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Actualités - CHRONOLOGIE

L'état et Toufayli cherchent à éviter la confrontation Le chef de la révolte des affamés maintient ses menaces contre les ministres mais ne veut pas s'opposer à l'armée

Le chef de «la révolte des affamés» maintient ses menaces contre les ministres mais ne veut pas s’opposer à l’armée

Le gouvernement et cheikh Sobhi Toufayli semblent se livrer, pour l’heure, au jeu du chat et de la souris. Comme prévu, le Conseil des ministres réuni au Palais de Baabda sous la présidence du chef de l’Etat, le président Elias Hraoui, a chargé l’armée libanaise du maintien de l’ordre et de la sécurité dans la région de Baalbeck-Hermel pour une durée de trois mois, à compter d’hier, en application de l’article 4 de la loi de défense (Voir page 3).

Réagissant à la décision du gouvernement, cheikh Toufayli a appelé en fin de journée ses partisans à ne pas s’opposer à la troupe, mais dans le même temps il les a incités à continuer à interdire l’accès de Baalbeck-Hermel aux «requins de la finance et du pouvoir» (entendre, les ministres...). Loin de se laisser impressionner par la fermeté affichée par le gouvernement, le chef de la «révolte des affamés» a adopté en soirée une position en flèche contre les hauts responsables, invitant ses partisans à les «pourchasser dans chaque village».
La teneur des résolutions prises hier matin par le Conseil des ministres au sujet de cette affaire n’a été une surprise pour personne puisque dès mardi soir, le ton avait été donné par les milieux proches du pouvoir. La surprise est venue toutefois du flottement et des tiraillements qui ont accompagné la séance du Cabinet.
Sans trop se soucier du principe de la séparation des pouvoirs, le chef du Législatif Nabih Berry était en effet en contact permanent et direct, lors de la réunion du gouvernement, avec l’un de ses représentants au sein de l’Exécutif, le ministre Mahmoud Abou Hamdane. Motif de ces concertations intensives: M. Berry a exprimé de sérieuses réserves au sujet du délai de trois mois durant lequel le gouvernement désirait charger les forces régulières du maintien de la sécurité à Baalbeck-Hermel.
Le président de l’Assemblée — qui entretient des rapports normaux et courtois avec cheikh Toufayli — souhaitait que ce délai prenne fin le 31 décembre 97. Selon les sources proches de M. Berry, il avait été effectivement convenu mardi soir, lors des entretiens entre les pôles de la «troïka», que l’armée ne serait chargée de la sécurité à Baalbeck que pour une période d’un mois et demi, soit jusqu’à fin 97. La tendance de l’Exécutif à prolonger cette période jusqu’à la mi-février a semble-t-il été mal perçue par M. Berry.

Réserves

L’irritation du chef du Législatif s’est accrue, d’autre part, à la suite des informations faisant état de la velléité du gouvernement de proclamer l’état d’urgence à Baalbeck-Hermel. Le président de la Chambre aurait alors chargé M. Abou Hamdane d’informer le président Hraoui et M. Hariri de sa ferme opposition à une telle mesure. Celle-ci a été en définitive écartée et le gouvernement s’est contenté de donner un blanc-seing à l’armée.
Autre réserve formulée par M. Berry, et qui a été répercutée par l’attitude adoptée par les deux ministres d’«Amal» (Mahmoud Abou Hamdane et Ayoub Hmayed): le chef du Législatif souhaitait que le volet sécuritaire des résolutions du Conseil des ministres s’accompagne de promesses fermes concernant l’exécution du programme de développement prévu pour la Békaa (et pour lequel un budget de 150 milliards de LL a été décidé). M. Hariri, appuyé en cela par la majorité des membres du gouvernement, a toutefois refusé d’établir un lien entre les deux questions.
Le Conseil des ministres a ainsi tenu à présenter les résolutions sécuritaires comme étant indépendantes et sans aucun rapport avec le programme de développement rural lié aux 150 milliards. De fait, ce dernier point n’a pas été discuté lors de la séance du Cabinet. Le ministre de l’Information Bassem el-Sabeh s’est contenté de préciser à ce propos que ce dossier sera évoqué dans deux semaines au cours d’une réunion ordinaire du Conseil des ministres.
Ces différentes considérations, et surtout le souci évident de ménager aussi bien cheikh Toufayli que la base chiite de la Békaa, ont poussé les deux ministres d’«Amal» ainsi que le ministre de la Défense Mohsen Dalloul (originaire de la région de Baalbeck-Hermel) à exprimer officiellement leurs réserves au sujet des résolutions adoptées par le gouvernement. Il reste qu’en début d’après-midi, soit peu de temps après la fin de la séance du Cabinet, M. Berry a nuancé sensiblement sa position, soulignant que les décisions du gouvernement constituaient une «formule acceptable».

