous promet 4 milliards de livres pour les déplacés. C’est une honte. La somme ne suffit pas. Un ami m’a dit qu’en février prochain, de l’argent allait affluer pour régler ce problème. Je ne connais pas l’origine de ce financement, mais je sais que seul le Parlement est habilité à débloquer des crédits». Selon M. Akl, il est impératif de définir le profil du déplacé afin que les crédits alloués à ce dossier ne soient pas dépensés à tort et à travers. M. Akl ouvre ensuite le dossier des biens maritimes. Il dénonce le fait que le projet de budget prévoit la location pour une période allant jusqu’à 50 ans de ces biens publics, ce qui équivaut à une vente pure et simple. Le président Hariri qui montrait depuis un certain temps des signes de nervosité l’interrompt. «Je souhaiterais rectifier quelques informations», dit-il en se retournant vers le président Berry. Sans attendre la réponse du chef du législatif, il poursuit: «Aujourd’hui, les biens maritimes sont loués année par année. Cela fait perdre au Trésor des milliards de livres...». «Vous ne pouvez pas interrompre un député pendant son intervention. J’accorderais au gouvernement une journée entière pour les réponses», lance M. Berry. «Faut-il attendre trois jours pour faire cette précision?», rétorque le chef du gouvernement. «Vous m’interrompez alors que vous n’êtes pas intervenu une seule fois lorsque Najah (Wakim) et Zaher (el-Khatib) se trouvaient à la tribune», souligne M. Akl. M. Hariri se laisse convaincre et le député poursuit son allocution. «Le littoral fait partie du patrimoine. Dans tous les pays du monde, on essaye de le préserver. Au Liban on veut le vendre, affirme-t-il. Je veux prévenir mes collègues de Baalbeck: faites attention à la citadelle. Abou Maarouf (Moustapha Saad) aussi doit garder un œil sur les vestiges de Saïda et Emile Naufal sur ceux de Jbeil. Qui sait, on pourrait les vendre? ». — «Pourquoi est-ce que vous avez oublié Tyr?» lance M. Berry. — «La ville est entre de bonnes mains», répond M. Akl. — «Ne soyez pas si sûr de ce que vous dites», ajoute le chef du Législatif. Selon M. Akl, le règlement de la crise au Liban passe par trois conditions: l’arrêt du plan qui consiste à faire du Liban un paradis fiscal, la collecte de l’argent public des biens maritimes et enfin le prélèvement de 10% sur l’intérêt accordé sur les bons du Trésor. Le député du Chouf annonce enfin que le bloc de la lutte nationale dirigé par M. Walid Joumblatt ne votera pas en faveur du projet de budget qui «ignore le problème central des déplacés». Cours magistral de «sciences po» Lorsque M. Marwan Farès monte à la tribune, il y a déjà plusieurs centaines d’étudiants massés devant le Parlement. D’une voix claire et nette, le député de Baalbeck tente de capter l’attention de ses collègues qui semblent plus intéressés par les slogans estudiantins qui résonnent dans l’hémicycle. «La plus grande partie du budget est consacrée au service de la dette et aux salaires des fonctionnaires, déclare M. Farès. Et puisque le projet de redressement du pays est basé sur l’emprunt, c’est la politique d’endettement qu’il faut examiner et non pas le budget». Le député se lance alors dans une longue explication qui prend la tournure d’un cours magistral de «sciences po», selon le mot d’un de ses collègues. Visiblement, M. Farès est un adepte de «l’opposition constructive». Ses critiques à l’adresse des orientations de l’Exécutif sont rares et timides. La «liberté» n’est pas absente du discours du député du Parti syrien national social (PSNS) et la présence des étudiants protestataires à l’extérieur du Parlement est pour lui une source d’inspiration: «Pourquoi est-ce que les étudiants et les ouvriers manifestent devant la Chambre? Parce qu’ils estiment que ce lieu est la garantie de leur liberté et de la pensée libre». Le «cours de sciences politiques» se poursuit pendant une demi- heure et M. Farès cède ensuite sa place à M. Hassan Alawiyé qui augmente d’un cran le ton critique à l’adresse du gouvernement. Mais M. Hariri n’écoute pas. Il se dirige vers les sièges des députés et s’installe près de M. Robert Ghanem avec qui il entame une discussion animée. Manifestations estudiantines obligent, M. Alawiyé met l’accent sur la nécessité de consolider l’Université libanaise et d’améliorer