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Actualités - ANALYSE

Libertés : le pouvoir souhaiterait jeter du lest... mais hésiterait encore

Serait-ce une victoire totale pour les libertés? Certains prêtent au ministre de l’Intérieur M. Michel Murr l’intention de demander au gouvernement l’abolition du décret de 1993 interdisant rassemblements et manifestations, après les sit-in et les marches estudiantines contre le muselage du droit (constitutionnel) d’expression. Le fait est qu’à plusieurs reprises au cours de ces incidences le ministre a souligné qu’il sollicitera lui-même la levée des interdits dès que les causes qui les motivent auront été dissipées. Autrement dit, dès que les circonstances régionales encore plus que locales — puisque la principale de ces raisons est que l’Etat libanais soupçonne Israël de vouloir déstabiliser ce pays en exploitant ou en manipulant des mouvements de rue —, le permettront. En est-on arrivé là et les conditions d’une détente sont-elles réunies pour relâcher la pression sur le plan intérieur?
Cette question, indiquent des sources informées, «sera au centre d’une prochaine réunion entre dirigeants qui analyseront ensemble les derniers événements et tenteront d’examiner le dessous des cartes pour voir si de mystérieuses mains ne sont pas derrière cette agitation en vue de porter atteinte à l’unité des rangs internes pour mettre ainsi en péril la paix civile».
Comme on voit, le ton reste pour le moment plutôt à la défensive. D’autant que selon les mêmes officiels «l’interdiction de l’interview du général Michel Aoun n’aurait pas dû susciter un tel remue-ménage ni une telle houle des réactions virulentes verbales ou de rue. Le jeu n’en valait pas la chandelle».
«Mais, reconnaissent ces loyalistes, on peut comprendre que les jeunes réagissent «pour le principe», comme ils l’ont souligné. Et bien que la liberté ne soit pas du tout en danger chez nous, contrairement à ce qu’affirment nos contempteurs, il y a moyen sans doute de faire un geste qui le prouve encore plus nettement, pour rassurer surtout les générations montantes dont l’action en soi, nonobstant les possibilités de manipulation par des tierces parties, est globalement apolitique et désintéressée».

Craintes

Le pouvoir, déjà en porte-à-faux par rapport au contribuable ou à la majorité de l’opinion politique, paraît donc vouloir éviter de se mettre à dos les jeunes en tant que tels.
Cependant il hésite encore et se montre perplexe. «C’est bien compréhensible, note un ministre, car le climat intérieur est tendu, les pulsions confessionnalistes se trouvent radicalisées et plutôt que de servir la cause des libertés un feu vert concernant les manifestations pourrait déboucher sur des confrontations voire des heurts de rue entre courants opposés qui mettraient en danger la stabilité intérieure. Les manifestations peuvent susciter des contre-manifestations et donner lieu de plus à de redoutables slogans hurlés contre tel ou tel Etat, ce qui affecterait notre économie et porterait atteinte à nos relations extérieures d’une manière qui risquerait d’être très grave». Après cette allusion à peine voilée aux rapports avec les décideurs qui connaîtraient une passe bien difficile s’ils venaient à être contestés au niveau de la rue, cette source souligne que «sur beaucoup de plans, même entre partisans du Ansar et du Nejmeh par exemple, autoriser les manifestations reviendrait sans doute à autoriser les bagarres et l’anarchie, laquelle anarchie est de loin le plus efficace liquidateur des libertés qu’on connaisse».
Autrement dit trop de liberté tue la liberté. Il reste cependant que, comme M. Murr l’avait lui-même rappelé, ce ne serait pas sans une réglementation déterminée que les manifestations seraient permises. Il faudrait, comme la loi l’a d’ailleurs toujours prévu, un préavis et une autorisation en bonne et due forme des autorités policières ou administratives. Le parcours serait bien défini, les manifestants solidement encadrés par les forces de l’ordre et les slogans limités par les lois en vigueur qui précisent tout un tas d’interdits: pas d’atteinte à des Etats tiers, aux personnes, aux croyances etc..
De plus on a laissé faire Toufayli, ce qui finit par peser lourd dans la balance… Puis dans les faits, on a dernièrement traité les étudiants, au bout du compte, avec beaucoup de souplesse après avoir commencé par matraquer et embarquer les jeunes, ce qui a été reconnu comme une erreur par les responsables, à mots plus ou moins couverts. Pour tout dire il y a toujours en pratique moyen de composer. Il reste à savoir si les manifestants potentiels et les politiciens, les syndicats et les parlementaires qui les soutiennent, se contenteront d’un arrangement tacite et ne voudront pas que la liberté de manifester soit dûment réinscrite dans les textes.
E.K.
Serait-ce une victoire totale pour les libertés? Certains prêtent au ministre de l’Intérieur M. Michel Murr l’intention de demander au gouvernement l’abolition du décret de 1993 interdisant rassemblements et manifestations, après les sit-in et les marches estudiantines contre le muselage du droit (constitutionnel) d’expression. Le fait est qu’à plusieurs reprises au...