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Actualités - ANALYSE

L'attitude de Tel-Aviv dictée par des facteurs militaires internes et internationaux La nouvelle position de l'Etat hébreu pourrait préluder à des bouleversements

L’acceptation conditionnelle par Israël de la résolution 425 de l’ONU stipulant un retrait «total, immédiat et sans délai» du Liban-Sud fait l’objet d’une analyse profonde chez les différentes parties concernées. Qu’Israël ait décidé d’inclure dans son vocabulaire diplomatique officiel ces trois chiffres constitue sans aucun doute un développement nouveau. En effet, depuis l’adoption de cette résolution en 1978, l’Etat hébreu n’a presque jamais fait mention de la 425, comme si ce texte, voté par la plus haute instance internationale, n’existait pas. Mais c’est faire preuve d’une méconnaissance affligeante de la «mentalité politique» israélienne que de penser que l’Etat hébreu n’a qu’une envie, celle de se retirer aujourd’hui plutôt que demain, et sans condition, de la zone qu’il occupe au Sud. La meilleure réponse à tous ceux qui, au Liban et ailleurs, ont dénoncé le refus de Beyrouth d’accueillir favorablement «l’acceptation par Israël de la 425» est venue du ministre français des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine. Fallait-il que le chef du Quai d’Orsay le souligne pour que certains hommes politiques — et journalistes — libanais se rendent compte que la proposition israélienne s’accompagne de conditions qui vident pratiquement de son contenu la résolution onusienne? «Pour le moment, l’acceptation par Israël de la 425 est assortie de multiples conditions qui ne figurent pas dans cette résolution», a déclaré M. Védrine. Pour les amnésiques, il serait utile de rappeler qu’aussi bien le ministre de la Défense que le premier ministre israéliens ont précisé que la mise en oeuvre de la 425 doit être précédée d’arrangements avec le Liban concernant l’avenir de la milice du Liban-Sud — ne s’agit-il pas d’une ingérence dans les affaires internes libanaises? — et des modalités de déploiement de l’armée libanaise pour assurer la protection de la Galilée. S’il fallait taxer de «précipitation» la réaction des officiels à l’égard de la nouvelle position israélienne, celle de certains hommes politiques qui ne sont pas au pouvoir n’est pas plus pondérée. Quoi qu’il en soit, il y a dans l’attitude israélienne un élément nouveau que M. Védrine qualifie de «bon début». Cette lecture de la situation rejoint celle du ministre des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz, qui souligne ce changement, en indiquant cependant qu’il a fallu 20 ans pour en arriver là. Faut-il attendre un autre quart de siècle avant que l’Etat hébreu accepte la 425 sans condition? Trois facteurs Mais à quoi est dû ce léger progrès enregistré au niveau du lexique politique israélien? Selon des sources diplomatiques françaises, trois facteurs dictent la nouvelle attitude israélienne: militaire, interne (à Israël) et international. Sur le plan militaire, l’armée d’occupation israélienne subit au Liban-Sud une véritable guerre d’usure, un «petit Vietnam», comme l’a décrit M. Boueiz. Toutes les méthodes mises en œuvre pour tenter de briser la résistance ont échoué. Le rétrécissement de la ligne de front, la réduction du nombre des patrouilles, les bombardements massifs, les offensives aériennes, les opérations spéciales et ponctuelles n’ont pas réussi à protéger les occupants contre le harcèlement de la résistance. L’armée israélienne ne peut plus supporter les pertes qui ont atteint l’année dernière le chiffre record de 42 morts et plusieurs dizaines de blessés. Concernant le second facteur (toujours selon la source diplomatique française), un mouvement d’opinion contre l’occupation du Liban-Sud, animé par les mères des soldats envoyés au front et — récemment — par un des chefs du parti