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Actualités - CHRONOLOGIE

Les malades des ministères continuent d'être admis Les hôpitaux privés unanimes : priorité à l'humanitaire Mais les établissements restent déterminés à obtenir gain de cause


Mais les établissements restent déterminés à obtenir gain de cause
Lorsque le syndicat des hôpitaux privés avait décidé au cours de son assemblée générale du 20 octobre de cesser de recevoir les malades des ministères de la Santé et de la Défense, quelques établissements hospitaliers avaient voté contre cette décision qu’ils avaient jugée injuste. Mais la majorité l’avait emporté: c’était ça ou...la faillite à moyen terme, estime-t-on dans les milieux concernés. Refuser d’admettre les malades qui veulent se faire soigner aux frais de l’Etat ou leur faire payer les factures d’hospitalisation, quitte à ce qu’ils soient ensuite remboursés par les ministères, est donc le seul moyen de pression que les 140 hôpitaux libanais ont pu trouver pour obtenir de l’Etat le paiement des dizaines de milliards de livres qu’il leur doit. Du coup, des centaines de milliers de Libanais qui n’ont pas les moyens de se faire hospitaliser ont pris peur: «Et s’il nous arrivait quelque chose avant que ce problème ne soit réglé?»
Les responsables de plusieurs hôpitaux interrogés n’hésitent pas à répondre: «Ils seront bien sûr admis. Même s’ils n’ont pas d’argent, on ne va pas les mettre à la porte». «Il y a là une nécessité médicale et humaine», renchérit le président du syndicat des hôpitaux privés, le Dr Fawzi Adaïmi.
Ainsi, sur le plan pratique, rien n’a changé dans le comportement des hôpitaux privés à l’égard des malades démunis. Des établissements comme l’hôpital St-Georges à Beyrouth, la clinique du Dr Rizk, l’hôpital Hammoud à Saïda, l’AUH ou l’hôpital libanais de Geitawi, affichent complet s’agissant des lits réservés aux ministères. Il n’y a pas que les cas d’urgence qui sont admis. Tous les malades dont l’état risque de s’aggraver sont acceptés. Le problème, comme toujours, est de trouver un lit vide. «Nous avons 40 lits réservés aux malades du ministère de la Santé, dont 35 ou 38 sont aujourd’hui occupés, et certains par des personnes dont le cas n’est pas urgent. Mais ces gens-là avaient demandé à être admis il y a un mois à l’hôpital pour se faire opérer. Nous ne pouvions pas à la dernière minute annuler leurs rendez-vous», déclare M. Antoine Choueiri, un des responsables financiers de l’hôpital St-Georges.

Des établissements
à but non lucratif

L’établissement en question se conforme à la décision du syndicat, mais «dans la mesure du possible». Idem du côté de l’Hôpital libanais qui réserve 24 lits pour les malades du ministère mais qui en traite 27 aujourd’hui. «L’Hôpital libanais est un établissement à but non lucratif. Nous ne pouvons pas ne pas admettre des malades même si nous ne sommes pas remboursés par l’Etat», précise la directrice de l’établissement, sœur Josepha Abou Jaoudé.
C’est un peu comme l’hôpital St-Georges qui est géré comme on le sait par la communauté grecque-orthodoxe. Cet établissement n’a pas renouvelé son contrat avec le ministère de la Défense. Il n’en demeure pas moins qu’il ne refuse pas les malades qui se font soigner à ses frais lorsqu’il s’agit de cas d’urgence. Ce qui fait que même sans contrat, l’armée doit aujourd’hui à l’hôpital quelque 300 millions de livres «Nous dépendons d’une Eglise. Nous ne pouvons pas ne pas coopérer avec l’Etat. Même s’il ne nous paie pas, nous sommes obligés de traiter les malades, sans compter que les bénéfices que nous faisons servent à entretenir et à développer l’hôpital», ajoute M. Choueiri.
Si bénéfices il y a. La clinique du Dr Rizk, l’AUH ou l’hôpital Hammoud de Saïda ne relèvent pas de communautés religieuses. Ils ont pourtant les mêmes problèmes financiers. M. Sami Rizk, directeur de la clinique du même nom, affirme, à l’instar de sœur Josepha, «avoir une responsabilité humaine» à l’égard des malades qu’il traite et qui fait qu’il ne peut pas fermer devant eux ses services de dialyse, de chirurgie cardiaque, de traitement oncologique...

