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Actualités - ANALYSE

Les disputes des dirigeants indignent l'opposition

«On a beau savoir qu’il ne sert à rien de désespérer, on se demande vers quel gouffre la troïka est en train de mener ce pauvre pays. Mieux que personne, les présidents savent combien leurs querelles affectent l’économie d’une manière générale et les devises de la Banque centrale en particulier, mais ils n’en ont cure et continuent à se disputer pour la moindre broutille, l’unique souci de chacun d’eux étant apparemment de se montrer plus fort que les deux autres ou au moins aussi entêté».
L’opposant qui lance cet amer cri du cœur affirme que «pour futiles qu’elles paraissent, les raisons invoquées par les protagonistes pour justifier leurs disputes sont en réalité un paravent qui se veut «respectable» et qui cache des causes bien plus sordides, pour ne pas dire inavouables. Il est déjà inadmissible qu’on compromette la santé économique d’un pays encore chancelant par des conflits sur n’importe quel point, même théoriquement important; mais qu’on le fasse pour des considérations de vanité personnelle, et sur des questions stupides ou de faux problèmes comme les permutations de diplomates, relève proprement de la médecine psychiatrique, car c’est le comble de l’irresponsabilité. D’autant que les dirigeants n’ont même pas le réflexe, pourtant élémentaire quand on est au pouvoir, de se montrer discrets, de garder leurs différends entre quatre murs, de ne pas les rendre publics, pour ne pas alarmer l’opinion et ne pas susciter de tension sur la scène locale. Il est en outre évident que la pratique du black-out, qui permet donc de laver le linge sale en famille, facilite beaucoup les arrangements de conciliation et l’harmonisation des relations entre les pouvoirs».
«Il nous souvient, poursuit ce parlementaire, que lors de l’affaire Beydas dans les années soixante, Saïd Freiha avait publié un retentissant éditorial soulignant qu’au-delà de son hostilité pour Camille Chamoun, il devait reconnaître que ce dernier quand il était président avait le sens de l’intérêt public. Freiha expliquait aux cadres de l’époque que Chamoun interdisait pour sa part qu’on rendît publiques les éventuelles difficultés des banques et se démenait personnellement, le cas échéant, pour les faire renflouer en douce par des nababs du Golfe. Le regretté journaliste concluait en répétant que la discrétion est la première vertu d’un véritable homme d’Etat. Or les dirigeants d’aujourd’hui rivalisent à volonté dans l’étalage d’accusations réciproques, poussant parfois le sens du détail jusqu’aux limites de l’anecdote ou du cancan».

Le recours
aux médias

Et de souligner que «par le biais de leurs entourages respectifs les dirigeants bombardent les journaux de «révélations» quotidiennes, d’«analyses» ou d’«arguments» qui mêlent attaques et plaidoyers. Et ils en oublient de répondre à des questions simples que se pose le public, comme celle de savoir ce qu’ils ont fait de leur fameux accord de trêve en six points solennellement conclu il y a un mois à peine au palais présidentiel de Baabda. Autre chose: comment ces mêmes responsables qui par leur comportement plongent le pays dans l’inquiétude, peuvent en même temps se dire optimistes et dénoncer les gens qui les critiquent comme autant de propagateurs de sinistrose démoralisant la population. Si les Libanais ont des raisons de se plaindre, c’est avant tout parce qu’à cause de la gestion gouvernementale ils s’appauvrissent de jour en jour, des milliers de familles frôlant même la plus noire misère».
«Il faut croire que les responsables ne réalisent tout simplement pas où en est vraiment le pays, car nul ne peut penser qu’ils font exprès de lui faire subir tant d’avanies. L’optimisme qu’ils affichent, exception faite il faut dire pour le président de la république qui ces derniers temps (mais pas avant) s’alarme beaucoup pour la récession économique, tend donc à prouver qu’enfermés dans leurs tours d’ivoires et leurs rêves de puissance ou de gloire, ils ne voient pas bien ce qui se passe au niveau de la population. Doit-on rappeler qu’il y a quelque temps, M. Hariri lançait à l’adresse de M. Hraoui «le pays marche, monsieur le président». Il marche en effet, comme avait répliqué M. Farès Boueiz, mais pour où. On nous rapporte qu’aujourd’hui les haririens, citant leur chef, affirment que les brouilles occurrentes ne sont qu’un nuage qui passe. Ils ne se rendent pas compte, visiblement, que ce mauvais temps n’a pas l’air de passer du tout et nuit beaucoup au pays. A les en croire, les difficultés économiques ne seraient dues qu’au climat de tension provoqué par l’échéance présidentielle de l’an prochain. Il y a un peu de vrai là-dedans, sauf que la campagne lancée prématurément par M. Hariri lui-même a été coupée court par Damas, qui a justement fait valoir qu’elle serait trop préjudiciable à l’économie libanaise. Ce qu’il y a de vrai dans les assertions des haririens c’est que chaque camp cherche à bien se placer, tout en contrant les autres, dans la perspective de ces présidentielles. Et ils traitent le reste avec une affligeante désinvolture. Ainsi, comme le président de la commission parlementaire des Finances en a avisé le chef de l’Etat, dès le premier coup d’œil on s’est aperçu Place de l’Etoile que le projet de Budget présenté par le gouvernement est tout à fait bancal, bourré de chiffres approximatifs voire tronqués, ce qui risque d’aggraver les difficultés du Trésor. Ce n’est donc pas une vague fatalité qui est responsable de la crise, mais les pôles d’influence au pouvoir eux-mêmes», conclut cet opposant.

Ph.A-A.
«On a beau savoir qu’il ne sert à rien de désespérer, on se demande vers quel gouffre la troïka est en train de mener ce pauvre pays. Mieux que personne, les présidents savent combien leurs querelles affectent l’économie d’une manière générale et les devises de la Banque centrale en particulier, mais ils n’en ont cure et continuent à se disputer pour la moindre...