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Actualités - REPORTAGE

Affaire Karamé : Geagea et ses compagnons nient leur culpabilité


Le Palais de justice a retrouvé hier son agitation des grands jours, ceux où les procès impliquant le chef des «Forces libanaises» dissoutes, M. Samir Geagea, transformaient l’endroit à la fois en une caserne militaire, lieu de pèlerinage et curiosité à visiter sans délai. C’est donc dans l’atmosphère habituelle de rush médiatique que se sont déroulés les interrogatoires préliminaires des 5 suspects arrêtés dans l’affaire de l’assassinat de l’ancien premier ministre Rachid Karamé. A la tête des inculpés, M. Samir Geagea, contre lequel l’acte d’accusation a requis la peine de mort. Mais il y a aussi le colonel Khalil Matar passible d’une peine de détention à perpétuité parce que, selon l’acte d’accusation, il a été considéré comme un participant direct au crime. Il y a encore deux membres du service de sécurité des FL dissoutes, Aziz Saleh et Antoine Chidiac, ainsi que le sergent des FSI, Camille Rami (condamné à 10 ans de prison par le tribunal militaire pour une affaire de collaboration avec l’ennemi, doublée d’une tentative d’assassinat contre le brigadier Ghazi Kanaan), tous trois considérés comme des complices directs et passibles eux aussi de la détention à perpétuité. Comme c’est devenu courant dans ces affaires, les 5 inculpés ont rejeté les accusations portées contre eux, mais il faudra attendre le procès conduit par la Cour de justice, pour connaître le mot de la fin.

Selon les témoins, les inculpés ont été amenés au Palais de justice en trois convois, le premier pour M. Geagea, le second pour le colonel Matar, Aziz Saleh et Antoine Chidiac et le troisième pour le sergent Rami, le seul des 5 à être détenu à la prison de Kfarchima (les autres se trouvant au ministère de la Défense). Aussitôt, certaines entrées du Palais de justice ont été bloquées, alors que l’accès au bureau du magistrat Ralph Riachi, (membre de la Cour de Justice et président de la Chambre pénale de la Cour de cassation), chargé de l’interrogatoire préliminaire des inculpés, a été interdit aux journalistes. Même le petit garçon de huit ans qui vend des biscuits et des cigarettes au Palais de justice n’a pu s’approcher de l’aile mobilisée pour ces interrogatoires.

Entrevue entre Geagea
et sa femme

A 10h30, avant d’entamer l’interrogatoire de M. Geagea, le président Riachi a autorisé son épouse, Sethrida, à le voir 5 minutes, dans son bureau et en sa présence. En sortant, Mme Geagea parvenait difficilement à cacher son émotion: «C’est la première fois depuis plusieurs mois que je le vois sans être séparée de lui par une vitre, comme c’est le cas à Yarzé. Et j’ai l’impression que la vitre a un effet grossissant. Je l’ai trouvé si maigre...»
Sethrida s’en est allée et l’avocat de M. Geagea, Me Jihad Abdallah, est entré dans le bureau du président. Selon lui, l’interrogatoire a été très rapide. Comme il s’agit en fait d’une simple formalité de procédure, il n’a duré que 5 minutes et il s’est limité à des questions sur l’identité de l’inculpé, sur celle des avocats qui vont se charger de sa défense (dans le cas de Geagea, il s’agit de MM. Naïm, Karam, Prince, Abdallah et Bcherraoui) I, sur le fait de savoir s’il a reçu une copie de l’acte d’accusation, ainsi qu’une dernière question pour savoir rapidement s’il a des remarques à faire. Selon Me Abdallah, Geagea a répondu à toutes les questions, précisant qu’il confirme sa déposition devant le juge d’instruction, M. Georges Ghantous. Il a toutefois ajouté qu’il a deux remarques à formuler: la première concerne ce procès, qui, selon lui, fait partie du complot ourdi contre les «Forces libanaises», en raison de leur position vis-à-vis du gouvernement. La seconde, toujours selon Me Abdallah, demande au juge de l’autoriser à s’entretenir en privé avec ses avocats, avant la première audience publique car, jusqu’à présent, lorsqu’il les rencontre, c’est toujours en présence de tiers.