la situation des professeurs de l’UL. Pour M. Michel Pharaon, «il ne peut y avoir de solution au problème de la dette sans une amélioration de la perception, l’adoption d’une politique d’austérité et l’arrêt du gaspillage dans les administrations de l’Etat. Il est nécessaire de trouver de nouvelles sources pour les recettes afin de réduire le déficit et de sauvegarder la crédibilité financière du Liban dans les milieux internationaux». Toutes ces mesures doivent se faire, selon lui, sans limiter les revenus des citoyens et réduire les prestations sociales. M. Pharaon, qui est membre du bloc parlementaire du président Hariri, déclare que le projet de budget a été élaboré «dans un esprit responsable et sérieux, ce qui a permis d’économiser 80 milliards de livres». Le député de Beyrouth insiste sur la nécessité de régler le problème des déplacés et de respecter les échéances électorales qui attendent le Liban. Sur le plan de l’audiovisuel, M. Pharaon recommande à la commission ministérielle concernée de moderniser les législations en prenant en considération les progrès technologiques. Les rôles inversés Plus les rangs des étudiants grossissent à l’extérieur du Parlement, plus le nombre de députés diminue dans l’hémicycle. Les parlementaires préfèrent aller à la chasse aux nouvelles dans les couloirs et écouter les slogans, parfois sévères, scandés par les manifestants. Pour une fois, les rôles sont inversés et se sont les députés qui courtisent les journalistes afin d’obtenir des détails sur «l’atmosphère qui règne dans la rue». Dès qu’un ministre apparaît sur le perron du Parlement, il est hué par des centaines de voix. Certains députés sont très populaires parmi les étudiants. C’est le cas de Zaher el-Khatib, Najah Wakim... Protégé des regards des étudiants dans l’entrée du Parlement, le ministre de l’Information, M. Bassem el-Sabeh, discute avec un groupe de journalistes. Il prend soin de ne pas apparaître à travers la porte vitrée qui mène sur la Place de l’Etoile. C’est dans ces circonstances que M. Hussein Hajj-Hassan monte à la tribune. Le député membre du bloc du Hezbollah cherche à faire de «l’opposition constructive», tout en dénonçant le déficit enregistré au cours de l’année 97. M. Hajj-Hassan réitère ensuite le refus de son bloc des augmentations prévues dans l’annexe numéro 9 et présente plusieurs suggestions destinées, selon lui, à réduire le déficit budgétaire. Il parle notamment d’une révision de la politique des taxes, de manière à adopter le principe de l’impôt progressif. Il parle aussi d’une meilleure collecte des impôts et taxes et d’une reprise en main par l’Etat du secteur pétrolier, qui pourrait rapporter d’importantes recettes. M. Hajj-Hassan s’insurge ensuite contre le nombre grandissant de scandales financiers, portant sur les biens publics, tout en se demandant pourquoi les enquêtes menées à ce sujet n’aboutissent qu’à l’arrestation de sous-fifres, quand elles aboutissent. Le député Fayçal Daoud se demande où sont passés les revenus rapportés par les nouvelles taxes imposées récemment. M. Daoud énumère ensuite une série de promesses non tenues avant de déclarer: «Nous en sommes encore à l’Etat-ferme. Mais nous lutterons pour l’instauration de l’Etat de droit. Je suis contre cette loi sur le budget et nous attendons son annulation par le Conseil constitutionnel. Il en va de sa crédibilité». L’ancien président de la Chambre, M. Hussein Husseini, approuve vigoureusement. Troïka contre démocratie M. Pierre Daccache prend ensuite la parole et prononce un discours émaillé de vers poétiques, comme pour rendre la réalité moins amère. «Nous accueillons, dit-il, l’année nouvelle, la tristesse au cœur, tant nos espoirs ont été piétinés... Mais finalement et au bout de 5 ans, le gouvernement reconnaît l’existence d’une crise, même s’il se cache, à tort, derrière l’héritage du passé». Tout en rendant hommage à la commission parlementaire des Finances, M. Daccache précise que le système de la troïka entrave l’application des règles démocratiques. Le député de Baabda explique ensuite que les chiffres figurant dans l’exposé des motifs présenté par le gouvernement ne sont pas précis. C’est pourquoi il se demande comment il pourrait accorder foi aux promesses du gouvernement. Selon lui, alors que le