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Actualités - CHRONOLOGIE

Procès Papon : la France a du mal à conjurer son passé

Le procès à Bordeaux de Maurice Papon, le dernier des Français jugé pour complicité dans l’Holocauste, qui devrait reprendre lundi, n’a apporté jusqu’ici qu’une seule certitude: la difficulté pour la France à exorciser le chapitre le plus sombre de son histoire contemporaine.
Certes, elle n’est plus à l’époque pas très lointaine — les années soixante — où les gouvernements successifs avaient jugé nécessaire d’interdire la diffusion à la télévision, du film Le Chagrin et la Pitié, le premier documentaire à jeter une lumière crue sur la compromission entre une partie du pays et l’occupant nazi.
Mais le procès de ce vieillard de 87 ans, serviteur à Bordeaux durant la Seconde Guerre mondiale du gouvernement de Vichy avant de s’affirmer résistant et de poursuivre après guerre une carrière brillante, a porté un coup supplémentaire aux mythes forgés par le général Charles de Gaulle pour faire retrouver à la France sa grandeur perdue.
Les dérapages du procès sur la guerre d’Algérie et les déclarations de certains témoins cités par la défense ont déclenché des controverses passionnelles dans la presse, chez les historiens et surtout dans le monde politique.
L’une des charges les plus fortes est venue d’un ancien baron du gaullisme, Olivier Guichard, qui a déclaré à la barre que «tous les premiers ministres du général ont été dans la fonction publique (du gouvernement) de Vichy» et évoqué «le mythe gaulliste qui commençait par dire que le régime de Vichy n’a pas existé», auquel s’ajoutait un autre mythe, selon lequel «les Français ont gagné la guerre».
Certains ont cru voir à travers la remise en cause des dogmes du gaullisme, une tentative de déstabilisation supplémentaire du RPR, le parti gaulliste du président Jacques Chirac qui a perdu les élections législatives de juin dernier.
«Assez, assez, assez», a lancé il y a quelques jours Philippe Séguin, l’actuel président du RPR, en estimant dans les colonnes du Figaro que le procès Papon était devenu «prétexte à deux procès»: celui du général De Gaulle et du gaullisme, celui de la France.

Excuses

Le premier ministre Lionel Jospin a dû intervenir au Parlement pour désamorcer la polémique en affirmant que le procès Papon était le procès d’un homme et pas celui d’une époque, du gaullisme ou de la France.
Depuis des années, la classe politique française se déchire périodiquement sur le point de savoir si la responsabilité du régime de Vichy dans les persécutions antisémites et la déportation des juifs engageait celle de la France. Dans le droit fil du général De Gaulle, François Mitterrand avait toujours refusé de «faire des excuses, au nom de la France», républicaine pour des crimes commis par un régime qu’il dénonçait comme illégitime.
En juillet 95, le président Jacques Chirac avait pour la première fois reconnu la responsabilité de «la France» qui avait alors, selon lui, «commis l’irréparable». A l’époque, Lionel Jospin avait approuvé le chef de l’Etat. Devenu premier ministre, il a précisé qu’il «s’agissait de reconnaître qu’un gouvernement, une administration de notre pays, ont alors commis l’irréparable».
Le débat en tout cas va durer au procès de Bordeaux, interrompu deux jours par l’hospitalisation de l’accusé victime selon son avocat d’une bronchite. Si M. Papon est en état lundi de reprendre sa place dans le box des accusés, le tribunal donnera la parole cette semaine aux historiens, en commençant par l’Américain Robert Paxton, longtemps professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Columbia (New York).
Plus de vingt ans après, le livre de M. Paxton, «La France de Vichy», paru en 1973, demeure un classique et son auteur le précurseur d’un nouveau courant d’analyse historique sur cette période sombre de la France. (AFP)
Le procès à Bordeaux de Maurice Papon, le dernier des Français jugé pour complicité dans l’Holocauste, qui devrait reprendre lundi, n’a apporté jusqu’ici qu’une seule certitude: la difficulté pour la France à exorciser le chapitre le plus sombre de son histoire contemporaine.Certes, elle n’est plus à l’époque pas très lointaine — les années soixante — où...