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Actualités - CHRONOLOGIE

Oies, maïs et scirpe

La réserve animalière de Cap Tourmente, située à 60 kilomètres à l’est de Québec, accueille, comme chaque année à la même période, des dizaines de milliers de grandes oies des neiges.
Cependant, le rituel millénaire, qui voit ces grands oiseaux faire escale à mi-chemin de leur migration de 5.000 kilomètres entre leurs aires de nidification de l’Arctique canadien et la côte est des Etats-Unis, est en voie de transformation.
Depuis l’adoption d’un traité international sur les oiseaux migrateurs en 1916, où elles n’étaient que 3000, les oies des neiges s’en sont bien sorties.
Plus récemment, leur population a explosé, passant d’environ 200.000 il y a vingt ans à près de 900.000 cette année. Et elles continuent de se multiplier à un rythme qui confond les scientifiques.
«Il y a en moyenne trois jeunes par couple cet automne», estime Francine Rousseau, biologiste à la réserve. «Normalement, la moyenne est de deux par couple. La population a crû de 37% cette année», dit-elle.
L’espèce a profité ces dernières années d’étés relativement cléments dans leur zone de nidification et de reproduction, située dans le grand nord canadien, affirme Francine Rousseau, mais cela n’explique pas tout.
Pourtant, la civilisation joue apparemment contre les oies. Les routes, la voie maritime du Saint-Laurent et les terres agricoles ont fait disparaître 88% des zones humides comme celles à l’est de Québec, où les oies se nourrissent de scirpe d’Amérique, une plante des marais salés.
Mais au cours des années, les oies ont découvert que les champs semés de maïs peuvent être très nourrissants, surtout que la période des semences coïncide avec leur migration printanière, à la fin mars et en avril.
«Les oies ne s’arrêtent plus uniquement en terres humides maintenant, affirme Francine Rousseau. Il est de plus en plus difficile de prévoir leur comportement».
Les champs de maïs sont particulièrement appétissants pour les oies, car au printemps, le scirpe n’a pas eu le temps de se remettre du passage des volatiles lors de l’automne précédent.
Si les ornithologues amateurs aiment pouvoir observer ces grandes voyageuses dans toute la province, loin de son escale naturelle du Cap Tourmente, les agriculteurs se désolent de voir leurs champs pillés au printemps.
Par ailleurs, les scientifiques s’inquiètent pour les aires de reproduction du Grand Nord, des zones fragiles que les oies pourraient endommager par leur grand nombre.

Sur les battures

Plusieurs solutions sont envisagées, dont le prolongement de la saison de chasse, mais, ironiquement, ce sont les chasseurs qui sont en voie de disparition au Québec. Année après année, le nombre de permis délivrés diminue.
Une nouvelle saison de chasse pourrait être créée au printemps. Actuellement, la chasse aux oies blanches n’a lieu qu’à l’automne. On pourrait aussi ouvrir une chasse commerciale, mais le marché pour cette volaille sauvage est loin d’être assuré.
Tout changement aux règles de la chasse devrait de toute façon être soumis à l’approbation des Etats-Unis, partenaires du Canada dans le traité sur les oiseaux migrateurs.

De leur côté, les biologistes de la réserve cherchent d’autres solutions. Colonisée dès 1626, la région du Cap Tourmente est très fertile. Elle recouvre l’extrémité est de la vallée du Saint Laurent, à l’endroit où le grand fleuve rencontre les montagnes Laurentides.

Même après la création de la réserve animalière en 1971, les terres ont été louées aux agriculteurs, en partie pour préserver l’aspect patrimonial de l’activité. Mais cette année, les biologistes ont réservé certains champs pour leurs expériences.
«Nous avons semé du blé d’hiver et du seigle en août pour que les oies aient de quoi manger le printemps prochain et se tiennent loin des autres champs de la région», explique Francine Rousseau.

Jusqu’ici, l’expérience semble un échec. «Elles ont tout mangé cet automne». En effet, des dizaines de milliers de ces palmipèdes de trois kilos se repaissaient sous nos yeux des jeunes pousses de blé.
«Il semble qu’elles déterrent tout, remarque la biologiste. Je doute qu’il reste grand-chose quand elles reviendront au printemps».

Les biologistes peuvent se consoler, la croissance phénoménale de la population d’oies des neiges indique que la pollution n’a pas trop affecté leur garde-manger du Saint-Laurent.
Alors que la marée descend, les grands oiseaux s’abattent par milliers sur les «battures» du fleuve. Ces grandes plages boueuses qui atteignent jusqu’à un kilomètre de largeur sont couvertes de scirpe.
On pourrait s’inquiéter pour leur santé: l’estuaire du Saint Laurent est aussi l’habitat des baleines béluga, qui absorbent tant de toxines que leurs carcasses doivent être traitées comme des déchets toxiques.
Mais la pollution ne semble affecter ni le scirpe ni les oies qui viennent le picorer pendant quelques semaines chaque année, selon Francine rousseau. «Les plantes sont en bonne santé et les oies aussi», affirme-t-elle. (Reuter)
La réserve animalière de Cap Tourmente, située à 60 kilomètres à l’est de Québec, accueille, comme chaque année à la même période, des dizaines de milliers de grandes oies des neiges.Cependant, le rituel millénaire, qui voit ces grands oiseaux faire escale à mi-chemin de leur migration de 5.000 kilomètres entre leurs aires de nidification de l’Arctique canadien et la...