gouvernement annonce un taux de croissance de 4%, celui-ci n’aurait pas dépassé les 2% en 96 et serait inférieur à 2% en 97... M. Daccache précise que la crise économique et tout ce qui en découle ne peuvent être résolus sans une participation nationale véritable au pouvoir, la seule capable de rétablir la confiance du peuple. Selon lui, la confiance est un élément essentiel dans la reconstruction, l’encouragement des investissements et la croissance économique. M. Daccache souligne les éléments qui à ses yeux augmentent le fossé entre le peuple et ses gouvernants. Il parle ainsi des violations de la liberté d’expression et de la politique incohérente du gouvernement en matière d’information, surtout en ce qui concerne les médias audiovisuels. M. Daccache aborde ensuite l’interdiction par le gouvernement de toute manifestation, critiquant violemment cette décision, avant d’évoquer la situation désastreuse des prisons qui transforme «la détention en peine de mort à petit feu». Il dénonce les atteintes au droit du citoyen à un environnement sain et les lacunes dans le projet du retour des déplacés et il conclut en annonçant que conformément à ses précédentes positions, il s’opposera à la loi sur le budget. «Seul un gouvernement d’entente nationale peut sortir le pays de la crise actuelle», lance-t-il avant de regagner sa place. M. Fayez Ghosn se veut bien plus modéré. Tout en trouvant des points positifs dans le projet de loi sur le budget, il se demande s’il est tout de même équilibré. Membre du mouvement Amal, M. Ali Khreiss axe la plus grande partie de son intervention sur la situation au Sud et les méfaits d’Israël dans cette région. Il énumère les récentes tentatives israéliennes d’entraîner le Liban dans des pièges sur le terrain et sur le plan diplomatique, avant de déclarer que le gouvernement doit placer en tête de ses priorités l’aide aux habitants du Sud. Il réclame des indemnités pour les maisons endommagées par Israël et une politique sociale plus poussée au Sud. Selon lui, la loi sur le budget doit être axée sur deux éléments: la libération du Sud et de la Békaa-Ouest et la consolidation de la paix civile. Pour Mme Nouhad Soueid, le gouvernement a enfin reconnu l’existence d’une crise économique, mais les solutions qu’il propose sont tardives et irréalistes. «Si le pouvoir avait appliqué sincèrement et avec transparence les principes adoptés à Taëf, il aurait pu éviter cette crise, dit-elle. L’équilibre politique n’est pas réalisé et la confiance des Libanais, sur place et à l’étranger, dans leur pays, s’en ressent». Mme Soueid se demande aussi pourquoi le conseil économique et social n’a toujours pas été formé. Et elle ajoute que de toute façon, la crise économique n’est que l’une des facettes de la crise globale que traverse le pays. De son côté, M. Tammam Salam ne cache pas son inquiétude de voir cette année se terminer comme les précédentes. D’autant que les tentatives de mettre un terme au déficit budgétaire sont venues un peu tard, lorsque les responsables ont appris que le déficit de l’année 97 atteint les 60% alors que leurs prévisions parlaient de 37% seulement. Evoquant les détails du projet gouvernemental, M. Salam déclare qu’il ne voit pas là une stratégie claire et un plan global. Selon lui, ce sont pourtant des éléments nécessaires si le gouvernement veut mettre un frein à la crise. «Il faut une échelle des priorités claires qui tienne compte de la situation du Liban et des considérations régionales ainsi que de l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix», ajoute-t-il. M. Jacques Tchoukhadarian affirme qu’il aurait souhaité faire l’éloge du gouvernement, mais les chiffres qu’il a devant lui, le poussent à la prudence. Tout en exprimant sa foi dans les bonnes intentions du gouvernement, il fait quelques remarques sur le projet de budget. Il dénonce ainsi le projet de nouvelles taxes sur la mécanique des voitures, critique l’absence d’intérêt gouvernemental pour les questions de l’environnement et évoque les droits de la communauté arménienne. A 15h10, le président de la Chambre lève la séance et la moitié de la République se rend au palais de Baabda pour prendre part à l’iftar offert par le chef de l’Etat. Après s’être barricadés toute la matinée dans l’enceinte du