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Actualités - ANALYSE

Sud : de nouveau la vieille règle des Lignes rouges... et des accords non appliqués

Pendant quinze ans le Liban a été le théâtre des guerres que les autres livraient sur son territoire. Et aujourd’hui cette même «fatalité» semble vouer le Sud à payer le prix pour la paix d’autres.
Les guerres «domestiques» d’avant ne se sont arrêtées que lorsque des objectifs déterminés ont été atteints, dont la destruction de la force de frappe palestinienne et l’expulsion de l’OLP. Sur le plan local, on avait pu imposer Taëf, après avoir amené les maronites, qui ne l’auraient pas ratifié, à s’autodétruire en se battant entre eux...
Il faut donc voir aujourd’hui quels peuvent être les buts que l’on recherche en exploitant cette carte du Sud dont l’existence remonte, si l’on veut être précis, à 1969, année de la convention dite du Caire.
Vingt-huit ans plus tard, un ancien ambassadeur rappelle que «comme l’avait avoué en son temps Sisco, ancien conseiller à la Maison-Blanche, les matches au Liban étaient régis par un système de «lignes rouges». On prohibait aux protagonistes l’usage de certaines armes, comme les hélicos ou les avions, et on leur interdisait de s’envahir les uns les autres. Il ne fallait pas en effet qu’il y ait un vainqueur définitif, le but étant de prolonger l’hémorragie indéfiniment jusqu’à ce que les joueurs véritables, tirant les ficelles en coulisses, soient parvenus à leurs objectifs ou trouvent enfin intérêt à s’entendre entre eux, comme c’était devenu le cas lors des accords de Taëf. Les combats du Sud ont évidemment la même fonction et ne cesseront que lorsque les «partenaires-adversaires» étrangers trouveront un terrain d’entente».
Poursuivant son rappel, cet ancien diplomate évoque «le temps où l’Etat libanais, contraint et forcé, signait au Caire la convention légalisant pour ainsi dire l’action des Fedayine à partir du territoire libanais et que pourtant les Palestiniens n’ont eux-mêmes pas respectée, parce qu’en échange du Fathland qui leur était pour ainsi dire concédé dans le Arkoub, ils devaient s’abstenir d’une présence armée à l’intérieur. Le pli était pris: rien de ce qui concernait le Liban, aucun accord, aucune résolution, ne serait appliqué en réalité puisque ce pays n’avait aucune prise sur son propre destin. La 425, votée en 1978, est restée ainsi lettre morte. D’ailleurs, après la première invasion et malgré le résultat flagrant de leur comportement agressif initial, les Palestiniens n’ont jamais voulu cesser ces opérations à partir du Liban qui faisaient le jeu d’Israël. Et n’était la deuxième invasion qui en 1982 les a balayés de Beyrouth, tandis que les Syriens les chassaient de Tripoli, ils auraient continué. Il faut souligner que si leur action au Sud ou dans les capitales européennes où ils tuaient des Israéliens a pu déranger Tel-Aviv et l’obliger en définitive à les sortir du Liban, par contre l’Etat hébreu les a longtemps aidés en catimini sur le plan de la guerre intérieure au Liban, laissant passer des convois d’armes qui leur étaient destinés et qui arrivaient par mer».

