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Actualités - INTERVIEWS

La priorité doit être accordée à l'établissement d'un mécanisme de contrôle des dépenses publiques, assure le député de Zahlé La loi des finances devra refléter une nouvelle politique, déclare K. Hraoui à l'Orient Le Jour



La commission parlementaire des Finances et du Budget pourrait commencer à partir de jeudi prochain l’examen du projet de Budget 1998, dont les chiffres et notamment les nouvelles taxes prévues dans «l’annexe numéro 9» sont largement contestés par la majorité parlementaire. En attendant, des efforts tous azimuts sont déployés non pas pour juguler l’opposition parlementaire qui ne manquera pas de se manifester vis-à-vis des nouvelles taxes qu’il prévoit, mais pour jeter les bases d’une nouvelle politique qui serait reflétée dans le texte de la loi des Finances et dont le but sera principalement de réduire le déficit budgétaire et d’améliorer les recettes de l’Etat, en accablant le moins possible la population.

C’est du moins le souhait formulé par les partisans de ce projet. On sait que la commission parlementaire des Finances et du Budget avait été mandatée par le chef du Législatif, M. Nabih Berry, de sonder les représentants des organismes économiques et les services administratifs concernés sur les moyens susceptibles d’assainir les finances de l’Etat et de régler dans le même temps la crise économique. Aujourd’hui, cette commission a ouvert, par le biais de son chef, M. Khalil Hraoui, un dialogue avec les trois pôles du Pouvoir, au sujet de cette politique dont l’une des grandes lignes est l’arrêt du gaspillage et le contrôle des dépenses publiques. Si les chefs de l’Etat, du Parlement et du gouvernement soulignent leur attachement à la concrétisation de ces deux points, il n’en demeure pas moins qu’ils ne se sont pas encore mis d’accord sur le procédé auquel il faudra avoir recours pour les mettre en vigueur.
C’est ce qui ressort des explications de M. Khalil Hraoui qui entreprend depuis la semaine dernière, une navette entre les trois hauts responsables. A «L’Orient-Le Jour», M. Hraoui indique que cette démarche se situe dans le prolongement de la rencontre, la semaine dernière, avec les représentants des organismes économiques, et qui sera suivie aujourd’hui d’une autre avec les responsables des organes de contrôle.
Si le Parlement a décidé aujourd’hui de se saisir du dossier économique, il est évident que c’est parce qu’il a réalisé, après avoir mis des années à critiquer la politique que suit le gouvernement dans les domaines économique et social, que ce dernier n’est pas près de reconsidérer ses orientations. Aux yeux de nombreux parlementaires, la politique économique mise en place par M. Rafic Hariri depuis 1992, conduit le pays droit à la catastrophe. Dans certains milieux parlementaires, on n’hésite pas à situer l’initiative de M. Nabih Berry dans un cadre purement politique. Il s’agit là, toutefois, d’une autre paire de manches. M. Khalil Hraoui se garde de critiquer la politique économique du gouvernement mais formule plusieurs remarques sur la gestion gouvernementale. Il précise que c’est à cause de l’ «affolement» de la population et du «manque de confiance des Libanais dans l’Etat» que le Parlement a décidé de réagir. Il souligne à quel point la situation est critique en raison de la crise économique, de l’importance du déficit budgétaire, des lacunes et des carences administratives, du gaspillage, de l’insuffisance des recettes et surtout peut-être de l’absence de toutes perspectives économiques.

Une nouvelle méthodologie
de travail

Aussi, lorsque la commission qu’il préside s’attaquera au projet de Budget, dit-il, c’est partant du principe qu’il est primordial de changer la méthodologie de travail dans le cadre de la gestion des affaires publiques. Il y a lieu de rappeler qu’à l’ouverture du débat budgétaire l’année dernière, la commission avait présenté un rapport plutôt sévère sur la politique gouvernementale en matière de finances et d’économie. Cette année, elle tentera autant que possible de concrétiser cette nouvelle méthodologie dans la nouvelle loi des Finances, en coordinnation avec le gouvernement.
M. Hraoui reconnaît que le changement souhaité commande un travail de longue haleine. Et, comme on dit, c’est le premier pas qui compte, ce premier pas étant une reformulation des articles du projet de Budget. De nouveaux textes reflétant les nouvelles orientations économiques et administratives seraient ajoutés au texte. Pour le moment, il est prématuré de préciser lesquels du moment que les concertations avec les pôles du Pouvoir et les organismes concernés se poursuivent. Mais, des explications fournies par le député de Zahlé, il ressort que la priorité sera accordée à l’établissement d’un nouveau mécanisme pour le contrôle des dépenses publiques.
M. Hraoui explique que durant ses entretiens avec le chef de l’Etat et MM. Hariri et Berry, il est essentiellement question du problème que pose la dilapidation des fonds publics et des moyens de le régler une fois pour toutes. Si tout projet de nouvelles taxes soulève aujourd’hui une opposition aussi farouche que celle qu’avait entraînée la proposition d’une surtaxe sur l’essence, c’est parce que nul n’ignore que le Trésor ressemble de plus en plus à un puits sans fond. Aussi, l’établissement d’un système garantissant une rationnalisation et un contrôle des dépenses, même celles des Caisses autonomes, est susceptible de neutraliser toute opposition à de nouvelles taxes.

