Communiqué d'Emmaüs international

Suite à son séjour au Liban, Emmaüs international qui, pour la première fois, tenait dans ce pays une de ses réunions, fait le point dans le communiqué suivant:
«Toutes les couleurs du Liban et du monde se sont retrouvées, dimanche 7 décembre 1997, pour célébrer la solidarité avec l’Association d’entraide professionnelle (AEP) sur l’ancien terrain de L’Oasis…
C’était la première fois qu’Emmaüs international tenait au Liban une de ses réunions, mais nous voulions souligner ainsi 38 ans d’histoire commune, commencée en 1959 à l’occasion d’une première visite de l’Abbé Pierre. Des Libanais de diverses confessions avaient alors créé L’Oasis de l’Espérance, sur le modèle des communautés de chiffonniers d’Emmaüs en France. Des marginaux de la société libanaise, vivant ensemble sans discrimination aucune, travaillaient à la récupération en vue de recyclage et donnaient une part de leurs bénéfices aux plus démunis. Puis, en 1984, en pleine guerre, des membres de L’Oasis, ainsi que des hommes d’affaires et banquiers libanais, tous préoccupés par les effets pervers de l’aide humanitaire sur la population libanaise, fondèrent l’AEP autour d’une idée simple: accorder des prêts aux personnes n’ayant pas accès aux banques commerciales, et leur donner ainsi les moyens d’une activité agricole, artisanale ou de services, afin de les sortir du cercle vicieux de l’assistance.
Si L’Oasis n’a hélas pas survécu à la guerre, l’AFP poursuit son travail. Au long de ses 13 ans d’existence, elle a approfondi ses intuitions initiales et elle s’inscrit pleinement dans la dynamique du «micro-crédit». La conférence sur ce sujet, convoquée il y a un an à Washington par la Banque mondiale, et où l’AFP était la seule association libanaise représentée, en a reconnu toute l’importance pour les populations les plus pauvres, dans quelque pays du monde que ce soit.
Ces visites ont constitué un bon prélude à nos trois jours de travail. Chaque région du monde a exprimé ses projets, ses difficultés, ses recherches et aussi ses innovations pour plus de justice et de solidarité dans un monde où les pauvres sont toujours plus marginalisés. Que de diversité entre 400 groupes Emmaüs dans plus de 30 pays! Mais deux points essentiels: en prenant appui sur des activités à caractère économique, gage d’indépendance et de continuité dans l’action, il s’agit toujours de faire en sorte que les plus pauvres et les moins puissants deviennent des acteurs dans la société et puissent avoir une vie digne.
Fin 1999 marquera le 50e anniversaire de la fondation d’Emmaüs en France. A cette occasion, nous voulons célébrer et fêter le travail et l’engagement de tous nos groupes à travers le monde au cours de ce demi-siècle et préparer l’avenir. Durant ces trois journées de réunion, nous avons donc cherché à approfondir nos engagements, et échangé sur le défi qui est le nôtre: concilier tout à la fois l’utopie nécessaire, source de dynamisme, et l’indispensable organisation, respectueuse de nos diversités, au service de notre cause commune. Nous avons quitté le Liban avec un encouragement d’ l’Abbé Pierre, notre fondateur: «Courage! Continuons, sans peur».
Au cours de cette semaine passée au Liban, nous avons aussi visité quelques-unes de vos richesses historiques, témoignage des différentes cultures qui ont façonné votre pays et votre peuple. Nous avons entre-aperçu les difficultés du pays et surtout des plus pauvres. Nous avons été impressionnés par la reconstruction du pays, notamment à Beyrouth, mais nous y avons vu essentiellement des immeubles de standing. Nous nous interrogeons sur la place qui y est faite aux besoins vitaux des plus pauvres, dans le domaine du logement par exemple. Le Liban saura-t-il encore saisir la chance historique de la reconstruction pour répondre aux besoins et aspirations légitimes des plus pauvres, seul moyen d’une paix durable pour tous? C’est notre vœu le plus cher pour votre pays».