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Actualités - REPORTAGE

Aucune solution radicale au problème de la pollution A Dora, Achrafieh et Sin El-Fil, on continuera à se boucher le nez

Depuis la mi-novembre, les habitants de la banlieue-est de Beyrouth inhalent en fin d’après-midi un air chargé de puanteur. Tous les soirs, à partir de 17 heures, une odeur nauséabonde enveloppe les régions de Dora, de la Quarantaine, d’Achrafieh, voire même de Sin el-Fil. Tout en tentant de se protéger en vain des effluves, habitants, passants ou visiteurs se demandent si la région a été transformée en un immense dépotoir d’ordures.

Le ministère de l’Environnement a tenté de régler le problème en établissant un plan d’urgence qui consiste uniquement à réduire les odeurs nauséabondes et non pas à apporter une solution radicale au problème en en supprimant les causes. M. Nabil Abou Ghanem, attaché de presse au ministère de l’Environnement, qualifie la région de «zone sinistrée» et ajoute que «plusieurs projets seront réalisés pour mettre un terme aux problèmes de pollution qui empoisonnent ce secteur».
La région de la Quarantaine regroupe, selon le ministère de l’Environnement, une dizaine de sources de pollution qui dégagent toutes des odeurs nauséabondes: un dépotoir d’ordures à Bourj Hammoud, une usine de traitement des déchets à la Quarantaine, une usine de compostage à Nahr Beyrouth, un dépôt d’ordures à la Quarantaine, trois canalisations d’eaux usées à ciel ouvert, un marécage d’eaux usées et un nouveau chantier au port où on a déterré plusieurs mètres cubes de déchets datant des années 80, sans compter les usines installées dans la région, qui n’obéissent pas aux normes antipollution.
M. Akram Chéhayeb, ministre de l’Environnement, déclare que «les odeurs sont dues essentiellement à trois facteurs: la saturation du hangar de la Quarantaine, le dépotoir de Bourj Hammoud et les eaux usées à ciel ouvert».
Le hangar de la Quarantaine était sursaturé de balles (paquets remplis de déchets). Ce hangar a servi de dépotoir de balles quand l’usine d’Amroussié n’était pas fonctionnelle l’été dernier. Les ordures d’Amroussié y sont restées donc entreposées durant plus de trois mois. «La plupart de ses ordures n’étaient pas triées», déclare le conseiller technique auprès du ministère de l’Environnement, M. Zahi Abou Mansour. Et de noter que «la nouvelle usine de compostage, située aussi dans la région, avait les portes ouvertes et dégageait également des odeurs nauséabondes». (Le compostage est une méthode qui transforme les matières organiques en compost et qui s’effectue grâce à des activités biologiques de bactéries chargées d’oxygène et opérant à des températures déterminées).

Les vents d’Achrafieh

Le ministre de l’Environnement note aussi que «les ordures décomposées du dépotoir de Bourj Hammoud dégagent du gaz méthane dans l’atmosphère». «L’odeur de ce gaz est particulièrement puissante quand la pression atmos phérique est basse», souligne-t-il. Durant les deux derniers mois, la pression atmosphérique baissait en fin d’après-midi (entre 17 et 19 heures) et était accompagnée d’un vent du sud ouest , atteignant la région d’Achrafieh et parfois même celle de Sin el-Fil.
La troisième raison essentielle des émanations est due à trois canalisations d’eaux usées à ciel ouvert. La météo clémente du mois de novembre a encore aggravé l’impact des odeurs nauséabondes.
Le ministère de l’Environnement a établi un plan d’urgence le 25 novembre 1997. Ce plan, achevé en un mois, consistait à nettoyer le hangar où les ordures d’Amroussié était déposées et à les transporter à la décharge sanitaire de Naamé (au sud de Beyrouth). Le hangar a été complètement vidé et désinfecté. Pourtant, il n’a pas été fermé définitivement. M. Abou Mansour souligne que «le hangar vide sera réservé aux urgences comme c’était le cas durant la fermeture d’Amroussié». Quant à la nouvelle usine de compostage, «elle a été désinfectée, ses portes ont été fermées, deux grands ventilateurs ont aussi été installés et des employés vaporisent des désodorisants à l’intérieur de l’usine», note M. Abou Mansour.
D’autres facteurs contribuent aussi aux différentes émanations. Au début de l’automne, la compagnie espagnole «Entercanales» a entamé des travaux d’agrandissement au cinquième bassin du port de Beyrouth. Des déchets datant des années 80 ont été déterrés. Après avoir été transportés dans un premier temps à Monte Verde, ces déchets ont été de nouveau entreposés au port de Beyrouth «où leur traitement se fait sur place», affirme le conseiller du ministère.