Résistance islamique

«Puis la relève, après bien des destructions, a été assurée par la résistance islamique, libanaise certes mais inspirée par le khomeynisme au point qu’à ses débuts son slogan était de libérer Jérusalem. Toujours est-il qu’on est revenu à la vieille règle des «lignes rouges», consacrée en 1993 par les accords dits de juillet, suite à une vaste opération «terre brûlée» menée par les Israéliens qui avaient poussé des centaines de milliers de Sudistes sur les routes de l’exode. Sans ces accords, prohibant les tirs de Katioucha sur la Galilée, les Sudistes ne seraient pas revenus et la résistance islamique bien que toujours aussi loyale au radicalisme iranien, a dû composer pour ne pas se mettre à dos la population locale. Mais l’autre règle fondamentale, à savoir que les accords concernant le Liban ne sont jamais respectés, a aussi été appliquée. Après des provocations israéliennes, les missiles se sont abattus de nouveau sur la Galilée et Israël a riposté en 96 par les terribles bombardements de l’opération «les raisins de la colère» et par le massacre de Cana. Il y a donc eu les accords d’avril, version perfectionnée des accords précédents avec une trouvaille très sophistiquée: un «comité de surveillance» multinational à travers lequel, dans la foulée du sommet antiterrorisme de Charm el Cheikh, les Américains imposaient à la Syrie de se reconnaître comme partie prenante au dossier, en intégrant cette instance. Une présence qui n’a suffi ni à calmer définitivement le jeu sur le terrain ni à faire du comité un organisme actif, les communiqués «consensuels» s’interdisant de faire la distinction, à chaque incident, entre agresseur et agressé... Finalement ce laisser-aller de base n’a pas manqué de dégénérer et les civils, que les accords d’avril devaient protéger, ont de nouveau été pris pour cible par l’artillerie israélienne pour commencer puis par les Katioucha du Hezbollah sur la Galilée. L’on a même vu des Libanais, ou soi-disant tels, poser des bombes à leurs compatriotes ou les bombarder comme on l’a vu avec les mines de Jezzine puis avec les obus de Lahd sur Saïda. Ce cas de figure est le «rêve», l’«idéal» pour les manipulateurs étrangers de tous bords... On revient ensuite aux contacts pour rétablir le calme et, immanquablement, les Américains invitent les Syriens à neutraliser le Hezbollah. Pour faire semblant d’être impartiaux, ils demandent à Israël de veiller à juguler les débordements de Lahd et à l’empêcher de pilonner Saïda... Tout cela signifie, conclut cet ancien diplomate, que l’on veut rétablir les accords d’avril qui ne sont qu’un pis-aller et le Liban doit se résigner à continuer à jouer le rôle de bouc émissaire jusqu’à ce que les Israéliens et les Syriens soient parvenus à un accord, ce qui peut prendre des années...».

Jezzine

De son côté, M. Edmond Rizk, ancien ministre et député, se demande en substance «pourquoi l’Etat libanais s’acharne à associer Jezzine au reste du Sud occupé, alors qu’elle en est géographiquement isolée et pourquoi ce même Etat lie le volet du Sud au dossier régional, alors qu’il s’en distingue nettement par la 425 qui n’est pas la 242… Pourquoi, ajoute l’ancien responsable, l’Etat ne revient pas à Jezzine. En quoi un tel retour affecterait-il l’association des volets libanais et syrien dans le cadre des pourparlers régionaux? Et suivant quelle logique on veut que le Sud obéisse à la 242, alors qu’il n’est pas occupé au terme des guerres de 67 ou de 73, alors que pour Jezzine on s’accroche prétendument à la 425, c’est-à-dire qu’on refuse la récupération avant un retrait israélien total, ce qui en pratique réduit la population à une terreur constante à cause des explosions, sans compter l’asphyxie socio-économique qui découle du véritable blocus infligé à la région. Là, affirme M. Rizk, seuls 7% des quelque 150.000 habitants sont restés. Les gens ont peur de subir le même sort que leurs compatriotes de l’est de Saïda et de l’Iqlim el-Kharroub».

L’implantation

«En fait, ajoute M. Rizk, cette fois, l’«exodage» si l’on peut dire servirait en tout premier lieu les desseins d’Israël qui veut, avec la bénédiction à peine masquée des Occidentaux voire d’Arafat, implanter là les Palestiniens et porter un coup fatal à la formule libanaise de coexistence dans la région de Jezzine où chrétiens et musulmans ont toujours vécu côte à côte en paix, sans sang, sans jeu de mots, le sujet étant aussi sérieux que grave...».
Bizarrement le président Nabih Berry, qui est comme on sait négatif par rapport aux gens de Jezzine, reconnaît de même que le péril d’implantation est réel et il redoute que les ébullitions ne se poursuivent au Sud jusqu’à ce que ce projet y devienne réalisable.
Il accuse les Occidentaux, les Canadiens mais aussi les Européens de travailler à la promotion de ce plan, qui remonte comme on sait à Dean Brown. Selon le témoignage de l’ancien ministre Youssef Gébrane, l’émissaire U.S. avait fait dès 75 une telle proposition au président Sleiman Frangié qui l’avait rejetée avec indignation. Pour en revenir à l’actualité, l’ancien ambassadeur Simon Karam estime, comme beaucoup d’observateurs, que le Liban a eu tort (mais il était obligé de s’aligner sur les décideurs...) de refuser de participer aux multilatérales car c’est là que se cuisine l’implantation des Palestiniens, qu’il ne peut donc pas vraiment contrer...

E.K.
Pendant quinze ans le Liban a été le théâtre des guerres que les autres livraient sur son territoire. Et aujourd’hui cette même «fatalité» semble vouer le Sud à payer le prix pour la paix d’autres.Les guerres «domestiques» d’avant ne se sont arrêtées que lorsque des objectifs déterminés ont été atteints, dont la destruction de la force de frappe palestinienne et...