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Actualités - CHRONOLOGIE

Municipales : le principe démocratique a prévalu Un acquis pour les déplacés : pas d'élections dans les localités encore désertées (photo)

Le principe démocratique a prévalu et, à moins d’un imprévu, les élections municipales devraient avoir lieu normalement à partir du 20 avril prochain, sauf dans les villages de la bande frontalière occupée et dans certaines localités aux populations déplacées . Ainsi en a décidé le Parlement hier, au terme d’un long débat nocturne, souvent désordonné.

Il a fallu cinq heures de discussions avant que la Chambre ne vote à la majorité en faveur de l’abandon du principe des nominations, en laissant cependant dans le vague un seul point: le scrutin dans les localités aux populations déplacées. Personne n’était en mesure de déterminer le nombre de villages où les élections n’auront pas lieu. Le texte approuvé prévoit qu’il n’y aura pas d’élections municipales dans les localités où la réconciliation ne s’est pas produite et dont les habitants n’ont toujours pas regagné leurs foyers. Il stipule qu’il appartient au Conseil des ministres, sur proposition des ministres de l’Intérieur, des Affaires rurales et des Déplacés de déterminer ces localités.
C’est ainsi que l’on pourrait résumer ce qui s’est passé hier soir place de l’Etoile, au cours de la dernière réunion parlementaire de l’année. Les réactions au vote étaient mitigées dans les rangs des députés chrétiens dont certains appréhendent d’ores et déjà les résultats d’un scrutin qui sera organisé sans aucune garantie pour la préservation de l’équilibre intercommunautaire au sein des conseils municipaux. Normalement, c’est le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, qui doit être considéré comme le principal perdant dans cette affaire. A priori, le président Hraoui a perdu sur un double plan: d’abord parce qu’il est un des principaux défenseurs de l’idée des nominations du tiers des membres de certains conseils municipaux, principe qu’il a défendu jusqu’au bout parce qu’il présente, avait-il expliqué, l’avantage de maintenir l’équilibre communautaire dans les régions où les chrétiens sont devenus minoritaires. Ensuite, parce que l’abondon du principe des nominations par ses deux partenaires au sein de la «troïka» du Pouvoir, le présente comme le seul partisan d’un projet somme toute antidémocratique.

Les chrétiens de la montagne

Mais la situation peut être vue autrement: le président Hraoui a obtenu gain de cause, selon ses proches, en soustrayant les chrétiens de la montagne à une échéance électorale qui ne leur permet pas, dans les circonstances actuelles, de désigner leurs représentants au sein des conseils municipaux. Il est ensuite parvenu à rejeter sur la Chambre et le gouvernement la responsabilité de tout déséquilibre intercommunautaire que provoquerait le scrutin, d’autant que le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, a dû intervenir pour prononcer un véritable plaidoyer en faveur de l’organisation d’élections ordinaires et du droit des électeurs à exercer leur droit de vote «loin de toutes ingérences politiques»(!). C’est ce qu’on fait d’ailleurs remarquer dans certains milieux parlementaires où l’on note également que le principe d’élections ordinaires a été retenu dans les grandes villes en échange d’un report du scrutin dans le Chouf. Difficile de ne pas constater qu’à l’exception du chef de la diplomatie, M. Farès Boueiz, également député du Kesrouan, les parlementaires proches du chef de l’Etat étaient singulièrement calmes, après avoir vigoureusement défendu jeudi dernier le principe des nominations. Calmes mais extrêmement actifs.