Limiter les dégâts

Ces mesures certes ne constituent pas des solutions radicales au problème. Le ministère de l’Environnement essaye à l’aide des moyens mis à sa disposition de limiter les dégâts de «cette zone sinistrée», comme l’affirme M. Abou Ghanem «L’usine de traitement des déchets de la Quarantaine a une capacité de 1100 tonnes (de déchets) par jour, tandis que celle d’Amroussié reçoit 600 tonnes d’ordures quotidiennement», précise M. Abou Mansour. Elle ne sera pas fermée.
La nouvelle usine de compostage de la région sera peut être transférée, plus tard, dans une autre zone «au cas où on ne trouve pas de solution radicale au traitement des odeurs», souligne l’attaché de presse du ministère.

Zone touristique
à la place des ordures

Le dépotoir de Bourj Hammoud constitue un monticule de 65 mètres de haut et possède une partie ancrée à 9 mètres de profondeur dans les eaux de la Méditerranée. Il couvre une superficie de 160.000 m2. Il est comparable donc à un immense immeuble de 25 étages. «Des conduites de gaz seront installées dans le dépotoir, afin que le méthane qui se dégage des ordures n’explose pas sur place ou dans la mer», souligne M. Abou Mansour. Ces conduites cracheront du gaz méthane dans l’atmosphère de la région. M. Abou Ghanem note, pour sa part, que «cette solution est provisoire car le Conseil du Développement et de la Reconstruction (CDR), dans le cadre du projet Linor, transformera la montagne d’ordures en zone touristique».
Le traitement des eaux usées relève du ministère des ressources hydrauliques. «Un projet du CDR qui consiste à mettre en place des réseaux de canalisation pour les eaux usées, déclare M. Abou Mansour, est actuellement en cours. Il prendra plus d’un an pour être réalisé». Quant à M. Abou Ghanem, il affirme que «le gouvernement libanais a reçu des dons de la Banque Européenne pour la réalisation d’un projet visant à développer les côtes et à prévenir la pollution des eaux de la Méditerranée». «Le projet, poursuit l’attaché de presse, consiste aussi à mettre en place des stations d’épuration des eaux usées». Et de noter qu’une «telle station est sur le point d’être achevée à proximité de l’aéroport».
D’autres facteurs, qui eux relèvent du secteur privé, polluent la région notamment, les usines qui n’obéissent pas aux normes antipollution et qui sont installées dans la région depuis une vingtaine d’années.
La quantité des ordures ménagères produite au Liban atteint une moyenne annuelle de 250 Kg par habitant. La poubelle des Libanais est composée de: 58% de matières organiques, 17% de papiers et de cartons, 10% de plastique, 7% de verre, 3% de textiles 3% de métaux et 2% de produits divers. Une partie de ces déchets est traitée quotidiennement à l’usine de la Quarantaine. L’homme préhistorique déménageait quand son territoire devenait trop pollué. Les Libanais, eux, sont condamnés à cohabiter avec les déchets qu’ils produisent.

Depuis la mi-novembre, les habitants de la banlieue-est de Beyrouth inhalent en fin d’après-midi un air chargé de puanteur. Tous les soirs, à partir de 17 heures, une odeur nauséabonde enveloppe les régions de Dora, de la Quarantaine, d’Achrafieh, voire même de Sin el-Fil. Tout en tentant de se protéger en vain des effluves, habitants, passants ou visiteurs se demandent si...