Un problème de dettes

L’hôpital Hammoud dessert pour sa part une grande partie du Liban-Sud. Il reçoit régulièrement les blessés des bombardements israéliens. Il accueille aussi de nombreux malades envoyés par les petits hôpitaux du Sud n’ayant pas les mêmes moyens techniques que cet établissement devenu indispensable pour la région. Ici, la plupart des malades se font traiter aux frais des ministères. Ils viennent pour la plupart des régions les moins favorisées du Liban-Sud et certains n’ont même pas les moyens de se payer le trajet jusqu’à Beyrouth.
Quant à l’AUH, qui possède une centaine de lits réservés aux patients des ministères, ses responsables (qui ont requis l’anonymat) affirment ne pas pouvoir fermer ce service parce qu’il s’agit d’un établissement universitaire.
Chaque hôpital a donc ses raisons, humanitaires ou pratiques, pour continuer d’accueillir les malades des ministères. Tous sont unis par la même crise, qui, si elle n’est pas réglée au plus vite, risque d’affaiblir sérieusement le secteur hospitalier au Liban, un des plus développés du Moyen-Orient. «De nombreux établissements puisent dans leurs réserves. Nous nous endettons pour payer nos fournisseurs en matériel», précise le Dr Adaïmi.
Les sommes dues au secteur hospitalier privé se chiffrent en milliards de livres. En vertu du contrat conclu avec les hôpitaux, l’Etat se doit de rembourser ses dettes tous les trois mois. Mais aujourd’hui, ces établissements attendent toujours que les ministères de la Santé et de la Défense, la CNSS et la mutuelle des fonctionnaires leur paient les sommes dues depuis 1995. «Vous pouvez aller demander à la Banque libanaise pour le commerce ce que nous faisons pour ne pas couler», commente sœur Josepha. Nombreux sont les hôpitaux qui accumulent les dettes. Partout, c’est le même son de cloche. Un hôpital dont les responsables ne veulent pas être identifiés affirme que depuis quelque temps, les bénéfices qu’ils font servent à payer les intérêts des dettes qu’ils contractent auprès des banques et qu’ils n’arrivent même pas à payer régulièrement leurs fournisseurs. Aussi, se félicitent-ils de l’initiative du syndicat «qui a fait bouger les choses».
Entre l’Etat, les hôpitaux privés, leurs fournisseurs et leurs créanciers, c’est un cercle fermé qui est engagé et que seul le premier est en mesure de briser, de l’avis du syndicat. A lui seul, le ministère de la Santé doit 76 milliards de livres aux hôpitaux pour les arriérés de 1995 et 1996. Depuis le mois d’avril et jusqu’à la fin de l’année, sa facture s’élèvera à 100 milliards de livres. Si l’on ajoute à ce chiffre ce que le ministère de la Défense et les FSI leur doivent, le montant de la facture totalisera 300 milliards de livres, comme nous l’a expliqué le Dr Adaïmi.
Le remboursement de la dette permettra de plus aux hôpitaux de réduire la facture des malades qui assument eux-mêmes les frais de leur hospitalisation, estime-t-on aussi dans certains milieux hospitaliers, où l’on indique que certains établissements peuvent gonfler les factures des malades admis en première classe pour équilibrer leur budget autant que faire se peut. Mais pas au point de faire subir à un malade une opération chirurgicale que son cas ne commande pas. Le Dr Adaïmi et M. Rizk expriment leur consternation devant ce que le ministre Sleiman Frangié avait dit à ce sujet, en accusant certains hôpitaux de faire subir à des malades une opération à cœur ouvert alors qu’il n’en ont pas besoin. Tous les deux précisent qu’une intervention à cœur ouvert entreprise aux frais du ministère ne peut être opérée sans le feu vert préalable de la commission de chirurgie cardiaque relevant du ministère. «C’est elle qui, en définitive, décide si un malade doit subir ce genre d’opérations puisqu’elle examine ses dossiers», ajoute M. Rizk qui regrette l’absence de statistiques permettant de savoir combien de cas ont été refusés par cette commission.
Le contentieux qui oppose le ministère de la Santé aux hôpitaux privés a permis dans le même temps de poser le problème de la réforme du système hospitalier au Liban. Il est toutefois prématuré d’aborder ce sujet quoique le ministre de la Santé a promis de s’y attaquer. Pour l’heure, les hôpitaux veulent que l’Etat leur règle au moins les arriérés de 1995 et 1996 et que la CNSS et la mutuelle des fonctionnaires en fassent autant, d’autant que ces deux dernières ne sont pas à court d’argent. S’ils insistent tellement pour être remboursés dans un proche avenir, c’est pour pouvoir, disent-ils, continuer d’offrir aux malades un soin de qualité et pour ne pas être contraints de réduire leurs services au minimum. Ils réalisent tous que le problème ne se pose pas au niveau du ministère de la Santé, mais au niveau de celui des Finances.

Tilda ABOU RIZK
Mais les établissements restent déterminés à obtenir gain de cause Lorsque le syndicat des hôpitaux privés avait décidé au cours de son assemblée générale du 20 octobre de cesser de recevoir les malades des ministères de la Santé et de la Défense, quelques établissements hospitaliers avaient voté contre cette décision qu’ils avaient jugée injuste. Mais la majorité...