Dès l’ouverture de la séance, à 18h, le ministre Chawki Fakhoury et le député Khalil Hraoui, ainsi que le vice-président de la Chambre (tous trois originaires de Zahlé, ville natale du chef de l’Etat), multiplient les contacts avec les députés et tiennent des mini-réunions avec leurs collègues au bureau de M. Ferzli. Dès son entrée dans l’Hémicycle, cinq minutes après le début des discussions, le vice-président est convoqué d’un signe de la main par M. Berry avant de ressortir, suivi de Mme Nayla Moawad, et de MM. Fakhoury et Hraoui. Une première réunion est tenue en présence de Mme Nayla Moawad et de MM. Nassib Lahoud, Camille Ziadé et Elias el-Khazen. Un peu plus tard, une deuxième est tenue en présence de MM. Lahoud, Robert Ghanem et Pierre Daccache. Avant de sortir de l’Hémicycle, M. Hraoui remet discrètement un bout de papier à son collègue Pierre Daccache, qui le suivra quelques secondes plus tard. Le même scénario se répétera à plusieurs reprises avec divers députés maronites. Le vice-président de la Chambre regagne l’Hémicycle, pour conférer discrètement avec le ministre du Tourisme, M. Nicolas Fattouche, également originaire de Zahlé, puis avec le chef du Législatif.
Dans l’hémicycle, le va-et-vient des trois députés est incessant. Dans le même temps les députés Marwan Hamadé, Ayman Schoucair, Antoine Andraos, Akram Chehayeb, Nabil Boustany et Alaeddine Terro, tous membres du bloc de M. Walid Joumblatt , se concertent longuement avec le chef du Législatif. Il était évident que c’était dans les coulisses du Parlement que la solution de rechange aux nominations étaient cuisinée. On sait que les contacts effectués depuis vendredi à cette fin n’ont pas abouti. Le sentiment que quelque chose se prépare est conforté par la nature du débat qui domine au début de la séance: les députés donnent l’impression de vouloir perdre du temps. Il faut préciser qu’à l’ouverture de la réunion, le chef du Parlement barre la route devant toute intervention générale et annonce le début de l’examen du projet de loi sur les municipales article par article. Les articles dits techniques sont votés en premier et donnent lieu à un débat, dont on n’arrivait pas à saisir l’utilité: plusieurs députés insistent particulièrement pour que l’appartenance communautaire ne soit pas mentionnée sur la carte électorale et que le nom de la mère n’y figure pas. Le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, s’impatiente et précise que, jusqu’à présent, un million 200 mille cartes ont été imprimées et qu’il ne lui est pas possible d’en faire de nouvelles en quatre mois. D’autres interviennent à tour de rôle pour mettre l’accent sur l’importance de l’isoloir et de la nécessité, pour les chefs des bureaux de vote mais aussi pour les électeurs de se conformer aux règles de vote, pourtant clairement précisées dans le texte de loi. Pendant que le débat se prolonge, M. Lahoud entre dans l’Hémicycle, venant du bureau du vice-président de la Chambre. Il confère avec son collègue Camille Ziadé, puis avec le chef du Parlement avant de gagner sa place pour s’entretenir avec MM. Sélim Hoss et Mohamed Youssef Beydoun, ses collègues au sein du Rassembelemnt national parlementaire.

