Jezzine : le dialogue démarre enfin..

La raison a fini par prévaloir: après deux mois de blocage dû à l’incompréhension, le dossier de Jezzine s’ouvre sur le dialogue. Une phase que consacre ce mercredi même la visite qu’une délégation du Hezbollah doit effectuer au rassemblement de Jezzine à son siège du couvent de Mar Roukoz.
Auparavant deux envoyés du rassemblement, le père Youhanna Slim et l’ancien ministre Youssef Gébrane se sont rendus auprès du président Nabih Berry qui, assouplissant sa position (il avait refusé de rencontrer les députés de la ville qui lui en avaient fait la demande), a accepté de dialoguer. Ses deux interlocuteurs ont répondu aux critiques que lui-même et son fidèle lieutenant Mohammed Abdel Hamid Beydoun avaient adressées à leur groupement.
D’autres émissaires de Jezzine vont rencontrer dans les jours qui viennent diverses autorités officielles ainsi que nombre de pôles politiques ou religieux, toujours pour expliciter la position et les revendications de la ville-otage.
Mais bien entendu c’est au Hezbollah que le rassemblement a le plus à dire et c’est des intégristes qu’il attend le plus car ils sont présents chez lui sur le terrain et ce sont leurs bombes sur les routes qui ont provoqué problèmes, escalade militaire et exode...
La rencontre a été préparée par quelques suggestions publiques; Ainsi au cours d’une table ronde télévisée à laquelle participait le député fondamentaliste Mohammed Fneich, le ministre-député Nadim Salem a proposé qu’on institue une coordination pour ce qui est de Jezzine comme de l’ensemble du Sud, à partir du postulat qu’est la nécessité d’y poursuivre une résistance active. A ce propos M. Salem a rappelé que la lutte contre l’occupation ne se limite pas à ses formes armées et que la population civile peut y participer comme un seul corps, si on lui donne latitude de tenir tête, de s’accrocher à sa terre au lieu de contribuer à l’en chasser, sous-entendu par les mines antipersonnel sur les routes... Le ministre-député a de même souligné que c’est en résistant, en restant dans la région que la population peut contribuer à contrer le complot de l’implantation des Palestiniens qu’Israël cherche à promouvoir.
Mais la tâche des jezziniotes n’est pas facile. Car même dans un cadre du dialogue, les pêcheurs en eaux troubles tentent de les désarçonner, en mettant en vis-à-vis par exemple Amal et le Hezbollah. Le rassemblement est de la sorte amené à affirmer que sa rencontre avec le Hezbollah n’est pas du tout une façon de désavouer la réunion qu’avaient pu avoir à Msayleh même l’évêque maronite Tanios Khoury, le Dr Michel Moussa, les députés Sleiman Kanaan et Samir Azar. Le rassemblement souligne une évidence: dans sa situation il doit parler avec tout le monde, pour essayer de trouver une formule protégeant durablement la ville. Selon les promesses faites jusque là et qui devraient être couronnées aujourd’hui en principe à travers la rencontre avec le Hezbollah, le calme va être rétabli dans la région. Le rassemblement indique cependant que même dans ce cas il va continuer à travailler, car il y a beaucoup à faire pour sortir Jezzine de la sévère crise socio-économique que le blocus lui fait subir. D’autant qu’avec la trêve les dizaines de milliers de gens qui se sont réfugiés à l’intérieur vont retourner et se retrouver pour la plupart sans possibilité de produire ou de travailler. Or l’Etat n’a jusqu’à présent fourni aucun effort pour aider cette enclave défavorisée à preuve que le Conseil du Sud ne lui a jamais accordé de crédits, pas plus du reste qu’aux autres zones occupées de la bande frontalière...
Avec la désascalade généralisée que les Américains initient pour le Sud il y aurait, estiment en conclusion les jezziniotes inquiets, un net recul de l’intérêt que leur région suscite et l’Etat oublierait peut-être les promesses qu’il a pu faire, notamment pour aider à l’écoulement de la récolte de pommes et autres produits...
On se demande toutefois si à tout prendre l’indifférence routinière, inévitable, de l’Etat n’est pas préférable à une attention, une sollicitude, que suscitent la tension et la violence...

Ph. A-A.