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Actualités - ANALYSE

Municipales : le texte appelé à subir de nouvelles retouches

Décidément, le pouvoir sait parfaitement ce qu’il veut: tantôt il redonne virtuellement la nationalité aux émigrés et tantôt il la leur retire... Tantôt il veut des municipales et tantôt il n’en veut pas. Dans un cas comme dans l’autre, le Conseil des ministres, après avoir tranché, s’est rétracté.
Au sujet des municipales, on pensait que le projet de loi allait enfin être transmis à la Chambre. Mais six ministres (MM. Michel Eddé, Bahige Tabbarah, Elias Hanna, Akram Chehayeb, Mahmoud Abou Hamdane et Hagop Demerdjian), se ravisant après approbation du texte en Conseil des ministres, ont demandé un délai de quinze jours pour déposer des remarques en vue d’ultimes retouches. Et ils ont remis leurs copies soit au secrétaire général de la présidence du Conseil, M. Hicham Chaar, soit à la commission ministérielle spécialisée que dirige le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr.
Or, certaines observations sont si capitales que la commission ne peut que les déférer au Conseil des ministres pour étude. On est donc reparti pour un nouveau round d’examen et de finition qui peut prendre des semaines, voire des mois.
Parmi les remarques que font les ministres, on relève:
1) - La nécessité d’une clause limitant l’accès à la présidence d’une municipalité ou même la détention d’un permis de «makhtara» aux seuls titulaires de diplômes universitaires.
Une exigence qu’en réalité, la plupart des ministres estiment exagérée. Et tout à fait antidémocratique du reste puisque dans un village, la confiance de tous peut se porter sur un homme d’expérience ou même sur un jeune qui n’a pas de diplôme supérieur. De plus, s’il existe des domaines qui échappent à la compétence d’un président de municipalité, il peut toujours se faire conseiller soit par les autres édiles, qui sont du reste là pour cela, soit par des spécialistes. Sans compter que s’il faut faire ouvrir un dispensaire ou une crèche par exemple, on ne voit pas en quoi un diplôme de lettres, de droit ou de psychologie peut être utile. En outre, comment peut-on poser une telle condition au niveau municipal alors qu’un député, ou même plus, peut être parfaitement inculte?

Le volet confessionnel

2) - Le retour au système de dosage confessionnel qui avait cours avant 1963 au niveau des conseils municipaux comme de leurs présidences ainsi que dans les conseils de «makhatirs». Cela pour compenser un peu les déséquilibres occasionnés par la guerre et par le mouvement d’émigration ou d’exode qui a notamment frappé les chrétiens.
Les défenseurs de cette idée s’appuient d’abord sur un constat effectué par le chef du gouvernement en personne. Pour justifier le report des municipales, initialement fixées au mois de juin dernier, M. Rafic Hariri avait en effet déclaré que de telles élections produiraient un corps municipal composé à 75% de musulmans et à 25% seulement de chrétiens, disparité trop prononcée et qui pourrait provoquer dans le pays de redoutables secousses à caractère confessionnel. Le président du Conseil avait dès lors estimé que, pour que tout le monde puisse être représenté vraiment dans les conseils municipaux, il fallait modifier le projet de loi des élections municipales et y introduire un dispositif permettant à chaque électeur de voter là où il se trouve, s’il lui est impossible de se rendre à son village d’origine pour y exprimer sa volonté civique.
Mais, tout en convenant de la nécessité de respecter les équilibres, certains ministres pensent que le dosage peut être confié non pas à l’électorat mais au gouvernement lui-même qui, en se réservant une marge de désignations, corrigerait, le cas échéant, les déséquilibres. En pratique cela voudrait dire que dans un village dont une communauté serait partie et où elle aurait droit par exemple à six siège sur douze, ce ne serait pas les électeurs — appartenant forcément à l’autre communauté — qui éliraient les représentants de cette communauté mais le pouvoir qui les désignerait. On éviterait ainsi que les édiles ne soient sous la coupe de la majorité confessionnelle de la localité. Mais ils seraient alors sous celle des dirigeants, ce qui n’est guère mieux!

Le cumul

A partir de là, une troisième fraction estime qu’il ne faut pas penser en termes confessionnels, ni se soucier de dosage. Elle fait valoir que la Constitution ne prévoit de répartition de ce genre que pour la Chambre et le gouvernement. Le Parti socialiste progressiste de M. Walid Joumblatt soutient ainsi que le recours au dosage confessionnel dans les municipalités et parmi les «makhatirs» serait une régression par rapport au document de l’entente nationale de Taëf.
3) - L’interdiction de cumul entre un mandat de président de municipalité et la députation, le ministère ou même la fonction publique. Il s’agit de couper court au trafic d’influence que le cumul permettrait; ou de prévenir, au contraire, les conflits d’intérêt qui peuvent survenir entre une fonction et l’autre. D’autre part, la représentativité d’un député qui échouerait par exemple aux élections municipales pourrait devenir sujet à doute, ce qui n’est pas bon pour la réputation de la République...
Mais certains estiment qu’une telle interdiction serait abusive en regard des droits et des libertés, tout comme elle priverait les municipalités de l’avantage qu’elles peuvent tirer du fait que leur propre président peut soutenir leurs projets devant le gouvernement ou à la Chambre, quand il en est membre. Le ministre Elias Hanna suggère qu’on suspende l’appartenance d’un nouveau député ou d’un nouveau ministre à un conseil municipal, le temps de son mandat à la Chambre ou au gouvernement.
4) - L’élection au suffrage universel du président et du vice-président d’un conseil municipal et non plus leur désignation par leurs pairs du conseil une fois celui-ci formé, comme cela se faisait jusqu’à présent. La majorité des ministres et probablement des députés est favorable à cette formule. Mais certains estiment qu’elle serait dangereuse car elle permettrait au pouvoir d’intervenir dans l’élection du président et du vice-président du conseil municipal pour faire gagner ses hommes à lui. Une objection un peu spécieuse car on ne voit pas pourquoi le pouvoir interviendrait pour cette élection - ci et ne le ferait pas pour l’élection de tout le conseil municipal. Sans compter qu’on ne voit pas non plus ce qui l’empêcherait de s’immiscer le cas échéant dans le choix du président et du vice-président par le conseil lui-même.
E.K.
Décidément, le pouvoir sait parfaitement ce qu’il veut: tantôt il redonne virtuellement la nationalité aux émigrés et tantôt il la leur retire... Tantôt il veut des municipales et tantôt il n’en veut pas. Dans un cas comme dans l’autre, le Conseil des ministres, après avoir tranché, s’est rétracté.Au sujet des municipales, on pensait que le projet de loi allait...