La réaction de Toufayli

La question qui se pose maintenant est de savoir comment la situation pourrait évoluer sur le terrain. Le pouvoir et l’armée iront-ils jusqu’au bout dans leurs efforts visant à mettre au pas les partisans de cheikh Toufayli? Les responsables oseront-ils donner suite aux commissions rogatoires qui avaient été lancées en septembre dernier par le parquet afin d’appréhender tous ceux qui incitent à la désobéissance civile? Alors que jusqu’ici il n’a cessé d’appliquer une justice sélective et d’adopter une attitude partiale et déséquilibrée sur le plan national, le pouvoir parviendra-t-il à juguler la fronde de ceux qui bafouent quotidiement son autorité et appellent ouvertement à la désobéissance civile?
Cheikh Toufayli affirme devant ses visiteurs qu’il ne s’attend pas à une vague d’arrestations parmi ses partisans. Dans l’immédiat, il devra cependant être confronté à un test significatif. Les forces régulières pourraient sous peu entreprendre un coup d’éclat (médiatique) en fermant la station radio émettant au nom de son mouvement dans la Békaa. Hier soir, le chef de la «révolte des affamés» affirmait qu’il ne s’opposerait pas, le cas échéant, à une telle mesure afin de ne pas entrer en conflit avec l’armée.
De fait, dans un communiqué publié à l’issue de l’annonce des résolutions du Conseil des ministres, cheikh Toufayli devait appeler ses partisans à ne pas entrer en confrontation avec la troupe «quelles que soient les circonstances». «Si vous vous opposez à l’armée vous ne ferez que réaliser l’objectif recherché par les voleurs, (les membres du gouvernement), a souligné cheikh Toufayli. Accueillez favorablement l’armée car elle n’est pas votre adversaire», a ajouté le chef de l’aile radicale du «Hezbollah».
Cheikh Toufayli adopte un tout autre ton à l’égard des hauts responsables officiels. «Poursuivez les requins de la finance et du pouvoir, a-t-il souligné dans son communiqué. Ne les laissez pas spolier votre terre sacrée. Poursuivez-les dans chaque village car ils sont les ennemis de Dieu. Ne les laissez pas entrer dans la région, à moins qu’ils ne soient cachés dans des blindés de l’armée».
A l’évidence, cheikh Toufayli paraît déterminé à défier jusqu’au bout le gouvernement. Il semble prendre sur ce plan des risques calculés. Il reste que le sort véritable qui sera réservé aux mesures annoncées hier en Conseil des ministres permettra de déterminer dans quelle mesure le chef de l’aile radicale du mouvement intégriste bénéficie de la couverture, ou tout au moins de la complicité tacite, de certaines forces influentes sur la scène locale.
Michel TOUMA
M.T.
Le chef de «la révolte des affamés» maintient ses menaces contre les ministres mais ne veut pas s’opposer à l’arméeLe gouvernement et cheikh Sobhi Toufayli semblent se livrer, pour l’heure, au jeu du chat et de la souris. Comme prévu, le Conseil des ministres réuni au Palais de Baabda sous la présidence du chef de l’Etat, le président Elias Hraoui, a chargé...