Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

En mission au Liban pour le compte de la Medical Aid for palestinians (MAP) Sir John Moberly : je ne suis pas optimiste tant que Netanyahu sera premier ministre

En mission au Liban pour le compte de la Medical
Aid for Palestinians (MAP)

Président de l’association britannique de bienfaisance M.A.P. depuis le début de l’année, Sir John Moberly a décidé d’étudier sur place, au Liban, la situation des réfugiés palestiniens et de suivre l’application des projets de l’association qu’il préside. Ce lord anglais, ancien ambassadeur de son pays en Jordanie de 1975 à 1979, connaît bien le Liban puisqu’il y a suivi une formation d’un an à l’Institut de Chemlane avant d’occuper pendant deux ans, de 1973 à 1975, le poste de directeur de ce même institut. Avec un humour tout britannique, il nie que cet institut ait été — comme le veut la rumeur — un «nid d’espions». Il explique avec beaucoup de diplomatie sa vision de la situation dans la région, tout en insistant sur le fait que lorsqu’il parle ainsi, il ne fait qu’exprimer une opinion personnelle.

Sir Moberly commence par parler de l’association qu’il préside et dont les moyens sont plutôt modestes, tient-il à préciser. Elle est essentiellement formée de personnalités britanniques et de quelques riches Palestiniens installés en Grande-Bretagne. Son objectif? Fournir une aide sociale et médicale aux Palestiniens, qu’il se trouvent à Gaza, au Liban ou ailleurs. L’association — dont le siège principal est à Londres — ne s’occupe donc que du domaine de la santé et son action n’a aucune consonance politique.
Sir Moberly est accompagné de son épouse, elle-même pédiatre, membre de l’organisation depuis plus longtemps que lui, au sein de laquelle elle a longtemps occupé le poste de directrice des projets.
Malgré la modicité de ses moyens, l’organisation s’occupe aussi de la situation des Libanais qui habitent dans le même périmètre que les Palestiniens.
Pourquoi accomplir cette mission maintenant? «En tant que président de l’association, je voulais voir où en sont nos projets sur le terrain. J’ai saisi cette occasion pour me rendre au Liban et pour voir quelles sont les priorités des personnes que nous voulons aider».
Quelle sorte d’aide fournit la MAP? «Nous donnons une formation aux infirmières et aux médecins, parfois sur place et parfois en Grande-Bretagne, et nous fournissons des équipements médicaux».
Au Liban, Sir Moberly a eu des rencontres avec le président du Conseil, ainsi qu’avec les ministres de la Santé Sleiman Frangié et des Affaires sociales Ayoub Hmayed, et aussi avec d’autres personnalités, dont le député Moustapha Saad. Selon lui, M. Hariri s’est montré très favorable à leur action. «D’autant que nous ne voulons certainement pas rendre le problème palestinien encore plus compliqué qu’il ne l’est actuellement», précise-t-il.

Alléger les souffrances
des Palestiniens…

Quelle a été la réaction de MM. Frangié et Hmayed? «Nous avons eu des entretiens très utiles», déclare M. Moberly, qui qualifie aussi sa rencontre avec M. Saad de très intéressante et affirme qu’il est nécessaire d’améliorer les conditions de vie des Palestiniens. N’y a-t-il pas un risque toutefois qu’une telle amélioration retarde leur retour dans leurs foyers et ne soit le début d’une implantation?
Pour M. Moberly, c’est l’exemple même de la question politique à laquelle il ne peut répondre qu’en donnant une opinion personnelle. Mais il reste convaincu que l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens n’a rien à voir avec l’implantation. «Je ne vois pas, dit-il, en quoi le fait d’alléger les souffrances des Palestiniens dans les camps pourrait être un prélude à l’implantation».
Au cours de sa mission libanaise, Sir Moberly, son épouse et les autres membres de la délégation ont visité les camps de Bourj-Brajneh et Chatila. Ils se sont également rendus à Saïda, au Liban-Nord et dans la Békaa. Selon le président de la MAP, les conditions de vie sont certes dures, mais elles le sont moins qu’à Gaza, où les Palestiniens doivent en plus subir les pressions israéliennes.
Sir Moberly est certes au courant de la crise financière que l’UNRWA a récemment traversée. Mais il affirme que sa mission n’a rien à voir avec ce fait. Toutefois ayant rencontré à Beyrouth le nouveau directeur de l’organisation, il est convaincu qu’en dépit des coupes budgétaires, l’office n’est pas près d’être fermé. Il a eu le sentiment que le nouveau directeur est là pour rester. Mettre un terme à la mission de l’UNRWA poserait à ses yeux beaucoup trop de problèmes aux pays impliqués dans cette affaire et il a jugé sa rencontre avec le nouveau directeur de cette organisation particulièrement intéressante, puisqu’il estime utile de coordonner toutes les actions humanitaires en faveur des Palestinien ou en tout cas d’en discuter.
A-t-il demandé aux responsables libanais d’accorder une aide plus importante aux Palestiniens?
«Je n’ai certainement pas à le faire, dit-il. S’ils veulent nous informer de leurs intentions, c’est tant mieux, mais nous n’avons pas à leur faire des suggestions à ce sujet».
Pense-t-il que les Libanais ont de bonnes raisons de craindre un projet d’implantation des Palestiniens dans leur pays?
«Je dois répondre à titre personnel. Je suis convaincu que la solution finale doit forcément donner aux Palestiniens la possibilité de rentrer chez eux ou à tout le moins leur fournir une nationalité palestinienne où que soit le lieu où ils résident. Je comprends les craintes des Libanais, mais j’ignore si elles sont justifiées. En tout cas, je ne peux les commenter».
Si les problèmes financiers de l’UNRWA ne sont pas réglés, quel serait selon lui le sort des Palestiniens? Sir Moberly répond que selon lui, l’UNRWA n’est pas près de disparaître. «Elle est la continuation nécessaire du processus de paix».

