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Actualités - CONFERENCES DE PRESSE

Il a été reçu hier matin par Hraoui Ernesto Guevara : je ne suis qu'une goutte d'eau dans la mer du Che (photos)

«C’est le fils du Che et cela suffit à le présenter». Si le jeune homme de 32 ans, l’air un peu gauche dans son costume-cravate blanc très officiel, est gêné par cette phrase qui limite son existence à sa filiation paternelle, aussi prestigieuse soit-elle, il ne le montre nullement, se contentant de sourire au président du syndicat de la presse Mohamed Baalbacki qui vient de prononcer l’allocution de bienvenue.
Le jeune Ernesto Guevara, en jeans et boots texanes, tout droit sorti d’un film des années cinquantes, qui a débarqué dimanche soir à l’AIB, s’est métamorphosé hier, pour sa conférence de presse, en un jeune cadre dynamique, bien loin de l’image idéalisée de son éternel révolutionnaire de père. Pourtant, dans la grande salle du siège du syndicat de la presse, tout parle de révolution, d’idéal et de lutte pour les grands principes: d’immenses portraits du Che, un drapeau de Cuba, des inscriptions diverses et des jeunes avec des tee shirts et des stickers à l’effigie du «père de la révolution universelle». La plupart des nombreuses chaises sont occupées — ce qui est rare pour une conférence de presse — par des journalistes bien sûr, mais aussi par des nostalgiques du communisme international, des militants sur le retour, des jeunes à la recherche d’un idéal et de repères et d’anciens prisonniers dans les geôles israéliennes. Il y a même un garçon d’une dizaine d’années, venu avec sa mère, qui agite en permanence un petit fanion à l’effigie du Che. Enfin, il y a les officiels, beaucoup moins guindés qu’à l’accoutumée, venus par fidélité pour un idéal, comme le député Zaher el-Khatib, les anciens députés Habib Sadek et Issam Naaman, le ministre Farouk Berbir, le responsable palestinien Salah Salah, etc..
Le plus jeune fils du Che — qui est, selon le compagnon du révolutionnaire Orlando Borreguo, le plus impliqué dans le combat de son père — regarde tout ce monde d’un air à la fois étonné et ému. Déjà, la veille, quelques dizaines de jeunes s’étaient massés devant la sortie de l’AIB pour l’accueillir ainsi que le senior Borreguo à leur arrivée au Liban pour une visite de 5 jours à l’initiative du comité de soutien aux prisonniers libanais dans les geôles israéliennes, ce qui lui avait déjà donné un aperçu de l’importance du mythe du Che pour la jeunesse libanaise en mal d’idéal.
Mais hier, dans la grande salle du siège du syndicat de la presse, l’atmosphère est encore plus poignante et très vite l’apparence bcbg (due notamment à un rendez-vous officiel avec le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui) s’estompe pour laisser paraître le jeune militant qui tente à sa manière de poursuivre le combat de son père.
Après l’allocution de bienvenue de M. Baalbacki et la présentation de M. Mohamed Safa, président du comité de soutien aux détenus libanais en Israël, Ernesto Guevara a exprimé au nom du peuple cubain et de son chef, le commandant Castro , sa solidarité avec le peuple libanais qui subit l’occupation israélienne.
Avec une modestie émouvante, Ernesto parle de ce père qu’il a si peu connu, mais qui est devenu pour lui et pour des générations entières dans le monde entier le symbole de la lutte pure contre toute forme d’oppression. Il explique que personnellement, il n’est qu’une goutte d’eau dans la mer du combat pour la liberté et que s’il ne peut parler de Che Guevara le père (il avait deux ans quand il est mort et son père avait passé la plus grande partie de ces deux années — de 1965 à 1967 — au Congo puis en Bolivie), il vénère son combat et comprend ce que ses idées signifient pour la jeunesse à la recherche d’un idéal.