Parlement, ministres et députés posent prudemment le pied dehors...ouf! Les étudiants ne sont plus là... Timide contre-attaque des loyalistes La séance nocturne commence à 19h15. Malmené la matinée, le gouvernement lance en soirée une contre-offensive qui s’avère cependant être infructueuse. C’est M. Adnane Arakji, membre du bloc du président Hariri, qui ouvre les hostilités. «Ils ont piétiné le budget et le gouvernement comme cela n’a jamais été fait, s’écrie-t-il. De même qu’il est permis à l’opposition de critiquer, les loyalistes aussi doivent avoir le droit de répondre lorsque les critiques dépassent le seuil de la politesse, d’autant que les chiffres avancés par l’opposition sont faux et imprécis. Il y a au Liban une poignée de députés spécialistes dans tous les domaines: la médecine, le génie, l’agriculture...». Cette petite guerre psychologique provoque des éclats de rire dans l’hémicycle. «Bis, bis, bis», lancent quelques parlementaires. M. Arakji ne se fait pas prier deux fois et recommence sa phrase. Il énumère ensuite «les énormes réalisations du gouvernement» sur tous les plans, mais demande à l’Exécutif de revoir à la baisse les taxes de l’annexe 9. Il conclut en affirmant que «les paroles de certains sont d’une telle gravité qu’elles stoppent les investissements et découragent les émigrés de rentrer chez eux». Mais l’opposition ne l’entend pas de cette oreille. Un des principaux détracteurs de M. Hariri, M. Moustapha Saad, prend place à la tribune et entame une critique méthodique de la politique financière du gouvernement. Le député de Saïda, qui a perdu la vue dans un attentat en 1985, a dû mémoriser son allocution, essentiellement axée sur le déficit budgétaire. Il évoque aussi la corruption qui sévit dans le pays «de l’aveu même des trois présidents, du ministre Mohsen Dalloul et de M. Walid Joumblatt qui a déclaré que chaque société tenait deux livres de comptes différents. Nous souhaiterions que le président Hariri nous informe du volume du gaspillage et de la corruption dans le pays». Une trêve s’installe lorsque M. Misbah Ahdab prend la parole. M. Ibrahim Amine Sayyed entame son intervention par un vibrant hommage à la résistance et aux détenus dans les prisons israéliennes. Le député du Hezbollah affirme l’engagement de son parti à faire face à toute ligne politique qui pourrait «porter atteinte aux acquis des dernières années» sur le plan de l’alliance avec la Syrie, l’unité nationale et la résistance. — M. Sayyed lie l’acceptation par son parti du projet de budget à trois conditions: — L’intégration dans le projet des 150 milliards de livres que le gouvernement a promis de débloquer pour la région de Baalbeck-Hermel. — Le suppression de toutes les surtaxes. — L’arrêt de l’endettement, notamment l’emprunt de deux milliards de dollars que l’Exécutif projette de contracter sur le marché international. «Je peux dès maintenant vous dire que ces conditions ne se réaliseront pas», déclare M. Berry. «Nous voterons contre», rétorque le député. La déconstruction du projet de budget De toutes les interventions, celle de M. Nassib Lahoud est la plus sévère et la mieux argumentée. Selon le député du Metn, le gouvernement, à travers le projet du budget, sousestime les «capacités mentales des gens». «Malheureusement, l’exposé des motifs est, comme d’habitude, un moyen pour camoufler les réalités et pour redorer l’image du gouvernement, dit-il. Le premier chapitre de l’exposé indique que 51% des dépenses des cinq dernières années étaient consacrées au social, à l’éducation, au sanitaire et à la sécurité (...) Ce mélange entre des secteurs qui n’ont rien à voir est voulu. Il n’ y a pas de lien entre le social et la sécurité. Dans le dernier rapport sur la progression des travaux élaboré par le CDR, le secteur social n’a obtenu que 486 millions de dollars sur les 3812 millions investis en cinq ans. Soit 13% contre 68% pour les projets d’infrastructure. L’industrie, l’agriculture et l’irrigation n’ont reçu que 0,8% des investissements. La répartition est donc la suivante: 68% pour l’infrastructure, soit 2592 millions de dollars, 13% pour le social et l’éducation, soit 486 millions et 0,8% pour l’industrie, l’agriculture et l’irrigation, c’est- à-dire 30 millions». Autre fonction de l’exposé des motifs, selon