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Actualités - CHRONOLOGIE

Khaled Salem entendu pendant six heures hier MEA : les responsabilités n'ont toujours pas été cernées (photos)


«C’est une véritable guerre des nerfs». L’avocat qui a lâché cette exclamation ne faisait qu’exprimer le sentiment général, à l’issue de la terrible journée d’investigations sur l’affaire de la MEA, hier, au Palais de justice. De 10 heures du matin à 10 heures du soir, le chef de la brigade criminelle, le général Béchara Salem, a mené son enquête sans relâche, entendant pendant plus de 6 heures le PDG de la compagnie, M. Khaled Salam, puis procédant à une rapide confrontation entre le PDG et le directeur général, M. Youssef Lahoud.

Tout en poursuivant ses recherches, le général était constamment en contact avec le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, qui supervise l’enquête. Finalement, vers 10 heures du soir, au bout d’une épuisante attente tant pour les personnes convoquées que pour leurs avocats et pour les journalistes, ainsi sans doute que pour les investigateurs eux-mêmes, le général Salem a décidé d’élargir son enquête et de convoquer de nouveau MM. Salam et Lahoud ainsi que MM. Mahfouz Skayné (PDG de la Intra et membre du conseil d’administration de la MEA) et Hussein Kanaan (membre du conseil d’administration de la compagnie) pour de nouvelles auditions demain jeudi. Quant à Marwan Bardawil, il est toujours en détention préventive depuis neuf jours. Il n’a pas été entendu hier, malgré la présence de ses avocats, MM. Badawi et Antoine Abou Dib, qui sont restés au Palais de justice jusque tard en soirée. Bardawil devra donc attendre jusqu’à demain pour que l’on se penche de nouveau sur son sort. D’ici là, la justice aura eu des nouvelles de l’avocat de la Banque du Liban, M. Michel Tuéni, dépêché à Londres pour y rencontrer les représentants de la Singapore Airlines, qui avait fourni les 3 avions Airbus à la MEA le 4 juin dernier, sur base d’un contrat de location de 39 millions de dollars, puis les avait vendus un mois plus tard à 45 millions de dollars.
Si la justice est toujours convaincue que certaines parties ont encaissé des commissions pour la conclusion de ce contrat, elle n’a toujours pas réussi à déterminer les responsabilités. Lundi, une unité de la police judiciaire avait effectué une perquisition dans les locaux de la MEA pour saisir les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration, au moment de la conclusion du contrat, afin de connaître le rôle de chacun, et, hier, les investigations du général Salem ont été axées sur ce point. Le général Salem a ainsi commencé par entendre M. Bahaa Tamim, chargé d’effectuer les opérations de contrôle sur les avions de la MEA, et Mme Nadia Farhat, responsable du département informatique au sein de la compagnie. Il a aussi entendu le fils du PDG de la MEA, M. Sélim Salam, et il a ensuite demandé à ces trois personnes de s’en aller, tout en restant à la disposition de la justice.
C’est toutefois à contrecœur que Sélim Salam a quitté le Palais de justice, tant il était inquiet pour son père, soumis au feu roulant des questions du chef de la brigade criminelle. A plusieurs reprises d’ailleurs, les personnes qui attendaient dans les bureaux avoisinants ont entendu des éclats de voix, le général tentant sans doute d’intimider son interlocuteur. Et lorsque, vers 21 heures, il a envoyé chercher une copie du contrat de location, journalistes et avocats ont commencé à s’inquiéter, craignant le pire pour M. Salam. Installé dans son coin, le directeur général de la compagnie, M. Youssef Lahoud, un homme d’une grande dignité, attendait son tour depuis 10 heures du matin. Vers 21h15, il a été appelé, alors que M. Salam se trouvait encore chez le général. Mais la confrontation n’a duré que quelques minutes, à l’issue desquelles le général a annoncé laconiquement qu’un nouveau rendez-vous a été pris pour jeudi.