Les Britanniques se sentent
une responsabilité morale

Pense-t-il que l’intérêt que portent aujourd’hui les Britanniques aux Palestiniens serait dû à un sentiment de culpabilité par rapport au passé?
«Beaucoup de personnes en Grande-Bretagne pensent que leur pays a joué un rôle essentiel dans la création de l’Etat d’Israël. Et elles éprouvent une sorte de responsabilité morale envers la région. Je fais moi-même partie de ces Britanniques qui se sentent concernés par les problèmes du Moyen-Orient».
Une fois de retour chez lui, il convoquera les membres de l’association qu’il préside à une réunion pour discuter des résultats de sa mission et étudier le rapport qu’il leur présentera. De nouveaux projets pourront être décidés et d’autres poursuivis, mais le tout est de trouver le financement nécessaire. A cet effet, la MAP procède chaque année à une nouvelle collecte de fonds.
Evoquant sa formation à l’Institut de Chemlane, Sir Moberly commence par nier qu’il s’agissait d’un «nid d’espions». Selon lui, feu Kamal Joumblatt serait à l’origine de la rumeur. Ayant eu un conflit avec le directeur de l’institut, en 1955, il aurait riposté en lançant cette accusation.
Sir Moberly, qui y a passé l’année 1952, ajoute qu’à cette époque, l’institut ne regroupait que des Britanniques. Mais lorsqu’il en est devenu le directeur, de 73 à 75, toutes les nationalités y étaient représentées, notamment des Allemands, des Nigériens, des Japonais... Ceux-ci seraient-ils devenus plus tard des membres de l’Armée rouge? «Oh non, répond le directeur de la MAP. Ils ont occupé des postes importants dans de grandes multinationales telles que la Mitsubishi. Les sympathies ne vont certainement pas à l’Armée rouge japonaise. Donc, quand on a des élèves de nationalités différentes, on peut difficilement former des espions».
Sir Moberly a donc vécu au Liban les premiers soubresauts de la guerre: il était là lors de l’incident de l’autobus d’Aïn Remmaneh et il reconnaît avoir commis une erreur de jugement, puisqu’il était convaincu que les combats ne dureraient pas, les Libanais étant, selon lui, trop commerçants pour se battre longtemps.
Il est revenu au Liban en 1982, avant l’invasion israélienne, accompagnant le ministre d’Etat britannique au Foreign Office, M. Douglas Hurd. Aujourd’hui, il est heureux de voir que les combats sont terminés. Il pense, certes, qu’il y a encore beaucoup à faire mais il a été frappé par le dynamisme et l’énergie du premier ministre, M. Hariri. «Il me semble toutefois que le Liban devrait faire un pas en avant en se dégageant de son système confessionnel pour être à la hauteur des défis qui l’attendent. Je ne suis pas sûr que ce processus ait commencé».
Aujourd’hui, Sir Moberly confie qu’il n’est pas optimiste quant au processus de paix tant que M. Netanyahu restera premier ministre. «A moins qu’il ne fasse des concessions territoriales. Malheureusement, les espoirs suscités par les accords d’Oslo ont été sérieusement réduits. Je reste convaincu qu’à terme, les Palestiniens devraient avoir leur Etat, qu’ils décident de créer une confédération avec la Jordanie ou non. Tant que M. Netanyahu restera premier ministre, je ne suis pas sûr que le processus de paix progressera, car je ne suis pas sûr qu’il le veuille».
Scarlett HADDAD

Sir John Moberly: «Chemlane n’était certainement pas un «nid d’espions»...



En mission au Liban pour le compte de la MedicalAid for Palestinians (MAP)Président de l’association britannique de bienfaisance M.A.P. depuis le début de l’année, Sir John Moberly a décidé d’étudier sur place, au Liban, la situation des réfugiés palestiniens et de suivre l’application des projets de l’association qu’il préside. Ce lord anglais, ancien ambassadeur...