Eltsine et la Douma prêts à enterrer la hache de guerre

Le président Boris Eltsine et le Parlement russe paraissaient disposés à enterrer la hache de guerre hier, le premier promettant de consulter davantage le second, en échange d’un retrait d’une motion de censure contre le gouvernement. (VOIR AUSSI PAGE 11).
Quarante minutes d’entretien entre M. Eltsine, le premier ministre Viktor Tchernomyrdine et les présidents des deux Chambres du Parlement ont largement désamorcé une crise politique où chaque protagoniste accusait l’autre, la semaine dernière encore, de mettre en danger la stabilité du pays.
M. Tchernomyrdine a annoncé à la presse que la discussion avait permis «de se mettre d’accord sur toutes les questions essentielles».
«Je n’exclus pas que les députés à l’origine de (la motion de censure) puissent retirer leur signature», a déclaré en écho le président communiste de la Douma (Chambre basse du Parlement) Guennadi Seleznev.
Ce ton conciliant tranche avec la fièvre de la semaine dernière, quand les députés de la Douma avaient in extremis reporté d’une semaine un vote sur une censure du gouvernement face à une menace de dissolution de leur assemblée par M. Eltsine.
Revenu depuis à de meilleurs sentiments, Boris Eltsine a accordé hier à la Douma ce que celle-ci réclamait depuis longtemps: une plus étroite association à l’action du pouvoir exécutif.
Le président russe va ainsi accueillir aujourd’hui mardi au Kremlin les chefs des groupes parlementaires des deux Chambres, ceux de la Douma, dominée par les communistes et les nationalistes, et ceux du Conseil de la Fédération, Chambre haute composée de barons régionaux plus conciliants envers le Kremlin.
Le premier ministre Viktor Tchernomyrdine a ajouté que des réunions à quatre, telles que celle tenue hier, «auront lieu en permanence».
Le Kremlin a également donné droit à la demande des communistes de constituer des «conseils d’observation publics» auprès des deux chaînes de télévision publique accusées de partialité en faveur du pouvoir.

Dialogue

MM. Eltsine et Tchernomyrdine ont indiqué attendre en échange un abandon de la motion de censure qui doit en principe être discutée mercredi par la Douma.
Le président de la Chambre haute Egor Stroïev, qui joue un rôle de médiateur, a pronostiqué que tel serait le cas.
«Si les accords que nous avons aujourd’hui obtenus sont appliqués, et je suis sûr qu’ils le seront, la question (de la censure) sera levée d’elle-même», a-t-il assuré.
Le chef du Parti communiste russe à l’initiative de la motion de censure, Guennadi Ziouganov, a refusé de s’engager à ce stade.
«Nous allons discuter mardi avec le président (Eltsine) et nous voulons obtenir de lui des garanties, non en paroles mais en actes», a-t-il déclaré à la presse, tout en ajoutant être «prêt à un dialogue constructif».
Personnellement porté au compromis avec le Kremlin, M. Ziouganov doit composer avec un appareil du Parti communiste beaucoup plus intransigeant, devant lequel il a dû rendre des comptes samedi lors d’un plénum du Comité central tenu à huis clos.
Le chef du groupe parlementaire pro-gouvernemental Notre Maison la Russie, Alexandre Chokhine, a estimé pour sa part que l’opposition cherchait désormais uniquement à sortir de la crise la tête haute.
«L’opposition a agi sagement en n’avançant aucune revendication impossible. Tout ce qu’elle a demandé (lundi) avait déjà plus ou moins fait l’objet d’un accord il y a longtemps avec le gouvernement», a commenté M. Chokhine.
Guennadi Seleznev n’a, il est vrai, pas dit mot hier de ce qui était jusqu’à présent la première des revendications communistes: la démission du premier vice-premier ministre Anatoli Tchoubaïs, architecte des réformes libérales et bête noire de l’opposition. (AFP-Reuter)