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Actualités - ANALYSE

Stabilité monétaire et Toufayli

Dans ses dernières interventions télévisées, notamment face à Marcel Ghanem sur LBCI, le président du Conseil, M. Rafic Hariri a mis l’accent sur trois points qui ont tout particulièrement retenu l’attention des observateurs:
— Le lien qu’il ne craint pas d’établir entre sa propre personne et la stabilité de la monnaie nationale. Ce qui lui fait dire que plusieurs tentatives de le déboulonner en attaquant la livre ont été effectuées mais ont toutes échoué.
— L’aveu (tout de même) que les disputes entre présidents affectent gravement cette même stabilité monétaire, leur bonne entente ne pouvant par contre que la conforter. Aveu qu’étrangement le chef de gouvernement récupère pour affirmer que l’état de santé de la livre n’est ni financier ni économique mais bel et bien politique. Sans paraître se douter que c’est là reconnaître sa propre responsabilité dans les dérapages commis tout en accusant de complicité les deux autres protagonistes de la troïka.
— L’aveu, aussi, que l’Etat fléchit à tout coup devant ses ressortissants qui assument une quelconque dignité religieuse, à preuve que vis-à-vis de Toufayli il a fallu, selon M. Hariri, tenir compte du fait que la confrontation «avec tout homme de religion qui parle politique pose un problème qu’on ne peut traiter car il implique des retombées redoutables au niveau du pays».

Facteurs objectifs

Commentant ces prises de position, un ancien ministre développe les sévères remontrances suivantes:
— «Si l’on admet que la stabilité monétaire est liée à la personne même du président du Conseil, on reconnaît du même coup que la gestion financière et économique du pays ne se fonde pas sur des facteurs objectifs, sur des critères techniques et sur un plan déterminé mettant un domaine aussi vital à l’abri des sautes d’humeur, des contradictions et des convulsions d’une caste politique aussi irresponsable que gloutonne. Il est insensé de laisser ce système se poursuivre. Si, par malheur, M. Hariri venait à démissionner ou devait quitter ses fonctions pour tout autre raison, cela signifierait que, du jour au lendemain, la livre s’effondrerait totalement. Le pays serait alors voué à une récession sauvage le menant tout droit à la famine. Il est tout aussi dément de ne pas prévoir un garde-fou, une cloison étanche qui protégerait l’économie en général et la livre en particulier des soubresauts épileptiques d’un pouvoir saisi en son propre sein d’une «querellite» aiguë. La Banque centrale ne peut pas continuer indéfiniment à claquer des centaines de millions de dollars chaque fois que les présidents se disputent. L’effort qu’elle accomplit, quand ils se réconcilient, pour reconstituer ses réserves harasse lui-même le pays financier et économique. Et on sait de plus que si une brouille houleuse, assortie d’attaques mutuelles quotidiennes, devait durer plus de trois semaines, la BC n’aurait plus qu’à mettre la clé sous la porte et à déclarer pratiquement faillite car il ne lui resterait plus un rond pour soutenir la livre face au dollar, ses stocks ne suffisant que pour vingt jours. Il ne faut pas oublier en outre que cette instabilité politique chronique, qui est la marque déposée du système, empêche le capital étranger ou même national de s’investir dans ce pays».

Les dangers de l’action
subversive

«En ce qui concerne Toufayli, poursuit cette personnalité, il y a des limites qui, une fois franchies, ne permettent plus à l’Etat de ménager qui que ce soit, pour aucune considération car autrement c’est sa propre existence qui se trouve remise en cause. Les éventuelles «retombées négatives» que M. Hariri dit redouter ne sont rien en comparaison du danger de partition qu’une action subversive comme celle du «cheikh rouge» implique. Il faut également souligner que l’amalgame est inadmissible: Toufayli en effet ne s’est pas contenté de «parler politique», comme le dit le chef du gouvernement. Il ne s’est pas cantonné dans l’expression verbale ainsi que le font d’éminents hommes de foi comme le patriarche Sfeir, cheikh Kabbani, cheikh Chamseddine ou cheikh Fadlallah. Il a pris carrément les armes, a décrété la désobéissance civile, établi une assemblée décisionnaire et interdit Baalbeck-Hermel aux officiels. Tous actes constitutifs d’une véritable sécession et qu’aucune prescription ne peut couvrir ni sur le plan légal ni sur le plan politique. Les violations commises, en regard des lois, sont autrement plus graves qu’un crime de droit commun. Or, à ce propos, quand Raymond Eddé était ministre de l’Intérieur, les autorités n’avaient pas hésité dans les années soixante à jeter en prison un évêque maronite convaincu de fabrication et d’écoulement de fausse monnaie. L’Etat, en fermant aujourd’hui les yeux, laisse la porte ouverte à un aventurisme qui pourrait déboucher sur des cantons qui ne seraient plus miliciens comme jadis mais théocratiques. En termes de citoyenneté, le respect doit être réciproque entre l’Etat et ses administrés quel que soit leur statut social ou professionnel. Sans quoi autant jeter la Constitution aux orties, oublier la paix civile et laisser l’anarchie régner».

E.K.
Dans ses dernières interventions télévisées, notamment face à Marcel Ghanem sur LBCI, le président du Conseil, M. Rafic Hariri a mis l’accent sur trois points qui ont tout particulièrement retenu l’attention des observateurs:— Le lien qu’il ne craint pas d’établir entre sa propre personne et la stabilité de la monnaie nationale. Ce qui lui fait dire que plusieurs...