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Actualités - ANALYSE

La Ligue maronite, qui attaque devant le Conseil d’Etat le décret des naturalisations du 20 juin 1994, a pris contact (habilement?) avec deux juristes musulmans, l’un sunnite et l’autre chiite, en l’occurrence Mes Hassan Rifahi et Mohsen Slim, pour qu’ils se joignent dans cette affaire à son staff juridique composé de Mes Antoine Akl, Neemetallah Abi Nasr et Hafez Zakhour. La démarche prendrait ainsi, pense la Ligue, «un caractère national».
Ce recours devant le Conseil d’Etat, qui traînait un peu ou qu’on négligeait un peu, regagne de l’importance tactique, après la levée de boucliers à l’Ouest contre la proposition du président Elias Hraoui visant à redonner la nationalité libanaise aux expatriés qui l’ont perdue, en majorité des chrétiens, pour compenser en quelque sorte le flagrant déséquilibre démo-confessionnel occasionné par les naturalisations de 94 dont les mahométans avaient été bénéficiaires à quelque 80%.
Le camp en face refusant une équation mieux dosée, la Ligue tente donc de faire annuler le décret de 1994. Elle présente au tribunal de nouvelles pièces. Notamment des documents montrant que l’un des naturalisés était un repris de justice condamné en décembre 92 par les Assises du Liban-Nord à un an et demi de travaux forcés pour vol caractérisé. Ce même personnage a fait l’objet en juillet 93 d’un arrêté de la Sûreté générale lui interdisant jusqu’à nouvel ordre l’accès du territoire national. Toutes décisions qui ne l’ont pas empêché d’être parmi les heureux nationaux.
Un cas exemplaire mais qui est évidemment loin d’être unique. Les autorités en avaient d’ailleurs pris conscience (mieux vaut tard que jamais) et en juin 96, le ministre de l’Intérieur M. Michel Murr avait mis sur pied une commission de contrôle composée des directeurs de la S.G., de l’état civil et de l’Inspecteur général des FSI. Mission déclarée: s’assurer le cas échéant du bien-fondé des plaintes déposées pour naturalisation irrégulière, en vérifiant le lieu de résidence effective des bénéficiaires, toute fausse déclaration de résidence entraînant leur radiation automatique de la liste; dans le même ordre d’idées, réexaminer à la loupe le dossier, casier judiciaire inclus, des suspects; et, parallèlement, corriger les registres de l’état civil et les listes d’électeurs, conformément à l’article 25 de la loi électorale. Pour seconder efficacement le comité, le ministre a ordonné par circulaire à tous les services ou cadres dépendant de son département de contribuer intensivement aux enquêtes de terrain. La date butoir, pour clore le dossier, était cependant très rapprochée: le 20 juillet 1996. Passé ce délai on ne pourrait plus «embêter» les nouveaux Libanais... Et d’ailleurs ils n’ont apparemment pas eu trop d’ennuis, la commission susmentionnée n’ayant pas publié les résultats de ses travaux; ce qui donne à penser qu’elle n’a pas beaucoup sévi...

Injonction

Retour au Conseil d’Etat: le conseiller rapporteur Sleiman Eid, chargé de délayer le terrain, a rendu un arrêt avant-dire droit enjoignant aux autorités libanaises de présenter au tribunal les pièces suivantes:
— La demande présentée par chaque naturalisé pour obtenir la nationalité libanaise en base du décret numéro 5247 de 1994.
— Le procès-verbal des enquêtes effectuées pour vérifier la conformité de ces demandes avec les lois et règlements en vigueur sur le territoire, notamment avec l’article 3 de l’arrêté numéro 15 du 19 janvier 1925 relatif à l’obtention de la nationalité libanaise.
— Le défendeur, en l’occurrence l’Etat libanais, a un délai de trois mois pour exécuter le terme de l’arrêt du juge rapporteur, puis le plaignant à savoir la Ligue aurait un mois pour produire ses remarques sur les documents justificatifs remis au Conseil.
A cette importante décision préliminaire de justice, l’Etat a répondu par une fin de non-recevoir. Il a fait valoir, par le truchement du service du contentieux du ministère de la Justice, que la tâche était au-dessus de ses forces, qu’il ne pourrait pas réunir tous les documents qu’on lui demandait, car on était là en face de plus de 50.000 demandes présentées avant le décret de naturalisation... A la rigueur, ajoutait l’Etat, il lui serait possible de s’exécuter si on lui donnait beaucoup plus de temps que les trois mois prévus. Les services de l’état civil précisaient même pour leur compte qu’il leur faudrait au bas mot sept mois pour «ressortir» les naturalisés de leurs registres après les y avoir détectés... Ces services rappelaient qu’ils ne disposaient que de quatre fonctionnaires qui devaient en outre assurer les tâches quotidiennes et servir le public.
Devant tant de bonne volonté le Conseil d’Etat s’apprêterait, selon des sources informées, à nommer lui-même une commission supplétive, pour farfouiller dans les registres et réunir les documents requis. On n’est jamais mieux servi que par soi-même...
l Sur un autre plan, l’avocat de la Ligue, Me Antoine Akl, soulève la question de quelque 26.000 familles libanaises expatriées qui ont demandé avant 1968, en base des conventions antérieures, à récupérer leur nationalité libanaise, sans que leurs demandes soient encore examinées, malgré la publication entre-temps de deux décrets d’application, les 67 et 68. Le ministre Béchara Merhej a promis... mais l’état civil répond, en toute innocence, que ces demandes sont tombées en poussière ou ont été détruites, depuis le temps.
E.K.QQ
La Ligue maronite, qui attaque devant le Conseil d’Etat le décret des naturalisations du 20 juin 1994, a pris contact (habilement?) avec deux juristes musulmans, l’un sunnite et l’autre chiite, en l’occurrence Mes Hassan Rifahi et Mohsen Slim, pour qu’ils se joignent dans cette affaire à son staff juridique composé de Mes Antoine Akl, Neemetallah Abi Nasr et Hafez Zakhour....