Carnet de route Fouad Boutros ou la rectitude

A l’heure où «tout ce qui grouille, grenouille et scribouille» au Liban contribue à mener la société civile à l’extrême bord du désespoir, deux livres de Fouad Boutros (1) viennent nous réchauffer l’intelligence, sinon tout à fait le cœur, et nous inciter à ne pas assassiner a priori toute faculté d’espérance.
Pourtant, les textes réunis dans ces volumes ne sont guère frappés au coin de l’euphorie — ceux qui connaissent l’homme s’en doutent — ni d’un pharisaïsme de commande dont le but serait d’atténuer la gravité des faits commentés. Il n’est pas aussi vain qu’il y paraît, dans un pays dont les responsables ont érigé le mensonge en pierre de touche politique, et où les intellectuels n’échappent pas toujours à la mauvaise foi, de relever ce qui s’en écarte. La rectitude de Fouad Boutros, qui aura marqué sa vie et sa carrière, se retrouve dans ses écrits: rigueur du raisonnement et du jugement, rigueur de la langue. Rigueur de l’éthique.
Mais se nourrit-on de rectitude, diront certains? Oui, car c’est une des rares qualités qui permettent d’approcher au plus près la vérité, que le relâchement de la pensée et de la vigilance recouvrent des scories de la fausseté. Au moment où nous nous préparons à passer un Noël dans la nuit, une lueur nous est offerte: la claire réflexion d’un homme d’Etat, «l’indignation d’un citoyen qui, pour avoir assumé notamment dans des circonstances délicates des charges gouvernementales, s’est senti dans l’obligation tantôt d’analyser la situation politique, tantôt de lever le voile sur un dysfonctionnement de l’Etat qui suscite interrogations et inquiétudes». (2)
Des écrits faits de transparence, une qualité dont les jeunes générations crient leur besoin. Soutenus par une lucidité que l’intelligence ne prend jamais en défaut.
Éminemment doué pour le scepticisme, ulcéré par la conduite de ses successeurs au pouvoir, comment Fouad Boutros fait-il pour livrer ici un message de foi? Sans doute parce qu’il existe dans ces textes, jamais apodictiques, une ardeur et une flamme qui sont l’homme lui-même.
Amal NACCACHE