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Actualités - ANALYSE

Désignations pour les municipales : ou tout ou rien, clame l'opposition

La levée de boucliers populaire contre le privilège que le pouvoir veut s’octroyer de désigner un tiers des édiles dans plus de la moitié des agglomérations libanaises, à l’occasion des prochaines «élections» municipales, impressionne visiblement les parlementaires dont bon nombre se déclarent dès lors opposés au projet gouvernemental.
Ces députés ont «trouvé un truc»: ou tout ou rien, disent-ils. Ou le pouvoir nomme tout les conseils municipaux ou il laisse le peuple les élire tous… «De la sorte, ajoutent-ils, on cesserait au moins de danser d’un pied sur l’autre et de prendre la démocratie ainsi que la Constitution pour des mots creux dont on fait une mascarade. Que le gouvernement assume donc pleinement ses responsabilités, en choisissant soit le coup de force flagrant soit la compétition démocratique. Qu’il cesse d’insulter l’intelligence des Libanais en lançant une OPA tronquée qui le rendrait maître de la plupart des municipalités sous l’hypocrite paravent de simili-élections. Qu’on ne rende pas le peuple responsable des dérives, financières ou gestionnaires, qui auraient lieu par la suite au niveau des municipalités noyautées sous prétexte qu’il aura voté».
Et d’affirmer ensuite que, «même dans les villages occupés, le jeu démocratique doit suivre normalement son cours. On veut y procéder à des désignations sous prétexte que des édiles élus seraient à la botte de l’occupant… Mais les désignés aussi, forcément, sans quoi ils seraient chassés de la zone ou réduits au chômage. La véritable autre option serait qu’on laisse ces villages sans conseils municipaux jusqu’à ce que l’occupant soit parti…».
Au sujet de la désignation du tiers des membres dans les villages à composition confessionnelle panachée, dans les grandes villes, dans les villégiatures ainsi que dans les villages dont les populations ont été déplacées, les députés font valoir que «le remède est pire que le mal. On prétend s’arroger le droit de désigner des édiles qui devraient être élus sous le fallacieux prétexte de faire respecter les dosages confessionnels et de préserver ainsi les équilibres au nom de l’entente nationale. En réalité, les dosages en question se mettent grosso modo en place d’eux-mêmes, à cause de la composition des populations, et s’il y a déséquilibre quelque part, il est compensé par un déséquilibre en sens inverse ailleurs. Et même si partout cela devait être une seule communauté qui l’emportait, l’élection serait encore préférable dans l’ordre pratique des choses à la désignation. Pour la bonne raison que des édiles élus sont pratiquement forcés de travailler pour l’intérêt général et pour leurs électeurs, tandis que des parachutés ne serviraient probablement que leur poche et celle des dirigeants-leaders dont ils dépendent. De plus, comment le système prétend-il aller vers la déconfessionnalisation et l’Etat laïc si, même au niveau de la gestion des affaires municipales, qui n’est pas de la politique à proprement parler, il veut consacrer le clivage confessionnel? D’autre part, pourquoi désigner et ne pas faire, comme pour les législatives, une répartition confessionnelle des sièges, comme cela avait été d’ailleurs le cas lors des dernières municipales en 1963?…».

Echos

Bien que taëfistes — sans quoi ils ne seraient pas députés, ces politiciens dénoncent ensuite «l’exploitation abusive par le pouvoir du thème de l’entente nationale évoqué dans Taëf. Tous les gouvernements qui ont été formés depuis l’avènement de la nouvelle république en 1989 prétendent être le reflet de cette entente nationale alors que ce n’est vrai pour aucun d’eux. De même, les législatives de 1992 et de 1996 ont consacré et aggravé la césure entre deux Liban politiques distincts, dont l’un est délibérément exclu de la scène gouvernementale et n’est représenté à la Chambre que d’une façon aussi édulcorée que rachitique. Le pouvoir chante l’entente et ne cesse en réalité de la bafouer. Il serait temps, concluent ces sources parlementaires, qu’à l’occasion des municipales, on laisse le peuple s’exprimer totalement, librement, car il n’a pas meilleur porte-voix pour l’entente et la coexistence que lui…».
Une remarque qui fait parfaitement écho au verdict prononcé dimanche dernier en chaire par le patriarche Sfeir qui a souligné en substance que «le pouvoir déroge à l’ordre démocratique et outrepasse les prérogatives octroyées par le peuple libanais quand il se permet de nommer à la place de ce même peuple ses représentants au sein d’assemblées législatives ou municipales». Le prélat a ajouté que beaucoup craignent «la réédition à l’occasion des municipales des fautes commises lors des législatives qui, dans certains secteurs, ont produit des «représentants» sans lien avec les électeurs composant leur communauté, ce qui a engendré un déséquilibre qu’il serait souhaitable de ne pas voir se renouveler au niveau des élections municipales».

A noter, toujours à ce propos, qu’outre la controverse sur l’opportunité de désignations auxquelles nombre de ministres sont eux-mêmes opposés, on se demande comment le pouvoir résoudrait, si d’aventure il emportait le morceau à la Chambre, ce double dilemme: qui va désigner et qui va être désigné?… Dès qu’on y viendrait, ce serait sans doute derechef, et pour ne rien changer, un magnifique crêpage de chignon au sein de la troïka, les leaders régionaux se mêlant en outre à la mêlée pour la rendre plus confuse. Sport pour sport, autant laisser faire les urnes… Après 34 ans d’interruption, le jeu en vaut certainement la chandelle.

E.K.
La levée de boucliers populaire contre le privilège que le pouvoir veut s’octroyer de désigner un tiers des édiles dans plus de la moitié des agglomérations libanaises, à l’occasion des prochaines «élections» municipales, impressionne visiblement les parlementaires dont bon nombre se déclarent dès lors opposés au projet gouvernemental.Ces députés ont «trouvé un...