M. Lahoud, donner une image positive de l’économie en crise. La plupart des indices exprimés dans le texte portent sur toute l’année 1997, sauf ceux de la balance des paiements qui parlent d’un excédent de 800 millions de dollars. Or ce chiffre couvre la période allant de janvier à octobre. Pour toute l’année, l’excédent serait seulement de 400 millions de dollars. Selon M. Lahoud, «le gouvernement n’a pas osé avancer un chiffre concernant la croissance prévue cette année, comme cela doit être le cas dans les budgets des Etats crédibles. Nous aimerions dès lors savoir comment il a pu établir des prévisions des recettes et des dépenses qui sont directement liés à l’indice de croissance». Visiblement, les propos de M. Lahoud gênent le gouvernement. Le ministre d’Etat chargé des Finances, M. Fouad Siniora, tente de l’interrompre à plusieurs reprises avant d’être rappelé à l’ordre par le président de la Chambre. M. Siniora prend frénétiquement des notes et à un certain moment, M. Hariri s’y met aussi. Le député du Metn ajoute que la liste des taxes prévues traduit «une méconnaissance totale de la part du gouvernement des réalités socio-économiques. 66% des Libanais sont des salariés et des employés, selon les statistiques du ministère des Affaires sociales. Cela veut dire que les deux tiers de la population vivent du salaire qu’ils touchent à la fin du mois. Le gouvernement sait-il que le salaire moyen est de 561 mille livres conformément à l’étude réalisée dernièrement par l’Institut national de l’emploi. Les revenus des ouvriers, des fonctionnaires et employés et des agriculteurs se sont-ils améliorés récemment pour que l’Exécutif se permette de leur imposer de nouvelles taxes?», s’interroge le député. M. Lahoud souligne en outre que la part des investissements dans le produit national est passée de 33% en 1995 à 30% l’année suivante. «Nous prévoyons une nouvelle baisse en 1997 pour atteindre 26,7%», dit-il. M. Berry sort et c’est le député Chaker Abou Sleiman qui préside la séance. Plus personne ne semble vouloir commenter le projet de budget. M. Ghassan Achkar note que le débat est devenu répétitif et dit vouloir commenter le processus de reconstruction et de développement. Son seul commentaire sur le projet de budget est qu’il va être voté «car nous avons besoin d’un budget». L’intervention de M. Jamil Chammas surprend et amuse: «Après les perles que nous avons entendues au cours des deux derniers jours, en raison des commentaires de la population au sujet de ce show et par respect pour l’intelligence des Libanais, je vais terminer mon discours par la phrase que les Libanais aspirent à entendre dès que l’un de nous commence à parler: vive le Liban». Il regagne son siège pendant que ses collègues s’esclaffent, applaudissent et le félicitent. Le député Rabiha Keyrouz ne l’entend pas de cette oreille, et souligne, dans un long exposé, la nécessité de jeter les bases d’une économie «saine et solide». L’intervention de M. Saleh el-Kheir, qui lui succède à la tribune, est un pot-pourri. Le parlementaire constate notamment que le déficit budgétaire est appelé à s’aggraver cette année parce que la nouvelle échelle des salaires pour le secteur public va être votée en février «comme le chef du Parlement l’a promis». Et M. Berry d’approuver d’un «oui» retentissant. M. Kheir déplore la suspension des enquêtes ouvertes au sujet de certains scandales: «Savez-vous pourquoi? Parce que de grosses têtes sont impliquées dans ces scandales», déclare-t-il. Après un petit intermède qu’entraîne une boutade salée de M. Mahmoud Awad et que le chef du Législatif écourte par un sévère «restez poli» à l’adresse du député, M. Awad s’oppose au relèvement de la taxe sur le transfert des propriétés et propose l’imposition d’une taxe supplémentaire de 1% sur les nouveaux immeubles de luxe seulement. La séance est levée à 23h. Le débat budgétaire reprendra ce soir à 19h. Paul KHALIFEH
Au troisième jour du débat budgétaire, l’image s’est éclaircie hier Place de l’Etoile. Le bloc parlementaire de M. Walid Joumblatt, les députés du Hezbollah et M. Nassib Lahoud ont clairement annoncé qu’ils ne voteraient pas en faveur du projet de loi de Finances que le gouvernement s’efforce de défendre, souvent maladroitement, face aux attaques des opposants. La...