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Actualités - ANALYSE

Gouvernement : l'heure est à l'autocritique

Selon un membre éminent du Cabinet, «il est indéniable qu’une forte régression frappe actuellement les performances de notre équipe. On s’éloigne en réalité de plus en plus des beaux principes, des soi-disant postulats, des constantes louables dont se targuent les dirigeants de tout niveau, troïka en tête bien évidemment. Cette dégradation du comportement fait que les difficultés économiques actuelles se doublent d’une sérieuse crise psycho-politique qui en aggrave considérablement les effets. Au-delà des prétendues idylles, déclarations d’empathie «la main sur le cœur», des serments publics de coopération et d’harmonie retrouvée, tout le monde s’agite en coulisses pour glisser des peaux de banane sous les pas d’autrui. Un vrai panier de crabes dont le concert de crécelle exécuté en public n’est pas à prendre en considération. Les propositions des uns ou des autres, c’est du vent, de la poudre aux yeux pour duper l’adversaire comme l’opinion publique. Nul n’a l’intention de concrétiser ces louables résolutions car chacun, finalement, ne songe qu’à ses intérêts propres et se soucie de l’intérêt général comme d’une guigne, ou presque».
Ce ministre, dont on se demande s’il ne parle pas par expérience personnelle, souligne ensuite qu’«à la télé, on entend les responsables appeler de leurs voeux les plus ardents l’Etat des institutions, alors qu’ils font tout pour le saper. Ainsi, ni le Conseil des ministres, ni la Chambre des députés, à quelques rares occasions près, ne sont les organes décideurs que veut la Constitution. Leurs choix sont prédéterminés par les trois présidents. Et ce système de détournement des prérogatives va si loin qu’on voit le président de la Chambre participer activement, par ses pressions, par ses demandes, par ses refus aussi, au travail de base de l’Exécutif? Y a-t-il des nominations? Il a son mot à dire et de son côté le président du Conseil n’est pas en reste puisqu’il bloque tout ce qui ne lui convient pas personnellement dans la gestion des départements par les ministres. Bref, et l’opinion ne le sait que trop, c’est une lutte d’influence constante, sans répit et s’il arrive parfois aux dirigeants de se mettre d’accord, sur injonction des décideurs, ce n’est jamais que faux semblant, sur des points de détail qui d’ailleurs ne sont pas l’objet d’un différend de fond, en éludant les vrais conflits».

Paravent

«La meilleure illustration, poursuit cette personnalité, en est cet accord en six points conclu à Baabda et qui parle de tout sauf de ce qui divise réellement les protagonistes… qui, le lendemain même, ont du reste repris leurs bisbilles et chacun ses billes. On a bien vu en effet que MM. Hraoui et Hariri se sont querellés sur les nominations, tandis que MM. Hariri et Berry s’affrontaient sur le barème numéro neuf. Cet étrange ménage à trois est un permanent ballet par couples. C’est-à-dire que s’il est extrêmement rare de voir les trois brouillés tous ensemble, par contre il est très courant, quotidien même, que deux soient en conflit tandis que le troisième joue les conciliateurs, ou ricane tranquillement dans son coin».
Allant naturellement un peu plus loin dans la dénonciation des pratiques du pouvoir, un politicien opposant s’indigne que «le mépris des institutions, singulièrement de la Chambre, aille jusqu’au point que MM. Berry et Hariri, s’entourant de conseillers, négocient directement entre eux à coups de réunions à Aïn el-Tiné un arrangement sur le budget. Autant que la place de l’Etoile ferme boutique, on ferait ainsi des économies…».
Mécontentement que le ministre cité plus haut reprend pour le compte de l’Exécutif, en affirmant que «le chef du gouvernement n’a pas le droit, s’il n’est pas mandaté par le Conseil des ministres, de traiter avec le président de la Chambre en petit comité, même à titre officieux. Ce n’est plus de la «coopération», mais de la collusion. Et le pire, souligne ce ministre, c’est que le résultat, forcément et fortement personnalisé, devient dangereux: toute autre voie, toute autre solution qu’envisagerait la Chambre lors du débat sur le budget, deviendrait pour les deux dirigeants un tel camouflet que même les neutres, les indépendants, hésiteraient à leur infliger. Et c’est encore plus affligeant s’ils ne parviennent pas à s’entendre car alors il faudrait prendre parti pour l’un ou pour l’autre, pas pour l’intérêt national. Et cela à un moment où le pays est endetté de 13 milliards de dollars et où le déficit budgétaire frise les 60%…».
De son côté, M. Farès Boueiz, ministre des Affaires étrangères, soutient en privé qu’il compte bien ne pas fermer les yeux sur les aberrations qui ont cours actuellement «car ce serait trahir l’intérêt du pays… Nous allons donc assumer notre rôle, poser des questions, réclamer des comptes, car jamais en Conseil des ministres on ne nous expose les réalités», dit-il en substance.
Il reste que, comme le veut l’adage local, «l’œil voit, mais le bras n’est pas assez long» et il est douteux que l’opposition, toutes étiquettes confondues, puisse faire autre chose que protester verbalement…

Ph. A-A.
Selon un membre éminent du Cabinet, «il est indéniable qu’une forte régression frappe actuellement les performances de notre équipe. On s’éloigne en réalité de plus en plus des beaux principes, des soi-disant postulats, des constantes louables dont se targuent les dirigeants de tout niveau, troïka en tête bien évidemment. Cette dégradation du comportement fait que les...