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Actualités - REPORTAGE

Le nouveau PDG a harangué hier le personnel de la compagnie MEA : l'enquête judiciaire se poursuit ... Et la compagnie se cherche un nouveau souffle

«La justice n’est pas un instrument que l’on utilise suivant sa convenance pour le ranger quand on n’en a plus besoin. Lorsqu’elle a à traiter une affaire, elle va jusqu’au bout». C’est ainsi que des sources judiciaires expliquent la détermination du Parquet à poursuivre l’enquête sur le contrat de location de 3 avions entre la MEA et la Singapore Airlines, signé le 4 juin dernier. Pourtant, la compagnie libanaise — victime ces derniers temps d’une vaste campagne de dénigrement — est dotée depuis vendredi d’un nouveau et dynamique conseil d’administration, formé de 7 membres, pour la plupart proches collaborateurs du gouverneur de la Banque centrale, et s’apprête ainsi à prendre un nouvel élan, surtout grâce à la présence, au sein de la nouvelle équipe, de M. Christian Blanc, ancien PDG d’Air France. Le nouveau conseil d’administration a d’ailleurs tenu hier une réunion en présence de tous ses membres et du directeur général de la compagnie, M. Youssef Lahoud, qui a été maintenu à son poste, malgré les derniers changements au sein de la compagnie. M. Lahoud avait été convoqué à plusieurs reprises au Palais de justice pour les besoins de l’enquête menée par le Parquet et le fait de le maintenir dans ses fonctions a été perçu comme une preuve de son intégrité et de sa compétence aux yeux de la compagnie et de son bailleur de fonds, la Banque centrale. Le conseil d’administration a examiné plusieurs points importants relatifs au fonctionnement de la société, ralenti depuis l’ouverture de l’enquête judiciaire. Le nouveau PDG de la MEA, M. Mohamed el-Hout, un ancien fonctionnaire de la Banque centrale, a décidé notamment de prendre en charge les permutations internes et les problèmes du personnel, au moins dans une première étape. Il a ensuite réuni les employés, dans l’immense hangar externe, venteux et froid, afin de les informer de son plan de travail. Il leur a notamment déclaré que la compagnie ne licenciera personne mais qu’elle compte désormais châtier ceux qui ne respectent pas le règlement ou qui faillissent à leurs obligations. Le déficit de 97: 53 millions de dollars M. Christian Blanc — qui est aussi conseiller du gouverneur de la Banque centrale, M. Riad Salamé, qu’il avait rencontré à Paris — est de son côté chargé de trouver les moyens de rendre compétitive la MEA, actuellement dans une situation financière désastreuse. C’est un peu ce qu’il avait fait avec Air France. Mais il avait prévu de privatiser progressivement la compagnie française. Compte-t-il en faire de même avec la MEA? Les personnes concernées par la compagnie libanaise pensent qu’une telle question est prématurée. Selon elles, pour l’instant, si les actions de la MEA étaient proposées à la vente, nul ne les achèterait, tant est grand le déficit dont souffre la compagnie (53 millions de dollars en 97). La priorité est donc à son redressement. Et les mêmes sources pensent que M. Blanc ne pourra pas faire un diagnostic avant un mois au minimum. C’est d’ailleurs ce même déficit qui a été hier au cœur des investigations du chef de la brigade criminelle, le général Béchara Salem, sous la supervision du procureur Addoum. En effet, depuis qu’il a reçu une note d’information de la Banque centrale, au début du mois de novembre, pour l’ouverture d’une enquête judiciaire sur un contrat de bail de trois avions de type Airbus, jugé défavorable à la MEA, le Parquet essaie de déterminer les raisons qui ont poussé l’ancien PDG de la MEA, M. Khaled Salam, à signer un tel contrat. Il poursuit ses investigations, bien que la Banque centrale ait retiré sa note d’information, à la demande de la Singapore Airlines qui aurait posé cette condition lors de la renégociation du contrat. Hier, c’est un homme