travailliste, Yossi Beilin, s’est formé en Israël. Il devient tous les jours plus puissant. En annonçant enfin sa disposition à retirer son armée du Liban-Sud et à accepter la 425, M. Benjamin Netanyahu jette du lest pour faire baisser les pressions exercées sur lui par la communauté internationale... pour mieux durcir sa position sur le dossier palestinien en Cisjordanie qui reste à ses yeux le principal danger guettant Israël. Le Hezbollah croit à un retrait Beyrouth, Damas, Paris, Washington et... le Hezbollah suivent avec une attention particulière ces derniers développements. Au sein de la direction du parti islamiste, une opinion s’est formée à ce sujet: un retrait israélien du Liban-Sud, notamment de Jezzine (qui n’est pas concerné par la 425), est plus que probable et pourrait même intervenir dans les prochains mois. Selon un haut responsable du parti, les prémices de ce retrait ont commencé à apparaître l’été dernier lorsque la milice de l’ALS a abandonné ses positions à Rimat qui fait face à l’Iqlim el-Touffah, évacuant du coup la localité de Saïdoun et les hameaux environnants. Il s’agit en fait d’un des verrous conduisant à Jezzine du côté de l’est de Saïda. Seul un remblai de terre sépare Rimat de l’Iqlim. Même situation à Heytoura, un peu plus au nord. L’unique barrage occupé par des miliciens de l’ALS et reliant l’est de Saïda à Jezzine est celui de Sfaray (Machnaka). Il se situe à 15 minutes de la ville de Jezzine. Déjà il y a deux ans, l’ALS avait évacué sa position de Bisri constituant un des axes Jezzine-Chouf. Là aussi, un simple remblai de terre sans surveillance sépare les deux régions. La première position occupée par des Israéliens se trouve à Kfarhouna qui est aujourd’hui attaqué à partir de l’Iqlim el-Touffah. Mais selon des sources concordantes, un éventuel retrait de Jezzine rendrait cette position ouverte devant deux nouveaux fronts: la Békaa-Ouest et Jezzine. Kfarhouna deviendrait alors intenable et les lignes de ravitaillement des Israéliens seraient très vulnérables. Logiquement, s’il y a retrait de Jezzine, les Israéliens seraient aussi obligés d’abandonner Kfarhouna et de se replier sur la région de Tal-Nhas sur les hauteurs du sud de Marjeyoun. Quelle serait l’attitude du Hezbollah en cas de retrait israélien partiel? Selon la même source, le parti adoptera la stratégie qu’il applique dans toutes les autres régions du Liban-Sud non occupées (Tyr, Nabatiyé et une partie des cazas de Bint-Jbeil et de Marjeyoun). C’est-à-dire que sa présence sera discrète, voire «invisible», mais il n’est pas question de faire de Jezzine une région «neutre». Quand la résistance jugera qu’une attaque doit être menée à partir de cette région, elle le fera sans hésitation. «Les habitants de Jezzine sont nos frères. Ils n’ont rien à craindre», précise un responsable du parti. Pour encourager les désertions au sein de l’ALS et rassurer les habitants en prévision d’un éventuel retrait de Jezzine, un des députés du Hezbollah a dernièrement soumis à la Chambre une proposition de loi visant à alléger et simplifier les procédures mises en œuvre lorsque des miliciens se rendent aux autorités légales. De ces différentes analyses, il ressort que des développements dramatiques au Sud sont plus probables que jamais au cours des prochains mois. Un retrait est possible...mais la résistance se poursuivra, comme pour rappeler que le sort du Liban-Sud est étroitement lié à celui du Golan. Quelle sera alors la réaction d’Israël? Nul ne peut le savoir. Paul KHALIFEH
L’acceptation conditionnelle par Israël de la résolution 425 de l’ONU stipulant un retrait «total, immédiat et sans délai» du Liban-Sud fait l’objet d’une analyse profonde chez les différentes parties concernées. Qu’Israël ait décidé d’inclure dans son vocabulaire diplomatique officiel ces trois chiffres constitue sans aucun doute un développement nouveau. En...