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Actualités - ANALYSE

Ryad : le don... de prêter

Encore une fois la binationalité de M. Rafic Hariri se trouve mise au service des finances publiques libanaises. Pour soutenir la Banque centrale dans ses œuvres pies — la sauvegarde de la livre — Ryad lui confie 600 millions de dollars pour trois ans. Tout le monde s’accorde à qualifier cette prestation de «dépôt», terme qui brille en fait par son flou: s’agit-il d’une avance de Trésor sans frais, d’un prêt privilégié d’Etat à Etat à moins de 3% d’intérêt, d’un prêt commercial de banque à banque ou… d’un don pudiquement camouflé et qu’on oubliera de jamais réclamer?
En tout cas, même le président de la Chambre, M. Nabih Berry, qui n’est pas spécialement séoudophile, a salué le geste de la dynastie wahhabite. M. Hariri pour sa part n’a pas eu assez de mots pour remercier le Royaume. Une double satisfaction qui fait dresser l’oreille à l’opposition «ne dirait-on pas, persifle un ancien ministre, que ces messieurs se frottent les mains devant cette rallonge inespérée de fonds à dépenser…» Insinuation gratuite car ces 600 millions ne sont pas du tout destinés à la consommation boulimique du Pouvoir ou de l’Administration, étant réservés à la seule défense éventuelle de la monnaie nationale contre les attaques des spéculateurs.
Quoi qu’il en soit M. Hariri, qui connaît ses usages, a évité de se vanter (mais ses proches ne s’en sont pas abstenus) du coup ainsi réalisé, laissant entendre que l’Arabie Séoudite n’a pas besoin d’être sollicitée pour aider le Liban et ajoutant que de la sorte, elle manifeste sa confiance dans ce pays et dans sa situation économique. Ce qui est quand même pousser un peu loin la chansonnette «car, rappelle un opposant, ces 600 millions ne risquent rien vu qu’ils sont confiés à une Banque solvable qui a du liquide et même du solide: de l’or qui vaut à lui tout seul 3 milliards de dollars. Et si à Dieu ne plaise nous devions faire faillite, ce ne sont pas ces 600 millions de dollars qui vont ruiner Fahd, ses frères, ses cousins et ses neveux…»
Et de s’inquiéter ensuite «de ce recours qui signifie dans sa finalité que les milliards de dollars dont la Banque centrale dispose risquent de ne pas être suffisants pour protéger la livre… La stabilité monétaire, ce point fort du règne Hariri, va-t-elle se trouver battue en brèche cette année, après avoir résisté pendant cinq ans?»
Cette même source estime cependant que «l’incidence a une portée, du reste limitée, politique plutôt qu’économique. Dans ce sens que si l’Arabie Séoudite avait voulu vraiment aider le Liban à se dégager de l’ornière une bonne fois pour toutes c’est à coups de milliards de dollars et non de quelques centaines de millions qu’elle aurait opéré. C’est bien ce qu’elle a fait avec la Bosnie, à laquelle elle a offert au sortir de sa guerre cinq bons milliards de billets verts. Tout ce que Ryad consent à faire aujourd’hui ici c’est de donner un coup de pouce à M. Rafic Hariri qui se trouve comme on sait en position politique inconfortable, à cause de ses difficultés de gestion et de budget général, les chiffres confirmant qu’il a échoué dans ce qu’il présente comme sa spécialité, l’économie. Cinq ans après son avènement, notre dette publique a quintuplé, pour atteindre les 13 milliards de dollars, et on ne compte pas les intérêts qu’il faut payer chaque année. L’aide séoudienne va sans doute permettre à M. Hariri de souffler un peu et, après l’adoption du budget à la Chambre, de tenter de remettre sur le tapis «son» projet de développement dit des huit cent millions de dollars. Après quoi il aurait regagné suffisamment de popularité pour être en bonne position de consultant lors des présidentielles… Si tant est que les décideurs ne le larguent pas d’ici là, car on peut justement penser que c’est dans cette même perspective que le don séoudien a été fait, sur recommandation probable des Américains».
Un homme d’affaires, abordant pour sa part l’aspect technique de l’affaire des 600 millions s’étonne qu’on la qualifie officiellement de dépôt «non de créance, de prêt ou carrément de don. Le mot de dépôt, souligne-t-il, peut en effet vouloir dire n’importe quoi. Il faut en tout cas espérer que la crise financière et boursière du sud-est asiatique n’arrive pas jusque dans cette région et ne mette pas en difficulté les producteurs de pétrole eux-mêmes, car un «dépôt» peut être repris à tout moment, même s’il y a un délai prévu initialement, ce qui n’est le cas ni pour un prêt ni, évidemment pour un don».

Ph.A-A.
Encore une fois la binationalité de M. Rafic Hariri se trouve mise au service des finances publiques libanaises. Pour soutenir la Banque centrale dans ses œuvres pies — la sauvegarde de la livre — Ryad lui confie 600 millions de dollars pour trois ans. Tout le monde s’accorde à qualifier cette prestation de «dépôt», terme qui brille en fait par son flou: s’agit-il...