En un tournemain

Les dix-neuf premiers articles sont votés en un tournemain. L’article 14 est amendé de manière à préciser que l’appartenance communautaire des électeurs ne devra pas être mentionnée sur les cartes électorales qui seront distribuées pour les élections municipales qui suivront celles d’avril (normalement en l’an 2004). Puis le chef du parlement passe directement à l’article 26, laissant ainsi pour plus tard les quatre articles conflictuels (dont deux pour les nominations, un autre pour le mode d’élection des présidents et des vice-présidents des conseils municipaux et le quatrième relatif au non-cumul des fonctions de député et de président de municipalité). M. Fattouche proteste vigoureusement et le président de la Chambre finit par s’incliner devant son insistance à s’attaquer à l’article 20 relatif aux nominations.
Les concertations inter-parlementaires avaient entre-temps cessé et MM. Ferzli, Hraoui et Fakhoury avaient chacun regagné son siège. Pendant que le député Najah Wakim réaffirme son opposition au principe des nominations, M. Berry appelle le ministre du Tourisme et lui chuchote quelques mots à l’oreille. Le député de Beyrouth se prononce aussi contre l’organisation des élections au niveau des quartiers dans les métropoles et souligne que des alliances politiques sont susceptibles de garantir l’équilibre communautaire au sein des conseils municipaux. «Tu es donc d’accord avec Rafic Hariri sur ce point», le taquine M. Berry. Du tac au tac, l’intéressé rétorque d’un ton malicieux: «Tous l’ont approuvé plus de cent fois. Il n’y a aucun mal à ce que je me range pour une fois de son côté». Pour la première fois depuis son accession à la tête du gouvernement, M. Hariri applaudit à des propos du député de Beyrouth, un de ses principaux détracteurs.
M. Lahoud prend ensuite la parole et, rapidement, il rappelle qu’il est pour l’organisation d’élections libres et note que si l’exposé des motifs du texte de loi met l’accent sur la nécessité de tenir compte des «exigences de l’entente nationale» pour expliquer les raisons pour lesquelles il a retenu le principe des nominations, c’est parce que cette entente est indispensable. Il met en garde contre des «garanties taillées sur mesure pour le maintien de cette entente» et propose directement de renoncer aux élections dans la bande frontalière et dans certaines localités de la montagne qui seront déterminées par le gouvernement. Il propose que, dans les grandes villes, ou plus exactement les chefs-lieux des mohafazat, le scrutin soit organisé au niveau des quartiers. Le candidat qui aura obtenu plus de 20% des voix des électeurs sera considéré comme étant élu. Des Tss, Tss de désapprobation fusent dans la salle. On réalise qu’on vient de prendre connaissance d’une première proposition «cuisinée» dans les coulisses. C’est bien la première fois que le député du Metn commente en ces termes l’exposé des motifs du texte du gouvernement.
Sa proposition est approuvée par plusieurs députés de l’opposition et notamment le président Hussein Husseini, qui, rappelle-t-on, avait le premier suggéré le découpage des villes en quartiers pour les municipales.
Dans une brève intervention, M. Berry souligne que les municipales ne constituent pas seulement une échéance démocratique mais représentent aussi une occasion d’intégration des Libanais, avant de prier les députés de renoncer à la rhétorique et de se contenter d’avancer des propositions pratiques. Evidemment, rares sont qui l’écouteront.
Mme Nohad Soueid et M. Farès Boueiz proposent le maintien des résultats des élections de 1963 comme base pour le scrutin d’avril. M. Robert Ghanem suggère une formule qui tienne compte des deux précédentes. Il se prononce pour le report des élections dans la zone occupée et dans la montagne et pour le maintien des résultats des élections de 1963 dans les chefs-lieux des mohafazats, à savoir, Beyrouth, Saïda, Nabatiyé, Tyr, Zahlé et Tripoli.
Entre-temps, plusieurs députés comme MM. Marwan Hamadé, Zaher Khatib et Mahmoud Awad mettent en garde contre les formules qui consacrent le confessionnalisme. Certains s’étendent sur le thème du confessionnalisme au Liban, jusqu’au moment où le député Moustapha Saad rappelle que la réunion de jeudi avait été levée sous prétexte qu’il fallait donner au gouvernement le temps de trouver une formule de substitut aux nominations qu’il venait d’abandonner. «Où est donc cette formule?» s’interroge-t-il. M. Hariri répond en parlant de la particularité de la municipalité de Beyrouth dirigée effectivement par le mohafez. Le chef du Législatif lui fait remarquer qu’il a éludé la question et M. Hariri explique que c’est au Parlement qu’il souhaite en débattre, après avoir conféré avec le chef de l’Etat.
M. Saad demande sans succès davantage d’explications. Ce que M. Hariri ne lui dira pas, c’est que le chef de l’Etat n’a pas voulu cautionner une nouvelle formule qui n’est pas sûr de pouvoir assurer la représentativité des chrétiens au sein des conseils municipaux et qu’il n’a pas voulu pour cette raison présider le Conseil des ministres qui devait se tenir samedi. Il ne lui dira pas non plus, qu’il n’avait pas voulu, aussi, lui-même assumer seul la responsabilité d’élections dont les résultats pourraient être contestés.