Incident réglé

Alors que M. Geagea se trouvait chez le juge, le bâtonnier de l’ordre des avocats, Me. Chakib Cortbawi, est entré dans le bureau où se déroulait l’interrogatoire. Sollicité par les avocats qui ont été empêchés de se rendre dans les cours d’appel par les soldats en charge de la sécurité des inculpés, Me Cortbawi était venu intercéder pour la levée de cette interdiction. Il s’était auparavant entretenu avec l’officier , lui reprochant de prendre de telles mesures et lui déclarant: «Ce n’est pas normal que vous ne puissiez protéger vos détenus qu’en utilisant de tels procédés». Le président Riachi a déclaré au bâtonnier qu’il ferait mieux de s’adresser au président du Conseil supérieur de la magistrature, M. Mounir Honein. De fait, ce dernier a aussitôt contacté le colonel Salloum qui a très rapidement réglé l’incident. Mais, en attendant, dans les couloirs du Palais de justice, la tension était montée d’un cran. D’autant qu’à l’arrivée de M. Geagea, les personnes présentes ont été violemment sommées de détourner la tête. Quelques-unes ont pu quand même apercevoir une frêle silhouette vêtue d’un jeans et d’un blouson bleu, gravissant rapidement les escaliers, entourée d’une marée de soldats...
Après Geagea, ce fut le tour du colonel Khalil Matar (frère de l’évêque de Beyrouth). Matar a été introduit avec un de ses avocats, Me Badawi Abou Dib, le second, Me Rachad Salamé étant resté dehors. Selon Me Abou Dib, Khalil Matar a confirmé les dépositions données au cours de l’enquête préliminaire, mais il a précisé que, devant le juge d’instruction, certains mots sont restés vagues alors que l’acte d’accusation s’est basé sur ces erreurs, et a ainsi abouti «à des conclusions irréalistes, peu scientifiques et illogiques». Le colonel Matar a rejeté devant le président Riachi les accusations portées contre lui.
Antoine Chidiac a été ensuite introduit avec son avocat, Me Abdo Abou Tayeh, qui a, lui aussi, déclaré à l’issue de l’interrogatoire, que son client a nié toute implication dans ce crime. Même chose pour Aziz Saleh et son avocate Me Saydé Habib. Le dernier à avoir été interrogé est le sergent des FSI Camille Rami. Son avocat Me Emile Younès a été moins catégorique, niant certains faits, mais laissant à la Cour de justice le soin de juger si les accusations portées contre son client sont justifiées ou non.

Le procès de l’année

Ainsi, en moins d’une heure, l’interrogatoire préliminaire des 5 inculpés a été achevé. Le magistrat Riachi s’est alors rendu auprès du président du CSM, M. Mounir Honein (qui est aussi le président de la Cour de Justice, l’instance en charge de ce procès) pour l’informer de ce qui s’est passé. Désormais, il ne reste plus qu’à fixer la date d’ouverture de ce procès qui s’annonce particulièrement important, tant par la personnalité des inculpés que par le crime lui-même qui a abouti à l’assassinat d’un premier ministre en exercice, M. Rachid Karamé, tué dans l’hélicoptère qui le transportait de Tripoli à Beyrouth le 1er juin 1987.
Des sources judiciaires ont précisé qu’il fallait désormais attendre l’expiration du délai légal de convocation des inculpés en fuite (10 jours) avant de fixer la date de l’audience d’ouverture. Rendez-vous donc à la mi-novembre pour ce qui sera sans doute le procès de l’année.
Scarlett HADDAD
Le Palais de justice a retrouvé hier son agitation des grands jours, ceux où les procès impliquant le chef des «Forces libanaises» dissoutes, M. Samir Geagea, transformaient l’endroit à la fois en une caserne militaire, lieu de pèlerinage et curiosité à visiter sans délai. C’est donc dans l’atmosphère habituelle de rush médiatique que se sont déroulés les...