seul qui s’est présenté au greffe du Parquet. M. Khaled Salam, qui pendant toutes les précédentes séances d’investigations, réussissait à garder le sourire, est arrivé hier le visage fermé et l’air révolté. Accompagné de son fils Sélim et de leur avocat, Me Georges Alouf, il est resté dans un coin du bureau, enfermé dans sa rancœur et même son téléphone mobile est resté le plus souvent silencieux. A une question de «L’Orient-Le Jour», il a précisé que lorsque l’enquête sera clôturée, il tiendra une conférence de presse pour «s’adresser à l’opinion publique». Dans toutes les directions Mais, pour l’instant, le Parquet n’a visiblement pas l’intention de clôturer son enquête. Au contraire, il poursuit ses investigations dans toutes les directions, afin d’épuiser toutes les pistes. Le général Salem a ainsi axé les questions posées à M. Khaled Salam sur les clauses du contrat renégocié, cherchant à savoir comment il avait pu accepter des conditions défavorables pour la compagnie qu’il dirige. Mais, selon des sources judiciaires, M. Salam aurait répondu qu’il n’a pas encore pris connaissance des clauses du nouveau contrat. Et il a demandé un délai de 48 heures pour se procurer une copie de ce texte. Le général Salem a aussi entendu M. Kamal Accad, responsable des Finances de la compagnie. Selon des sources judiciaires, celui-ci aurait reconnu que la compagnie a eu, au cours de l’année 97, un déficit de 53 millions de dollars. Selon lui, ce déficit aurait principalement quatre causes: un surplus d’employés; le fait que celui qui commet une faute n’est pas puni, parce que la plupart des embauches sont effectuées pour des raisons politiques et non professionnelles; le fait que les services accordés par la MEA à ses passagers sont insuffisants, ce qui pousse les voyageurs à lui préférer d’autres compagnies et, enfin, la possession des avions Jumbo, qui sont très coûteux (étant vieux, leur entretien coûterait très cher) et peu rentables pour la compagnie, puisqu’ils ne fonctionneraient qu’une saison par an. Selon les mêmes sources, M. Accad aurait aussi déclaré que, pour l’année 97, les recettes de la compagnie se seraient élevées à 250 millions de dollars. Toutes ces données, si elles se révèlent exactes, permettraient d’écarter l’hypothèse du gaspillage et peut-être de détournements de fonds au sein de la compagnie. Mais si le Parquet réussit à prouver le contraire, il pourrait alors engager des poursuites contre le coupable présumé, car le détournement de fonds, même privés, est un délit pénal. Le Parquet essaie aussi de savoir s’il y a eu falsification des procès-verbaux de certaines réunions du précédent conseil d’administration. Ce qui, jusqu’à présent, et malgré l’audition du secrétaire général du conseil, M. Elias Baz, n’a pu être établi. Le général Salem a ainsi convoqué pour demain, jeudi, M. Mansour Bardawil, responsable de la planification au sein de la compagnie et M. Joseph Fadl, contrôleur financier, ainsi que le représentant d’Air France au sein du précédent conseil d’administration, M. Jean Pierre Hosse, qui se trouve toutefois hors du Liban. Naturellement, les Salam, père et fils, sont aussi convoqués, ainsi que M. Youssef Lahoud, désormais reconduit dans ses fonctions. De la sorte, le Parquet aura pratiquement entendu toutes les personnes concernées de près ou de loin par le contrat renégocié et il sera alors en mesure de publier ses conclusions: soit il trouve un délit pénal et il engage des poursuites contre le coupable présumé, soit il classe le dossier ...et la MEA prendra son envol. Scarlett HADDAD
«La justice n’est pas un instrument que l’on utilise suivant sa convenance pour le ranger quand on n’en a plus besoin. Lorsqu’elle a à traiter une affaire, elle va jusqu’au bout». C’est ainsi que des sources judiciaires expliquent la détermination du Parquet à poursuivre l’enquête sur le contrat de location de 3 avions entre la MEA et la Singapore Airlines, signé...