Plus de majorité

M. Boutros Harb vient à la rescousse de son collègue en soulevant un point constitutionnel, précisant qu’en vertu de l’article 65 de la Constitution, les projets de loi importants (dont ceux relatifs aux élections) doivent être approuvés en Conseil des ministres à la majorité des deux tiers. «Maintenant que les ministres loyalistes ont renoncé aux nominations, cela signifie qu’il n’y a plus une majorité en faveur du texte. Comment pourrons-nous étudier un projet de loi qui n’a plus une majorité en sa faveur? Il faut que le gouvernement nous présente un autre texte approuvé dans les règles», fait-il valoir. Son collègue Wadih Akl l’approuve, mais il donne à M. Hariri l’occasion d’éviter encore une fois de répondre en abordant le dossier des déplacés. Le président de la Chambre résume l’intervention du député de Batroun.
Le chef du gouvernement tente une nouvelle fois d’expliquer qu’il n’appartient pas à l’Exécutif d’assumer cette responsabilité. «La position du chef de l’Etat est claire lorsqu’il s’est exprimé pour les nominations et demandé au Parlement de voter. Qu’on vote, s’il passe tant mieux, sinon, nous sommes prêts à écouter vos propositions». M. Ferzli réagit immédiatement: «Le président de la République ne peut pas être considéré comme une partie et je propo qu’on commence directement à voter». De toute évidence, M. Ferzli ne veut pas courir le risque de voir les députés se rallier au point de vue de leurs collègues et de réclamer un nouveau projet de loi, qui devrait alors être examiné en Conseil des ministres en présence du président Hraoui.
M. Boueiz se prononce pour un retrait du texte, ce à quoi le chef du gouvernement s’oppose notant qu’il n’est pas prêt à le retirer une deuxième fois de la Chambre. La première fois étant le 1er avril dernier. «Qu’on poursuive le débat», lance M. Hariri. Boutros Harb proteste auprès du chef du Législatif qui convoque Najah Wakim après que ce dernier eut insisté sur le point selon lequel le gouvernement ne tient pas compte du texte de la Constitution. Pendant ce temps, le chef du gouvernement appelle M. Boueiz et échange quelques mots avec lui. Le ministre Fakhoury se joint à eux. Quant à M. Ferzli, il circule parmi les députés.
Subitement, le président Berry annonce l’examen de l’article 21 relatif à l’élection des présidents et des vice-présidents des municipalités par les membres du conseil municipal. M. Zaher Khatib propose des élections au suffrage universel. Puis une intervention du président Husseini ramène la discussion aux élections. C’est le cafouillage le plus total et M. Boueiz ne peut s’empêcher de demander à savoir quel article est en train d’être examiné. «21 mais nous parlons des élections», répond M. Berry.
Au terme d’un long débat, M. Tammam Salam prend la parole pour demander que des élections «libres et démocratiques» soient organisées dans les villes, notamment à Beyrouth, estimant qu’un découpage des circonscriptions municipales sur base des quartiers n’est pas susceptible d’assurer l’équilibre communautaire au sein du Conseil municipal. Il se réfère à une étude relative aux 12 départements de la capitale et propose de la distribuer à ses collègues.
Pendant que M. Camille Ziadé plaide en faveur de la proposition de son collègue du Metn, M. Nassib Lahoud, le chef du gouvernement soutient le point de vue de M. Salam estimant que des élections doivent être organisées dans la capitale «loin de toute interférence politique», soulignant la nécessité que des personnes compétentes accèdent aux conseils municipaux. «Le citoyen ordinaire est à mille lieux des considérations d’ordre confessionnel. Donnons-lui la chance de choisir ses représentants locaux, des gens qui s’occuperont des problèmes quotidiens de la population», déclare-t-il. Puis il donne lecture d’une proposition dans ce sens. Le ministre Boueiz contre-attaque, affirmant déceler «des allusions politiques» dans les propos du chef du gouvernement. «Nous avons nos raisons pour prétendre que tout va pour le mieux dans le pays et que le problème du confessionnalisme ne se pose pas. Ce que nous avons entendu est beau. Mais le fait même de prétendre que nous n’avons aucun mobile politique prouve le contraire», fait-il remarquer, rappelant que les municipalités restent une autorité exécutive.
C’est le moment du vote. La proposition de M. Lahoud ne passera pas, pas plus que celle de M. Ghanem ou du ministre Boueiz. M. Mohamed Beydoun donne alors lecture du texte proposant des élections ordinaires partout sauf dans la bande frontalière et dans certains villages de la montagne dont les habitants ne sont pas revenus. D’un signe de la tête, M. Hariri fait signe à ses partisans de voter. Le texte passe et est vivement contesté par les députés de la montagne, essentiellement M. Akram Chehayeb qui proteste vigoureusement contre le fait de priver la région du Chouf de son droit au développement. Il insiste aussi sur le fait que le report des élections va retarder le retour des déplacés, dans la mesure où celui-ci est tributaire de la disponibilité de fonds. M. Berry réplique que les villages exemptés sont au nombre de huit. C’est le ministre Hobeika, également député de Baabda, qui sursaute. «Bien sûr que non», commence-t-il, mais M. Hariri l’empêche de poursuivre. Ce que M. Hobeika voulait dire, c’est que les localités de la banlieue-sud de Beyrouth (Mreyjé, Ghobeyré, Haret Hreik et Bourj Barajneh) sont comptées parmi les villages où le scrutin ne sera pas organisé. Selon le texte voté, les élections seront organisées dans ces secteurs, trois mois après le retour des déplacés.
M. Chehayeb insiste tant et si bien que le texte est amendé de manière à préciser que les élections auront lieu dans les villages où «les réconciliations auront été réalisées» et à associer le ministre des Déplacés à la détermination des villages où le scrutin peut être organisé.
Le reste des articles est voté en un tournemain sans aucun amendement. La séance est levée à 23h 25 et dans les coulisses du Parlement, le bruit court que des contacts de dernière minute entrepris par des responsables syriens, ont convaincu une majorité parlementaire docile de ne pas retenir la formule de MM. Lahoud et Husseini qui était supposée passer et de voter pour des élections ordinaires partout.
Tilda ABOU RIZK

Le principe démocratique a prévalu et, à moins d’un imprévu, les élections municipales devraient avoir lieu normalement à partir du 20 avril prochain, sauf dans les villages de la bande frontalière occupée et dans certaines localités aux populations déplacées . Ainsi en a décidé le Parlement hier, au terme d’un long débat nocturne, souvent désordonné.Il a fallu cinq...