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Actualités - CHRONOLOGIE

Alors que Siniora plaide en faveur de l'emprunt de deux milliards de dollars Le plan d'assainissement des finances divise les députés



Pour résumer le débat qui s’est engagé hier au sein de la commission parlementaire des Finances et du Budget, autour du plan proposé pour l’assainissement des finances publiques, on peut faire référence à l’adage populaire qui rappelle qu’«il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué».

La majorité parlementaire était en effet opposée à la discussion de ce plan tant qu’elle n’a pas en main des textes détaillant la mise en application et les retombées de chaque point, administratif ou financier, qu’il prévoit. (voir aussi page 4). Les députés les plus radicaux parmi l’opposition parlementaire ont même jugé que la réunion était illégale arguant du fait qu’elle ne portait pas sur l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi, mais sur une déclaration d’intention «qui n’est même pas revêtue d’une signature». Les plus modérés ont considéré qu’il est préférable d’attendre que le gouvernement concrétise ces idées sous forme de projets de loi pour pouvoir juger de leur opportunité et déterminer si elles sont applicables ou pas. N’empêche que la politique gouvernementale en matière de finances a été passée au crible, en présence de M. Fouad Siniora, et demain, mercredi, la commission doit s’attaquer au projet de loi de finances en commençant par les budgets de la présidence de la République et du ministère de la Justice.
De 11h20 à 14h40, les discussions au sein de la commission présidée par M. Khalil Hraoui, ont porté sur des généralités. Et pour cause: le débat autour de l’opportunité d’un examen des décisions prises durant les réunions de Aïn el-Tiné et de Baabda a duré... une heure et demie pour finir en queue de poisson, a-t-on appris de sources parlementaires. En définitive, les députés ont considéré que «le papier» qui leur a été distribué ne les engage en rien. C’est, partant de ce principe, qu’ils ont écouté les explications de M. Siniora sur les économies que l’Etat espère pouvoir réaliser à travers l’exécution du programme de redressement ainsi que sur l’avantage d’une restructuration de la dette publique en réduisant l’écart entre la dette interne et la dette externe. Rappelons que l’Etat a décidé d’emprunter 2 milliards de dollars pour financer le déficit du Trésor, tout en évitant d’augmenter la dette intérieure.

Wakim: Cacher la crise

Un des principaux détracteurs de ce projet, est, on l’aura deviné, le député Najah Wakim, qui a déclaré à «L’Orient-Le Jour», ne «pas comprendre comment on peut confier le redressement du pays à l’équipe qui l’a conduit à la faillite». Persuadé que l’objectif de l’emprunt de 2 milliards de dollars est de «dissimuler, pendant un certain temps, la gravité de la crise financière», M. Wakim a vivement reproché aux auteurs du programme d’assainissement des finances de l’Etat d’avoir occulté le problème du gaspillage et de la dilapidation des fonds publics. Il a aussi mis en garde contre la croissance de la dette externe, expliquant qu’au cas où le Liban ne pourrait pas la rembourser, ses créanciers mettront la main sur les avoirs de l’Etat, l’or en premier.
Il s’agit, en gros, des thèmes qu’il a développés au cours de la réunion. Moins alarmistes, mais tout aussi sceptiques, d’autres députés comme MM. Marwan Farès, Mohamed Fneiche et Nassib Lahoud ont affirmé ne pas voir exactement comment l’Etat parviendra à économiser les centaines de milliards de livres qu’il annonce. MM. Farès et Fneiche font partie des députés qui ont considéré que la réunion de la commission des Finances n’était pas dans les règles, en l’absence d’un texte de loi à discuter. «Il faut voir ce que le Conseil des ministres va décider. Il se peut qu’il s’oppose à la réduction du nombre des ministères. Je ne peux pas quand même approuver une décision qui n’a pas été prise», a déclaré M. Fneiche. S’il ne conteste pas l’opportunité des décisions envisagées pour l’assainissement du plan de redressement, il se montre sceptique quant à leur application en rappelant que les idées proposées aujourd’hui sont à quelques différences près, les mêmes que le gouvernement annonce depuis 5 ans. Même inquiétude du côté de M. Marwan Farès qui affirme en outre redouter que le programme d’austérité ne soit réalisé au détriment des couches les plus défavorisées de la population. Le député ne le dit pas, mais il semble très peu croire au miracle attendu du plan de redressement. «A-t-on oublié les affaires conclues au détriment du Trésor? Avant de se lancer dans un programme de réforme, ne faut-il pas ouvrir le dossier du gaspillage, exiger des comptes (des responsables) puis tenter de redresser la barre?».
M. Nassib Lahoud a de son côté réaffirmé que certain idées proposées «ne sont pas mauvaises» mais doivent être examinées en profondeur. Il a ainsi expliqué que les coupes budgétaires envisagées doivent être réalisées sur des bases bien précises pour éviter qu’elles n’aient un effet contraire à celui qui est escompté. «Le coût de certaines économies réalisées dans un domaine précis peut être très élevé. Il faut éviter ces risques», a-t-il déclaré. Il a aussi exprimé son scepticisme quant aux économies qui seront réalisées chaque année par le Trésor. «On pourra épargner 100 milliards de livres l’année prochaine, grâce aux idées suggérées. Mais qui nous dit que cette tendance persistera à l’avenir?», s’est demandé M. Lahoud qui a en outre réaffirmé ses réserves quant au procédé prévu pour l’endettement en devises, à savoir les «zéros coupons».