Le benjamin de la famille est presque timide lorsqu’il parle de ce père mythique ,comme s’il se sent trop petit en comparaison avec lui. Et c’est le vieux compagnon du Che, au visage buriné, Orlando Borreguo, qui expliquera aux personnes présentes qu’Ernestico, comme il l’appelle, s’est rendu en Angola pour y soutenir le combat contre l’oppression. Borreguo rend aussi un vibrant hommage à la presse libanaise «connue pour son dynamisme et sa vitalité».
Pour Borreguo, venir au Liban pour appuyer la cause des détenus libanais en Israël s’inscrit dans la lignée des idées du Che qui prônait la lutte universelle pour la liberté, indépendamment des frontières et des races. L’Argentin qui a milité au Mexique, à Cuba et en Afrique avant d’être assassiné en Bolivie ne pouvait selon lui qu’approuver le combat des Libanais.
En réponse à une question, Ernesto précise que l’invitation au Liban lui avait été adressée l’an dernier, lors du congrès de la jeunesse qui s’est tenu à Cuba. Il avait le choix entre se rendre au Liban ou aller au pays basque, mais il a préféré venir à Beyrouth , car, dit-il, «je pense qu’il faut exprimer sa solidarité avec la jeunesse libanaise qui refuse de croire à la mort des utopies».
Borreguo renchérit: «Les forces de la gauche ont perdu des batailles, mais elles existent encore et poursuivent la lutte, en Amérique latine, en Afrique, au Liban et dans le monde...».
M. Maan Bachour demande ce que pense le fils du Che de la déclaration du président américain, qualifiant, à partir de l’Argentine, le Hezbollah de terroriste. L’ambassadeur de Cuba, M. Roberto Blanco Dominguez, s’empare aussitôt du micro pour répondre à la question. Il précise ainsi que «nous sommes habitués au manque d’objectivité des Américains qui qualifient de terroriste tout ce qui ne sert pas leurs intérêts. Toute partie qui lutte pour la libération de son territoire et pour l’indépendance de son pays ne peut être qualifiée de terroriste...».
L’ambassadeur, qui est en poste à Beyrouth depuis plus de deux ans, avait personnellement connu le Che à Cuba. Le jeune homme suivait alors un stage de formation au ministère de l’Industrie cubain, alors que son ministre était le Che. «Il était très proche des gens, confie l’ambassadeur, et surtout, il misait toujours sur la jeunesse. La principale caractéristique? la modestie».
Le député Zaher el-Khatib prend ensuite la parole pour expliquer que «les valeurs et les choix pour lesquels est mort le Che trouvent beaucoup d’écho au sein de la jeunesse de tous les pays qui vivent l’occupation et subissent l’impérialisme, cet ennemi de l’humanité». Pour le député toujours aux premières lignes de toutes les batailles, en mourant, Hadi Nasrallah et ses compagnons ont appliqué les principes du Che. «Ce qui prouve bien, ajoute-t-il, que ceux-ci n’ont pas de frontière...».
Mohamed Safa précise à ce moment que lorsqu’avec ses compagnons, il se trouvait dans les geôles israéliennes, l’image du Che l’aidait à tenir.
Orlando Borreguo évoque ensuite son compagnon et maître, s’étendant sur son humanité, son sens de l’amitité, mais aussi sa rigueur et surtout son côté visionnaire. «Il avait vu il y a plus de trente ans que les pays socialistes étaient sur la mauvaise pente et il avait prévu le retour du capitalisme, si ces pays ne rectifiaient pas le tir. C’est pourquoi, dans le désert actuel, ses idées sont plus que jamais d’actualité. Il sera encore vivant au XXIe siècle comme un phare qui guidera tous ceux qui militent pour un avenir meilleur...». Pour des lendemains qui chantent...

Scarlett HADDAD
«C’est le fils du Che et cela suffit à le présenter». Si le jeune homme de 32 ans, l’air un peu gauche dans son costume-cravate blanc très officiel, est gêné par cette phrase qui limite son existence à sa filiation paternelle, aussi prestigieuse soit-elle, il ne le montre nullement, se contentant de sourire au président du syndicat de la presse Mohamed Baalbacki qui vient...