Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Retraits : les spéculations sur les réactions de Beyrouth battent leur plein

Ziad Rahbani l’a dit crûment à la télévision: comment peut-on faire des simagrées quand on propose de vous rendre votre bien?
Sans l’humour acide du compositeur, la question se traduit ainsi: l’Etat libanais est-il prêt à reprendre possession du Sud et de la Békaa-Ouest avec ou sans des conditions sur lesquelles on se mettrait éventuellement d’accord? En d’autres termes va-t-il persister à soutenir qu’un retrait israélien, surtout soudain ou partiel, n’est qu’un piège à éviter, ce qui revient à dire qu’il préfère à tout prendre la poursuite de l’occupation?
Et dans le prolongement, l’Etat libanais est-il prêt à déployer ses unités à la place des forces syriennes qui se retireraient dans la foulée des Israéliens, ou garde-t-il l’intention de supplier les Syriens de rester parce qu’il a toujours besoin d’eux sur le plan de la stabilité sécuritaire? Va-t-il dans ce dernier sens justifier une telle requête en soutenant qu’il est obligé de mobiliser ses propres forces pour la prise en charge du Sud après le retrait des Israéliens?
Les guerres libanaises intestines ont connu leur tout dernier épisode d’affrontements armés le 13 octobre 1990, il y a maintenant plus de sept ans. Et l’Etat n’est toujours pas en mesure de contrôler les régions parce qu’il n’a pas su se forger une véritable autorité. Tout est affaire de politique, au sens profond du terme, et pour que le Liban redevienne vraiment un Etat à part entière, il lui faut réunir les conditions suivantes:
— En tout premier lieu, la réalisation de l’entente nationale. Aucune partie ne doit continuer à se sentir lésée, opprimée, vaincue et aucune autre à penser qu’elle a gagné le droit de dominer. Car ce n’est pas dans un climat de clivage que la stabilité peut être solidement garantie.
— Taëf, de l’avis unanime des Libanais de tous bords, n’était qu’une plate-forme de départ permettant la cessation de l’état de guerre. Mais, depuis lors, le pouvoir a immobilisé le pays sur cette passerelle au-dessus du gouffre, sans aller de l’avant vers la terre ferme d’une paix civile pérenne. Il aurait fallu traiter l’une après l’autre les multiples causes qui avaient provoqué la dislocation et la République n’en a strictement rien fait, quand elle n’a pas aggravé ces causes ou même leur a inventé de nouvelles variantes.
— Le pouvoir n’a pas développé l’effort graduel que l’on attendait de lui, à savoir la prise en charge progressive des régions devant lui permettre de se dispenser de ce que l’on appelle «la sécurité empruntée», alors même qu’il s’en vantait comme un déclamateur de poèmes se gargarise des vers d’autrui. A aucun moment, il n’a tenté de gommer les «îlots de non droit» contrôlés de facto par des milices ou des mafias dont de temps à autre il dénonce lui-même, en toute puérile inconscience, l’existence. Il a ainsi laissé au fil des années les pêcheurs en eau trouble semer partout des mines confessionnelles, politiques, sécuritaires ou sociales qui peuvent exploser à tout moment. Ce qui amène beaucoup de Libanais, qui ne sont pas tous des fantaisistes, à penser comme Ziad Rahbani que la reprise de la guerre civile est inéluctable. Ou à tout le moins que l’existence de l’entité libanaise, Etat en tête, est en sérieux péril, avec ou sans heurts armés, avec ou sans maintien d’une République, elle aussi «empruntée», qui n’est qu’un simple paravent.
— Le mélange des genres à travers la corruption généralisée a fait que la décadence politique entraîne automatiquement une récession budgétaire et partant économique majeure. Dans un véritable Etat, un cloisonnement étanche empêche de telles interactions et prévient les répercussions catastrophiques qu’elles peuvent avoir.
— Rien n’a été fait pour aller progressivement vers l’Etat laïc, ou l’Etat civique comme l’appelle cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine, seul moyen de mettre le pays vraiment à l’abri des secousses comme des préjudices multiples que cause le confessionnalisme.
— Rien n’a été fait non plus sur le plan social et sur celui du développement équilibré des régions, ce qui, d’une part aggrave les effets de l’appauvrissement, et d’autre part provoque des rébellions qui mettent l’Etat encore plus à nu, comme on le voit à Baalbeck-Hermel.
E.K.

Ziad Rahbani l’a dit crûment à la télévision: comment peut-on faire des simagrées quand on propose de vous rendre votre bien?Sans l’humour acide du compositeur, la question se traduit ainsi: l’Etat libanais est-il prêt à reprendre possession du Sud et de la Békaa-Ouest avec ou sans des conditions sur lesquelles on se mettrait éventuellement d’accord? En d’autres...