Que s’est-il donc passé tout au long de cette longue journée? L’enquête devant rester secrète, une seule chose est certaine: la justice n’a encore rien trouvé contre les personnes entendues. Mais elle poursuit ses recherches qui tournent essentiellement sur l’identification de la personne ou de la partie qui aurait encaissé des commissions. Cet élément est vital car le contrat de location comporte une clause stipulant que, si la location des avions a entraîné le versement de commissions, le contrat sera aussitôt annulé. Or, c’est justement l’annulation de ce contrat jugé défavorable à la compagnie que réclame la Banque centrale, principal actionnaire de la MEA. La justice a donc commencé ses investigations par Marwan Bardawil, représentant, avec son père Fouad, de la société américaine Boullioun, elle-même principal actionnaire de la SALE qui a acheté les avions loués par la MEA. Selon des documents parvenus à la justice, Marwan et Fouad auraient reçu de la Boullioun des sommes régulières depuis le début de l’année, qui pourraient être liées au contrat contesté par la Banque centrale. Mais les avocats de Bardawil ont présenté au Parquet des documents montrant que ces sommes étaient dérisoires et qu’elles représentent leurs honoraires. Placé en garde à vue depuis neuf jours, Bardawil n’a cessé de déclarer au général Salem que ni lui ni son père n’ont encaissé des pots-de-vin dans cette affaire et que, de toute façon , ils n’ont rien à voir avec ce contrat. C’est pourquoi le général a concentré hier ses investigations sur la MEA elle-même et son fonctionnement. Selon des sources proches de la compagnie, les rôles y sont bien distribués: le PDG négocie les contrats et définit l’orientation générale, alors que le directeur général s’occupe de la gestion des affaires quotidiennes et, par conséquent, il n’est nullement mêlé à la négociation des contrats de la compagnie.
Pendant plus de six heures, hier, entrecoupées de consultations avec le procureur Addoum, le général Salem a essayé de coincer le PDG de la compagnie . En vain.
Demain, jeudi, il l’entendra de nouveau, ainsi que MM. Lahoud, Skayné et Kanaan. Mais, en attendant, qui compensera les pertes de la MEA? Selon des sources proches de la compagnie , depuis le début de cette crise, la vente des billets d’avion de la MEA a baissé de 50%. De même, la compagnie souffre du manque d’avions: les trois Airbus loués ne pouvant être utilisés et les deux nouveaux achetés directement à la compagnie Airbus n’ayant pas encore été livrés. Sans oublier le fait que le PDG et le directeur général qui dirigent effectivement la compagnie sont immobilisés au Palais de justice deux jours par semaine, ce qui paralyse plus ou moins la compagnie et surtout porte atteinte à sa crédibilité. A tel point qu’un avocat s’est écrié: «Si on voulait briser cette compagnie, on ne s’y prendrait pas autrement».  Or, d’après la loi qui régit son fonctionnement, la Banque centrale, qui est le principal actionnaire de la MEA, peut détenir les actions pour deux ans au maximum. Au-delà de cette date, elle est obligée de les vendre. De plus, près d’un an s’est écoulé depuis que la Banque centrale a acheté les actions de la compagnie. Cette crise ne serait-elle donc qu’un prélude à la mise en vente de ces actions à des particuliers qui guettent sans doute cette occasion depuis longtemps? La justice n’a certes pas à répondre à cette question, son rôle étant de rechercher les crimes et les délits pour les punir ensuite. Mais politiciens et hommes d’affaires pourraient peut-être tenter de le faire.
Scarlett HADDAD

«C’est une véritable guerre des nerfs». L’avocat qui a lâché cette exclamation ne faisait qu’exprimer le sentiment général, à l’issue de la terrible journée d’investigations sur l’affaire de la MEA, hier, au Palais de justice. De 10 heures du matin à 10 heures du soir, le chef de la brigade criminelle, le général Béchara Salem, a mené son enquête sans...