Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Encore une fois, le Liban en proie à un malaise provoqué par des frictions extérieures

L’équation est connue depuis des décennies: quand Américains et Syriens sont en bonne harmonie, le Liban se porte comme un charme; et quand ils ne le sont pas...
On remarque ainsi que depuis le passage d’Albright, qui a tenu les propos-messages que l’on sait, le climat interne s’alourdit d’une tension qu’entretiennent notamment des déclarations incendiaires à caractère tendancieusement confessionnel. Dans leurs échanges quotidiens d’aménités, les politiciens, ministres en tête, vont jusqu’aux insultes personnelles et n’hésitent pas à jouer sur la fibre des haines enfouies, à miser sur les bas instincts et les vieux démons pour mieux «mobiliser» leur rue respective.
On a, dans ce cadre, rallumé la polémique sur la présence des forces syriennes, sur ce qu’en dit Taëf et par voie de conséquence sur la paix civile, ce qu’il faut ou ce qu’il ne faut pas pour la protéger, sur la nécessité ou non de faire pendant à l’occupation israélienne, de mettre ou non les deux éléments à pied d’égalité etc. Bref, l’union et l’entente nationale sont au mieux de leur forme, au moment même où dans leurs surenchères plus ou moins démagogiques les protagonistes clament à qui mieux mieux qu’il faut faire barrage aux visées sionistes en se serrant les coudes.
Parallèlement, on a remis en selle Soubhi Toufayli qui a repris ses vitupérations, ses appels à la révolte au nom des affamés, à la subversion et à l’insubordination civile. Pour lui faire échec, vu qu’il est apparemment interdit de toucher à un cheveu de sa tête, il a fallu promettre 150 millions de dollars pour la prise en charge de la région de Baalbeck-Hermel. Et dans la foulée, on a dû également ménager une autre zone frontalière sensible, le Akkar, où les dernières élections ont été très amusantes, avec leurs flottilles de cars déversant de pleines charretées d’électeurs en keffié ou mandil venant de l’autre côté...
Tant qu’on y était, on devait aussi donner un petit quelque chose au ministère des Déplacés pour qu’il essaie de mener à bien le retour, après avoir dans un premier temps claqué 400 millions de dollars pour assurer le départ de ceux qui les avaient remplacés. Puis, il a fallu faire écho aux récriminations des hôpitaux ou dispensaires publics, comme aux exigences de l’enseignement technique et ainsi de suite... On a donc tout mis ensemble pour parler d’un «plan de développement», chiffré d’abord à un milliard (de dollars naturellement) puis rabattu à huit cents millions, devant le tollé provoqué et les difficultés de financement.

Impasse

C’est sur ce point, comme on sait, que tout a foiré. D’autant plus facilement (les petites choses commandent aux grandes) qu’à la veille des municipales, capitales pour tout politicien qui veut consolider ses assises, nombre de députés et de ministres, même haririens, ont préféré ne pas braver l’opinion. Ils se sont donc rangés aux côtés de l’opposition et ont fait, efficacement, barrage aux ponctions fiscales envisagées par le tandem Hariri-Siniora.
A dire vrai, et l’évidence saute aux yeux, c’est un remarquable exploit que le chef du gouvernement a réussi en parvenant à faire voter à ses côtés en Conseil des ministres dix autres membres du gouvernement. Car ce qu’il proposait, notamment la flambée du prix de l’essence, paraissait tellement énorme, tellement explosif, tellement impopulaire qu’on aurait pu s’attendre à un rejet unanime du projet...
Toujours est-il que le gouvernement se retrouve dans son ensemble dans une posture délicate. S’il renonce au «plan de développement», il rallume le courroux des régions déshéritées, sinon des déplacés qui pour leur part ne manifestent pas dans la rue. Et s’il le maintient, il lui faut trouver des ressources en évitant également de dresser la rue contre lui, c’est-à-dire en évitant de lourdes surimpositions qui accableraient les classes modestes et risqueraient de plus de provoquer une flambée des prix, une inflation dévastatrices...
C’est donc presque la quadrature du cercle. Et comme solution beaucoup ne voient qu’un changement ou un remaniement ministériel, les deux termes n’étant pas proches l’un de l’autre, bien au contraire. Le premier signifierait en effet que M. Hariri serait «autorisé» à larguer les ministres qui lui portent ombrage pour parvenir ainsi sans ambages à faire passer un projet auquel il affirme rester attaché... Tandis que le départ de tout le Cabinet se ferait sans garantie de retour pour personne, président du Conseil compris.
Dans l’un et l’autre cas, indépendamment du problème ponctuel des huit cents millions, ce sont les présidentielles de l’an prochain qui d’une façon ou d’une autre s’en ressentiraient. Si M. Hariri obtient gain de cause, il fortifierait ses positions comme grand électeur local (dans la mesure où l’avis des pôles libanais est pris en compte par les décideurs); et s’il est écarté du pouvoir, la prorogation du mandat de M. Elias Hraoui deviendrait une forte éventualité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui même, à en croire l’hôte de Koraytem.

E.K.
L’équation est connue depuis des décennies: quand Américains et Syriens sont en bonne harmonie, le Liban se porte comme un charme; et quand ils ne le sont pas...On remarque ainsi que depuis le passage d’Albright, qui a tenu les propos-messages que l’on sait, le climat interne s’alourdit d’une tension qu’entretiennent notamment des déclarations incendiaires à caractère...