Commission d’enquête
ou «auditors»

A Baabda, Aïn el-Tiné ou Koraytem, on parle évidemment d’un renforcement des organes de contrôle. D’autres idées sont émises également, précise M. Hraoui. Ainsi, le chef de l’Etat préconise la formation d’une commission autonome d’enquête ou de contrôle, qui ne sera pas formée d’hommes politiques. Selon le député de Zahlé, cette commission aura également pour mission de mener une enquête lorsqu’une activité illégale est soupçonnée dans un département déterminé et présentera ses conclusions aux deux autorités législative et exécutive. Le chef de l’Etat, poursuit M. Hraoui, estime toutefois que son idée nécessite d’être détaillée pour être concrétisée.
Quant au président du Conseil, il préfère que le contrôle des dépenses soit plutôt confié à des «auditors» privés ou à des commissaires de surveillance, un projet que le Parlement n’est pas près d’accepter d’ailleurs. Aujourd’hui, les représentants des organes de contrôle auront l’occasion de donner leur point de vue sur la question devant la commission des Finances qui espère pouvoir dégager de ces échanges, selon M. Hraoui, les idées optimales devant constituer un premier pas sur la voie de la réforme administrative.
Le député insiste particulièrement sur la nécessité de réduire le déficit du budget, précisant que s’il a dépassé cette année la moyenne qui lui avait été fixée dans la loi des Finances de 1997, c’est parce qu’il y a eu, entre autres, des dépenses en dehors du budget, décidées à travers des avances du Trésor et des décrets. Celles-ci, note-t-il, constituent entre 10 et 12% du montant des dépenses qui étaient prévues pour l’exercice courant. Dans un souci évident de faire la part des choses, il relève que si le gouvernement a aujourd’hui du mal à couvrir ses dépenses, c’est parce que le montant des recettes n’a pas changé depuis 1995. En 1992, les rentrées du Trésor ont atteint 1200 milliards de livres puis se sont élevées à 3500 milliards de livres depuis.

Révision des taxes

Il n’en demeure pas moins que le gouvernement n’a pas pu réaliser toutes les promesses qu’il avait formulées. Ainsi, rappelle M. Hraoui, lorsque la commission avait décidé lors du débat budgétaire de janvier de transférer deux milliards de livres du budget de l’EDL pour les distribuer à d’autres ministères, c’est parce que le gouvernement s’était engagé à améliorer la perception des factures d’électricité. Mais cette collecte n’avait pas été améliorée comme il le fallait. Il reconnaît aussi que le gouvernement a commencé à réaliser les promesses qu’il avait formulées dans sa dernière déclaration ministérielle en soutenant le secteur de l’industrie, «même s’il n’a rien entrepris jusqu’à présent pour le secteur de l’agriculture».
Pour M. Hraoui, le tout est de continuer sur cette voie et de mettre en œuvre les mesures sans cesse préconisées par les députés pour assainir les dépenses publiques et redresser l’économie nationale. Il ne se fait pas d’illusions quant à la nécessité d’imposer de nouvelles taxes mais estime que certains chiffres du texte actuel peuvent être revus à la baisse, surtout si les substituts, dont il est question actuellement, sont retenus. Il précise en outre que les fonds proposés pour couvrir certaines dépenses inutiles, comme la papeterie ou l’ameublement de ministères, seront considérablement réduits. «Je ne vois pas pourquoi je devrais recevoir d’un département une lettre imprimée sur du papier glacé et non pas ordinaire», note-t-il avant d’ajouter : «Il faut s’en tenir impérativement à la proportion du déficit budgétaire prévu pour l’exercice prochain, à savoir 37, 5% et lancer le projet de réforme administrative». Par réforme, le député entend la dynamisation et l’amélioration de l’action des administrations et non pas le licenciement de fonctionnaires, projet auquel il s’oppose tant que la méthodologie de travail au sein de l’administration est la même. La question est de savoir toutefois si le gouvernement est prêt à franchir ce pas.
Tilda ABOU-RIZK
La commission parlementaire des Finances et du Budget pourrait commencer à partir de jeudi prochain l’examen du projet de Budget 1998, dont les chiffres et notamment les nouvelles taxes prévues dans «l’annexe numéro 9» sont largement contestés par la majorité parlementaire. En attendant, des efforts tous azimuts sont déployés non pas pour juguler l’opposition...