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Actualités - INTERVIEWS

L'enquête de l'Orient Le Jour sur la crise des établissements scolaires Obeid : la complémentarité entre les secteurs privé et public de l'enseignement est nécessaire

Dans le cadre de notre enquête sur la situation du secteur de l’enseignement, nous avons passé en revue les principales difficultés auxquelles sont confrontées les écoles privées. Des difficultés dues essentiellement à la profonde crise socio-économique que traverse le pays et à l’impact de la forte hausse des salaires des enseignants sur la situation financière des établissements scolaires .
Après avoir exposé les points de vue des parents d’élèves et des directeurs des écoles privées, ainsi que les commentaires de certains responsables et experts en la matière, nous rapportons aujourd’hui l’opinion du ministre de l’Education nationale, M. Jean Obeid, à qui nous avons demandé de commenter les rapports entre l’Etat et le secteur privé de l’enseignement ainsi que l’action entreprise par son ministère.
M. Obeid évoque notamment les appréhensions de certaines parties qui perçoivent avec suspicion la politique actuelle du gouvernement qui a pour conséquence indirecte de pousser de nombreuses familles à retirer leurs enfants des écoles privées pour les placer dans des écoles publiques (du fait de la hausse des scolarités due à l’augmentation des salaires des enseignants, décidée par l’Etat). Tout en se prononçant sur ce plan pour une complémentarité entre les secteurs privé et public de l’enseignement, le ministre de l’Education se déclare opposé à la proposition avancée par certains experts qui suggèrent que l’Etat accorde une subvention aux écoles privées de manière à couvrir une partie des frais scolaires et laisser ainsi aux Libanais la liberté de choisir l’établissement scolaire (public ou privé) dans lequel ils désireraient placer leurs enfants.
Evoquant, d’entrée de jeu, la crise actuelle de l’enseignement, M. Obeid commence par reconnaître que cette année a été marquée par un «net transfert du secteur privé au secteur public». «Près de 25.000 nouveaux élèves et un nombre substantiel de professeurs ont intégré les écoles officielles», indique-t-il. Mais dans le même temps, M. Obeid estime que nous faisons face à un «plan pour affaiblir l’éducation».
Le ministre attribue les difficultés auxquelles sont confrontées les écoles privées à deux facteurs principaux: «La crise économique aiguë et l’image de réussite qu’arbore désormais l’école publique». Il a cependant avoué que cette dernière n’était pas encore prête à absorber le nombre croissant de nouveaux-venus. «D’une part, dit-il, les séquelles de la guerre sont difficiles à effacer, les établissements officiels ayant été victimes de la négligence générale, alors que les écoles privées bénéficiaient d’aides d’organisations internationales. D’autre part, le budget de notre ministère ne suffit pas aux besoins du pays. Des dix milliards de livres consacrés à l’enseignement public l’année passée par le Parlement, cinq étaient destinés à la construction de bâtiments, et cinq autres à leur équipement. Celui-ci venant après la construction, seuls les cinq premiers milliards ont été débloqués par la Cour des comptes. Cette somme est loin de suffire. Rien n’a donc pu être fait au courant de cet été, et nous avons dû recourir à la location. Nous essaierons de progresser au niveau de la construction l’année prochaine».
M. Obeid pense, d’ailleurs, qu’il y a un plan pour appauvrir l’éducation dans le pays. «Le gouvernement reproche au ministère de l’Education d’avoir 5000 enseignants de trop à son actif, explique-t-il. Mais il faut comprendre que ces 5000 professeurs présentent tous des cas particuliers que le ministère ne peut pas régler seul: un tiers est formé de réfugiés que l’Etat n’a pas encore ramenés chez eux. Le second tiers est constitué d’anciens professeurs qui travaillent depuis une quinzaine d’années comme fonctionnaires de l’Etat. Or, comme le salaire d’un professeur est plus élevé que celui d’un fonctionnaire, ils refusent de se voir retirer leur titre, même s’ils n’exercent plus. L’Etat devrait donc égaliser les salaires afin que ces personnes, qui ne sont en tout cas plus habilitées à enseigner, quittent le corps professoral. Quant au troisième tiers, il s’agit de professeurs résidant loin de leur lieu de travail, et qui demandent des frais de transports exorbitants. Le ministère est donc obligé d’employer des professeurs originaires des régions éloignées, et souvent en deçà du niveau requis».
Et de poursuivre: «En définitive, des 23 mille professeurs qui constituent notre effectif, 5000 ne sont pas opérationnels. Il y a donc un manque et non un surplus comme on l’affirme».
Interrogé sur les difficultés actuelles du secteur privé, M. Obeid a répondu: «Il y a aujourd’hui, dans le privé, moins d’enseignants et moins d’élèves, donc un problème de scolarité». Mais il a nié que l’Etat ait une quelconque intention de nuire aux écoles privées: «La complémentarité entre les deux secteurs est nécessaire, mais il faut que l’école officielle soit également un choix réel. Voilà pourquoi nous travaillons à ce niveau. Nous voulons que le fils du pauvre ait accès à l’éducation, or il ne peut plus payer les scolarités du privé».
M. Obeid a cependant fait état de la coopération des établissements privés, qui se sont conformés au gel des scolarités (que le ministère n’a cependant pas imposé). «C’est la raison principale pour laquelle j’ai opposé un refus au projet d’augmentation du prix de l’essence au début de l’année scolaire», a-t-il précisé. Quant aux attestations délivrées par le ministère à la place des écoles, M. Obeid a insisté sur le fait que «je ne pouvais pas jeter les enfants à la rue». D’ailleurs, le ministre appelle les établissements à ne plus refuser les élèves en difficultés financières «car cela est contraire aux recommandations de l’Exhortation apostolique et aux valeurs chrétiennes».
M. Obeid a par ailleurs rejeté tout projet de carte scolaire ou de subvention du privé par l’Etat: «Le gouvernement ne peut supporter actuellement de telles charges, et le rôle de la société civile est considérablement amoindri par la pauvreté d’une bonne partie de la population. Il y a cependant des initiatives privées qui pointent çà et là dans le but d’assurer la scolarité d’un bon nombre d’enfants».
Sur le niveau des écoles officielles, M. Obeid a avoué que «le primaire reste très faible, à cause du manque de bâtiments spécialisés et d’activités». «Mais le niveau dans les autres cycles s’améliore à vue d’œil, si bien que les résultats du secteur public dans les examens officiels ont souvent dépassé ceux de certains établissements privés», a-t-il ajouté.
M. Obeid a également commenté les nouveaux programmes qui «représentent un grand pas qualitatif en avant». Sur le fait qu’ils aient été jugés trop ambitieux par certains, le ministre a déclaré que les professeurs devront être formés. Finalement, M. Obeid croit que «le renouvellement de l’équivalence entre baccalauréats français et libanais aura lieu, pour éviter certains problèmes au niveau des personnes désireuses de passer l’examen français».
(Propos recueillis
par Suzanne BAAKLINI)
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