Les «zéros coupons»

Pour M. Siniora, ce mécanisme d’endettement ne présente que des avantages pour le Liban. Dans une conférence de presse qu’il a tenue au terme de la réunion, il a indiqué que ce système d’endettement est «pratiqué dans plusieurs pays pour réduire le coût de la dette». De la somme initiale accordée au Liban, le pays créditeur retiendra un montant qui sera placé en bons du Trésor américains et dont les intérêts seront réservés d’avance (zéros coupons). Le montant ainsi retenu générera au bout de dix ans au pays créditeur la somme prêtée initialement.
Dans le cas du Liban, 350 millions de dollars ôtés de l’emprunt des deux milliards envisagés, seraient placés en bons du Trésor américains pour une durée de 30 ans, selon les explications de M. Siniora qui n’a pas toutefois précisé auprès de qui l’argent sera emprunté. Il a rappelé la dernière émission de bons du Trésor en devises pour (400 millions de dollars) et a souligné la confiance que la communauté internationale place dans le Liban.
Prié de dire ce qui se passerait au cas où le cours des devises dans lesquels le prêt est contracté augmenterait, M. Siniora a éludé la question en se contentant de répondre: «Toute notre politique est fondée sur la stabilité de la monnaie nationale. Nous agissons sur cette base dans tous les arrangements que nous prenons dont l’emprunt en devises. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’une idée isolée puisqu’elle fait partie d’une série de mesures financières et économiques dont le but est de consolider la stabilité financière et le taux de change de la livre». Il convient de rappeler que c’est M. Nassib Lahoud qui avait répondu à cette question, durant sa conférence de presse de jeudi, lorsqu’il avait mis l’accent sur le risque que la dette contractée par le Liban augmente de facto à cause d’une augmentation de la valeur de la devise dans laquelle le prêt est accordé.
M. Siniora a quant à lui souligné l’écart entre le taux d’intérêt versé sur les bons du Trésor libanais (entre 19 et 25%) et celui servi sur les prêts en devises (9% au maximum selon lui) ainsi que l’économie d’argent que l’Etat pourrait ainsi réaliser. Tout cela, a-t-il ajouté, aura l’avantage de réduire les taux d’intérêts servis sur la livre et par conséquent de dynamiser l’économie, en encourageant le secteur privé à investir. Une dette en devises déchargera aussi l’Etat d’un lourd fardeau, a-t-il poursuivi, puisqu’il n’aura plus à payer des intérêts dans une période allant de 3 mois à deux ans (ce qui est le cas pour les bons du Trésor libanais) mais sur un délai allant de 10 ans à 30 ans.
Le ministre a en outre indiqué que le mot de la fin appartient en définitive à la Chambre.
Prenant ensuite la parole, M. Hraoui a exposé les grandes lignes du débat au sein de la commission, soulignant que la commission entamera demain l’examen des budgets alloués aux diverses administrations et qui doivent tous être réduits. La commission commencera par les budgets alloués à la présidence de la République et au ministère de la Justice, a-t-il dit. «Nous comptons sur la coopération du ministère des Finances dans la mesure où il doit nous fournir des informations complètes», a-t-il déclaré, en insistant aussi sur une restructuration de l’Etat «qui doit tenir compte des finances publiques en même temps que de la nécessité de développer l’administration».
Les députés poursuivront au cours des séances qui seront consacrées à l’examen du budget l’étude du projet d’emprunt extérieur puisque le gouvernement l’aura entre-temps formulé sous forme de projet de loi, a ajouté M. Hraoui. Il a en outre précisé que les députés ont réclamé, au cours de la réunion, l’élargissement de la base des contribuables, partant du principe qu’une large frange de Libanais ne paie pas d’impôts à l’Etat. «Cette mesure drainera au Trésor l’argent dont nous avons besoin pour réduire le déficit budgétaire» a-t-il fait remarquer.
Au Parlement, curieusement personne ne semble vouloir donner suite sérieusement au rapport de l’Inspection centrale, qui avait révélé une série de scandales financiers et exposé dans le détail et chiffres à l’appui l’ampleur du gaspillage dans les administrations publiques. Une enquête ne s’impose-t-elle pas s’il est tellement urgent de renflouer le Trésor? Interrogé à ce sujet, M. Hraoui a rappelé qu’il a demandé du ministère des Finances de lui fournir toutes les informations concernant les budgets des administrations. Un seul point a été oublié: des milliards de livres ont également disparu du ministère des Finances sans qu’on sache toujours qui est responsables d’une négligence qui a pu faciliter les détournements de fonds.
T.A.
Pour résumer le débat qui s’est engagé hier au sein de la commission parlementaire des Finances et du Budget, autour du plan proposé pour l’assainissement des finances publiques, on peut faire référence à l’adage populaire qui rappelle qu’«il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué».La majorité parlementaire était en effet opposée à la...