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Actualités - OPINION

Pan Pan Un toit à toi

«Quand j’aurai du vent dans mon crâne» — (Boris Vian).

Vous en avez sûrement là devant dans les yeux, un de ces immeubles qui poussent comme des champignons et sont encore à l’état de squelette. Prêtez un peu l’oreille, levez un peu le nez, ces Lego flanqués de grues Meccano, sifflent! L’air y joue dans les tubulures des échafaudages, mais aussi dans les briques gruyère criblées comme des passoires. Que les écolos anti-ciment se rassurent, mais que tremblent les psychosés du tremblement de terre: du béton, il y en a très peu dans ces châteaux de cartes qui s’écrouleraient à la première secousse. Si ce n’est avant.
Qui veille à vérifier? Il doit sans doute y avoir des organismes de contrôle. Mais il n’est pas difficile de comprendre qu’en aucun cas ils ne peuvent avoir des effectifs suffisants: les chantiers se comptent par milliers, rien que dans le Grand-Beyrouth. Sans compter les quarante à soixante mille (on ne sait pas au juste: on vous le dit, il n’y a pas assez de gens pour compter) appartements vides, dans la même zone.
Il est donc scandaleux qu’il y ait une crise de logement. Scandaleux que des proprios, déterminés à se faire du quatre cent pour cent comme on dit, refusent de vendre à prix étudié. Scandaleux qu’on vous loue un deux pièces huit cents dollars le mois, alors que le mètre carré n’en a pas coûté la moitié. Ce n’est vraiment pas une façon de «venger» les propriétaires de loyers anciens, trop souvent dérisoires, qui s’estiment lésés, à juste titre, parce que pour récupérer leurs locaux il leur aurait fallu jusqu’à présent presque en débourser le prix. A ce propos, l’avant-projet de loi Tabbarah leur donne apparemment une meilleure chance de s’en tirer sans trop de bobos, tout en ménageant raisonnablement les intérêts des locataires.
Mais ce texte, qui n’a pas à s’en mêler à dire vrai, ne règle pas la question d’un trop-plein immobilier de vacuité doublement condamnable: parce qu’il est humainement inadmissible que le cycle normal de vie de centaines de milliers de jeunes soit contrarié, du moment que faute de pouvoir se loger ils ne peuvent fonder un foyer. Et parce que tout ce bel argent est investi littéralement dans le vide, dans l’improductif, tout en aggravant la pénurie fiduciaire provoquée par cet autre miroir aux alouettes que sont les bons du Trésor.
C’est donc comme si dans ce pays le secteur privé et le secteur public s’alliaient à travers une double spéculation pour empêcher l’économie de redémarrer.
Et quand on ne trouve pas un toit où poser sa tête, comme dirait cet impénitent gaffeur de Ponson du Terrail, il n’y a vraiment pas de quoi se marier.
Et se marrer.

J.I.
«Quand j’aurai du vent dans mon crâne» — (Boris Vian).Vous en avez sûrement là devant dans les yeux, un de ces immeubles qui poussent comme des champignons et sont encore à l’état de squelette. Prêtez un peu l’oreille, levez un peu le nez, ces Lego flanqués de grues Meccano, sifflent! L’air y joue dans les tubulures des échafaudages, mais aussi dans les briques...